136 députés allemands ont envoyé, jeudi 17 mars au président turc Erdogan, une lettre condamnant les atteintes à la liberté de la presse en Turquie. | Murat Cetinmuhurdar / AP

A quelques heures d’un nouveau sommet entre l’Union européenne et la Turquie, 136 députés allemands ont envoyé, jeudi 17 mars au président turc Erdogan, une lettre condamnant les atteintes à la liberté de la presse en Turquie, et notamment les procédures entamées contre le journaliste Can Dündar. Celui-ci est rédacteur en chef du quotidien Cumhuriyet. Adversaires du régime islamiste turc, lui et Erdem Gül, son chef de bureau à Ankara, ont été arrêtés, le 25 novembre 2015, en Turquie, pour « espionnage » et « divulgation de secret d’Etat ». Ils encourent la prison à vie.

Après quatre-vingt-douze jours de détention provisoire, la Cour constitutionnelle les a remis en liberté, début mars, ce qui a provoqué la colère du président Erdogan. Les deux journalistes devraient être jugés à la fin du mois de mars. Lors de la présentation de la lettre à la presse, les députés allemands ont fait référence au texte de Can Dündar publié la veille dans Le Monde (daté 17 mars).

Critique voilée à Angela Merkel

Signe que le sujet est politiquement sensible en Allemagne, on trouve parmi les signataires des députés des quatre groupes politiques présents au Bundestag : des députés de l’opposition (Die Linke et les Verts), mais aussi de la majorité. On compte quarante-huit députés sociaux-démocrates (SPD) et cinq chrétiens-démocrates qui ont signé cette lettre. Le nombre relativement faible de députés de l’Union CDU/CSU semble indiquer que cette lettre est également perçue comme une critique voilée à Angela Merkel, très engagée dans les négociations avec la Turquie.

Mercredi, s’exprimant devant le Bundestag, la chancelière a critiqué l’Union européenne et a au contraire loué la Turquie pour sa politique à l’égard des réfugiés. « Avoir tant de difficultés à répartir la charge [des réfugiés] ne fait pas honneur à l’Union de 28 Etats membres qui ont 500 millions de citoyens », a-t-elle dit, avant de juger « qu’on ne pouvait pas rendre hommage autant qu’il le faudrait » au comportement d’Ankara à l’égard des réfugiés.

Jeudi matin, le Spiegel a fait savoir que son correspondant en Turquie, Hasnain Kazim, n’avait pas obtenu le renouvellement de sa carte de presse et devait donc quitter le pays. Une mesure qui, selon l’hebdomadaire, s’explique par le professionnalisme de ce journaliste, peu apprécié par les autorités turques.