André Adam.#EnMémoireBruxelles | D.R.

La seule victime française des attentats de Bruxelles est, paradoxalement, un diplomate qui n’a cessé de servir la Belgique. André Adam était belge, mais il avait aussi obtenu la nationalité française en 2006. Le matin du 22 mars, il était assis avec sa femme à l’aéroport de Zaventem, près des rangées 4 et 5, quand la première bombe a explosé.

Puis est venue la seconde, toute proche, qui a dégagé un violent souffle à hauteur des pieds – si fort que les corps se déplaçaient sur le sol. « Le plafond est tombé sur nous. Mes cheveux ont brûlé. Mon mari était recroquevillé. Il ne parlait pas. Un jeune homme, par terre, m’a tendu la main. Je l’ai serrée, raconte aujourd’hui son épouse, Danielle, toujours hospitalisée. J’ai vu qu’on emmenait mon mari en ambulance. C’est la dernière image que j’ai de lui. »

Plongée dans un coma artificiel pendant une quinzaine de jours, amputée d’un pied, Danielle, 72 ans, n’a pas pu assister à ses obsèques, le 1er avril. « Je n’ai pas réussi à sortir de mon chagrin. De temps à autre, je pleure toute seule, confie-t-elle. C’est comme un nœud ».

De Cuba à l’ONU

Dès qu’elle le pourra, Danielle retournera avec les cendres de son mari dans leur maison du Gers, à Larressingle, où le couple s’est établi en 2001, à la retraite d’André, une ancienne boulangerie qu’ils ont rénovée. André Adam était le président des Amis de Larressingle, l’un des plus beaux villages de France, nanti d’une belle forteresse. Le diplomate belge avait trouvé des financiers pour réparer la moitié des murailles. Il aidait le maire à rédiger ses discours. Il aimait marcher, adorait la musique, était féru d’histoire et de littérature. Depuis peu, raconte Isabelle, il s’était mis aux fourneaux, car c’était un bon vivant. « Cela fait cinquante et un ans que nous étions mariés. Nous étions amis, complices et très amoureux », souligne Danielle, qui l’avait convaincu d’acquérir la nationalité française.

Fils de diplomate, André Adam, né à Bruxelles, obtint son premier poste à La Havane en 1964. Une jeune secrétaire française travaillait à l’ambassade belge. Elle s’appelait Danielle… Ils vécurent ensemble, solidaires, une longue et brillante carrière qui les emmena à Paris, Kinshasa, Londres, Bruxelles, Los Angeles, Alger, Washington, avant de connaître la consécration à la représentation permanente de la Belgique au siège de l’ONU, à New York.

Le plus dur fut Alger, où, à la fin des années 1980, montait l’intégrisme religieux. Le diplomate y négocia la diminution, en quantité et en prix, d’un contrat gazier qui fit économiser beaucoup d’argent à la Belgique. André Adam croyait en son pays et à son esprit d’entreprise. « Son rêve était que chaque petit Chinois ait une tablette de chocolat belge », dit son épouse dans un sourire.

Le 22 mars, André Adam avait conduit son épouse à Zaventem, où elle devait s’envoler, avec Isabelle, pour les Etats-Unis. Prudent, il était arrivé tôt, à 7 h 15. Trop tôt. « On avait rendez-vous à 8 h 30 », explique Isabelle, qui ne parvint jamais à rejoindre l’aéroport à cause des attentats. Que sa fille ait échappé au massacre est, pour la mère, une énorme consolation. Ses quatre enfants et sept petits-enfants l’entourent, plus solidaires encore qu’avant.

Christophe Lamfalussy (« La Libre Belgique »)