Le candidat du FPOe Norbert Hofer en campagne à Vienne le 22 avril. | LEONHARD FOEGER / REUTERS

C’est leur meilleur résultat depuis la seconde guerre mondiale à une élection nationale ; l’extrême droite est arrivée en tête du premier tour de l’élection présidentielle en Autriche, dimanche 24 avril. Le candidat du Parti de la liberté d’Autriche (Freiheitliche Partei Österreichs, FPÖ), Norbert Hofer, a recueilli 36,4 % des voix, selon un premier résultat officiel, loin devant son adversaire du second tour, l’écologiste Alexander Van der Bellen, qui a réuni 20,4 % des suffrages.

Les deux partis social-démocrate (Sozialdemokratische Partei Österreichs, SPÖ) et chrétien conservateur (Österreichische Volkspartei, ÖVP), qui se partageaient le pouvoir depuis 1945, sont éliminés avec 11,2 % des voix chacun.

  • Qui est Norbert Hofer ?

Le benjamin des candidats à la présidentielle, membre du FPÖ depuis vingt-deux ans, a réussi à faire nettement mieux que Jörg Haider, ancienne figure de proue du parti, mort accidentellement en 2008. Pourtant, Norbert Hofer était presque inconnu du grand public au lancement de sa campagne.

Discret vice-président du Parlement, il ne représente pas l’aile la plus extrémiste du Parti de la liberté d’Autriche, loin des dérapages de Barbara Rosenkranz aux propos ambigus sur le nazisme, ou d’Andreas Mölzer qui avait comparé l’Union européenne (UE) à un « conglomérat de nègres » lors des européennes de 2014.

Cet ingénieur aéronautique de 45 ans, réputé pour sa courtoisie et partiellement handicapé à la suite d’un grave accident de parapente, a réussi à séduire l’électorat jeune, incarnant une forme de renouvellement générationnel. Selon un sondage Public Opinion Strategies, 30 % de ses électeurs ont affirmé avoir voté pour lui parce qu’il était « jeune et dynamique » et les autres candidats, « trop vieux ».

  • Quelles sont ses positions politiques ?

Figure de la dédiabolisation, M. Hofer n’en est pas moins un candidat d’extrême droite. Comme le rappelle Vice News, il est eurosceptique et souhaite que son pays quitte l’UE, a un discours anti-immigration et veut interdire le port du voile. Connu pour avoir porté sur lui son pistolet Glock sur les sentiers de la campagne, il a d’ailleurs justifié son amour des armes comme une réaction naturelle face à la crise migratoire. « Dans les périodes incertaines, les gens essayent de se protéger seuls », a-t-il commenté dans le Telegraph.

Au cours de sa campagne, M. Hofer a ouvertement menacé, en cas de victoire, de dissoudre le Parlement si la majorité ne suivait pas ses recommandations concernant, entre autres, la crise migratoire. S’il était élu président fédéral, la dissolution du Parlement ferait en effet partie de ses prérogatives, tout comme la nomination du chancelier et le contrôle des armées – pour un mandat de six ans, renouvelable une fois.

Norbert Hofer a également affirmé qu’il refuserait de « nommer dans son gouvernement des femmes portant le foulard », relève Slate. « L’un de ses grands combats [du FPÖ] est l’abolition de la loi de 1947, qui prévoit une peine de vingt ans de prison pour quiconque reconstitue le parti nazi, propage son idéologie ou nie ses crimes, notamment l’Holocauste », souligne de son côté Libération.

  • Comment la percée du FPÖ bouleverse-t-elle l’échiquier politique autrichien ?

La montée en puissance du parti d’extrême droite, fondé en 1955 par d’anciens nazis, s’est amorcée lors des dernières élections régionales en 2015, où le FPÖ avait déjà obtenu plus de 30 % des voix dans deux bundesländer. Elle s’est confirmée dimanche, alors que la coalition gouvernementale est chahutée par la montée du chômage et la crise des migrants. En 2015, 90 000 réfugiés ont demandé l’asile en Autriche, représentant plus de 1 % de la population.

Cette nouvelle équation politique met en danger les mandats du chancelier, Werner Faymann (SPÖ) et du vice-chancelier Reinhold Mitterlehner (ÖVP), qui courent jusqu’en 2018. Pour l’instant, ils ont exclu tout remaniement. Le premier s’est déclaré « attristé » du résultat et a assuré que le gouvernement travaillerait encore « plus dur ». Quant à M. Mitterlehner, il a estimé que les partis au pouvoir payaient le prix de « la peur du déclassement » d’une partie de la population et « d’une ambiance générale hostile à l’establishment ».

« Le paysage politique hérité de la guerre est à terre », relève le quotidien Salzburger Nachrichten, tandis que plusieurs journaux évoquaient, lundi 25 avril, un « tsunami » et un « tremblement de terre ». En « une », le quotidien Die Presse titrait « Le jour où l’Autriche est devenue bleue », en référence à la couleur emblématique du FPÖ. M. Hofer est en effet arrivé en tête dans 90 % des communes, à l’exception notable de Vienne.

Pour l’instant, aucun des partis n’a émis de consigne de vote. M. Faymann a toutefois indiqué qu’« à titre personnel », il voterait pour l’écologiste Van der Bellen. Le second tour aura lieu le 22 mai.