Christian Estrosi, le maire de Nice, le 18 décembre 2015. | BORIS HORVAT/ AFP

« Tant que je serai maire de Nice, cet équipement n’ouvrira pas », avait promis Christian Estrosi (Les Républicains) en octobre 2012, au sujet du centre En-Nour, un établissement comportant une mosquée, une bibliothèque ou encore un restaurant, en construction dans l’ouest de la ville. Trois ans et demi plus tard, les travaux sont terminés et l’ouverture du centre est validée – sous conditions – par le préfet des Alpes-Maritimes. Mais le maire de Nice ne désarme pas : il a convoqué, lundi, un conseil municipal extraordinaire qui a adopté plusieurs délibérations, dont une visant à poursuivre devant un tribunal la décision préfectorale.

M. Estrosi s’inquiète en particulier du financement du lieu de culte, dont la construction s’est achevée en novembre 2015 : le local appartient, en effet, s’émeut le maire, « au ministre des affaires religieuses d’Arabie saoudite, qui prône la charia ». Aussi a-t-il demandé la saisie de Tracfin, le service gouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent, une proposition votée lundi par le conseil municipal. Le préfet a, lui, donné son accord, au début du mois, à l’ouverture de la mosquée, à condition qu’elle « ne dépende en aucune façon d’une influence étrangère » et que « sa gouvernance (…) y associ[e] la collégialité représentative du culte musulman à Nice et dans le département ».

Une affaire « strictement politique » pour le PS

Le maire a dénoncé, au cours de la séance, un manque de cohérence entre le discours de Manuel Valls sur le salafisme – « une forme de minorité agissante (…) en train de gagner la bataille idéologique et culturelle dans l’islam de France », avait déclaré le premier ministre le 4 avrilet les actes du représentant de l’Etat à Nice.

Ces arguments ont été fermement contestés par l’opposition. Patrick Allemand, chef de file des socialistes, a pointé une « affaire strictement politique » ; pour lui, la démarche de M. Estrosi relèverait d’une volonté d’« entraver la pratique d’un culte » et son insistance à annuler l’ouverture de la mosquée tiendrait du « harcèlement » envers les musulmans. « Vous faites croire qu’il s’agit d’une mosquée salafiste, c’est un gros mensonge », a renchéri Benoît Kandel, ancien premier adjoint de M. Estrosi, tombé en disgrâce en 2013.

Christian Estrosi, arguant que le site se trouve « au cœur d’une technopole réunissant bientôt 20 000 habitants supplémentaires », souhaite que d’autres locaux soient affectés à la mosquée et qu’une crèche soit construite en lieu et place de cette dernière. Il demande au préfet de signer à cet effet une déclaration d’utilité publique. « Vous ne pouvez pas contester que le projet de mosquée est antérieur à celui de la crèche », a rétorqué le socialiste Patrick Allemand, qui a rappelé que la mairie avait, en 2012, donné son accord aux travaux.

« Intolérance » et hypocrisie politique

Le conseil municipal extraordinaire s’est tenu alors que les relations entre Christian Estrosi et le préfet des Alpes-Maritimes, Adolphe Colrat, sont des plus tendues. Le représentant de l’Etat estime que « les déclarations publiques répétées » du maire contre l’ouverture de la mosquée pourraient faire conclure à un juge administratif que la déclaration d’utilité publique est « entachée de détournement de procédure ou de détournement de pouvoir ». M. Estrosi accuse, lui, M. Colrat d’avoir changé d’avis et a jugé lundi, en séance publique, qu’il faisait preuve d’« intolérance » et d’« opportunisme politique ».

La mosquée a déjà reçu un avis favorable de la commission de la sécurité pour ouvrir au public. Elle pourra accueillir quelque 250 fidèles pour la prière.