Une agence Pôle emploi à Gravelines (Nord). | PHILIPPE HUGUEN / AFP

« La dynamique de reprise s’est enclenchée en France, et l’économie possède des marges de croissance. » C’est en substance le message délivré par les économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), organisme de recherche indépendant classé à gauche, qui a présenté mardi 12 avril ses prévisions macroéconomiques bisannuelles.

« Alors que 2014 et 2015 avaient été marquées par un décrochage de la croissance française par rapport au reste de la zone euro, l’économie française aborde 2016 dans de meilleures conditions », a résumé Mathieu Plane, économiste à l’OFCE, pour qui « de nombreux signaux positifs sont passés relativement inaperçus » dans l’Hexagone.

D’abord, l’année écoulée a été marquée par une reprise de la création d’emplois, avec 122 000 emplois marchands créés, et 166 000 au total. De plus, le déficit public s’est révélé moins important que prévu l’an dernier, à 3,5 % du PIB, alors que la loi de finances et le programme de stabilité transmis à la Commission européenne prévoyaient 3,8 %.

Autre point positif : une maîtrise marquée de la dépense publique, « qui a ralenti à un niveau jamais vu depuis les années 1960 », selon M. Plane. Elle s’est stabilisée l’an dernier en volume, après avoir crû de 0,5 % seulement en 2014.

« Deux points noirs »

Les comptes des entreprises se sont aussi notablement améliorés. « L’investissement a enregistré une reprise nette, avec une hausse de 3,2 % en fin d’année 2015. L’Hexagone a également amélioré ses parts de marché et sa balance courante est proche de l’équilibre, alors qu’elle enregistrait un déficit de 25 milliards d’euros mi-2014 », indique M. Plane. Enfin, le taux de marges des entreprises s’est nettement redressé, en particulier dans l’industrie et dans les secteurs exportateurs en général, « qui sont passés de 33 % de marge mi-2014 à 39 % aujourd’hui, au plus haut depuis 1980 », souligne l’OFCE.

Les économistes concèdent toutefois « deux points noirs » qui ont handicapé la conjoncture tricolore l’an dernier : le recul de l’investissement des ménages, c’est-à-dire de la construction, qui a amputé la croissance de 0,2 point de PIB en 2014 comme en 2015 ; mais aussi la baisse des investissements des administrations publiques. Ces derniers ont reculé « de 10 % en deux ans, du jamais vu », note M. Plane.

Par ailleurs, des surcapacités demeurent, aussi bien dans la production, où les taux d’utilisation des équipements et des machines ne sont pas revenus à leur moyenne historique, mais aussi sur le marché du travail, avec un sureffectif estimé à 70 000 personnes dans les entreprises – qui n’ont pas licencié dans les proportions de la contraction de l’activité au plus fort de la crise. De plus, la consommation des ménages, socle de la reprise, est restée relativement faible au regard de la forte hausse du pouvoir d’achat, ce qui laisse à penser que les Français ont préféré épargner plutôt que de dépenser leurs revenus.

Les bas de laine

Mais pour l’OFCE, ce dernier bémol devrait être source d’optimisme pour 2016. « Depuis 2008, jamais la capacité d’épargne des ménages n’a été aussi élevée. Couplé avec un taux de marges des entreprises nettement meilleur, ce facteur permet à la France d’aborder 2016 avec des capacités financières nettement plus élevées que par le passé », explique M. Plane.

L’OFCE attend un rebond de la consommation, à la fois par effet ricochet après un quatrième trimestre marqué par les attentats de Paris et la douceur de l’automne, et parce que les Français devraient désormais davantage piocher dans leurs bas de laine. De sorte que la France aborde 2016 sous de meilleurs auspices que l’année précédente. Les économistes de l’OFCE prévoient une croissance de 1,6 % pour cette année – le gouvernement table sur 1,5 % – et d’autant pour 2017.

Pas question pour autant de tomber dans l’angélisme. « Cela reste très mou au regard des reprises précédentes », souligne M. Plane. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’effet sur l’indicateur le plus important aux yeux des Français : le taux de chômage. Celui-ci, qui stagne autour de 10 % depuis la mi-2013, devrait redescendre à… 9,5 % en 2017, selon l’OFCE. Un effet de la reprise de l’activité, mais aussi du plan de formation de 500 000 chômeurs annoncé par François Hollande en janvier, qui fera baisser la population active mécaniquement… et temporairement.