Le président équatorien Rafael Correa en visite mardi 19 avril à Montecristi, une des villes de la côte pacifique frappée par le violent séisme de samedi 16 avril. | JUAN CEVALLOS / AFP

Trois grosses secousses ont encore ébranlé la côte équatorienne mercredi 20 avril, soixante-douze heures après le tremblement de terre qui a tué plus 570 personnes, et fait 7 000 blessés, selon le dernier bilan officiel. Les répliques compliquent le travail des secouristes qui tentent de récupérer les cadavres encore sous les décombres, et affolent les survivants.

Absent du pays le jour du désastre, le président Rafael Correa a depuis passé trois jours et trois nuits sur le terrain. Il s’est rendu dans les villes touchées par le séisme. « Le leadership est important dans ces moments-là », a-t-il souligné, de retour à Quito mercredi.

Après avoir constaté la situation par lui-même, le chef de l’Etat a choisi de parler franc. « Le nombre de morts va encore augmenter » et les rescapés devront vivre sous tente « probablement pendant des mois ». Près de 2 000 bâtiments ont été endommagés et plus de 24 000 personnes vivent dans des abris. « La reconstruction prendra des années », a prévenu le président, qui s’est néanmoins voulu encourageant. « Nous allons pleurer nos morts. Et les larmes versées fertiliseront le sol du futur », a -t-il prédit. Il s’est félicité du travail des équipes de secouristes, du dévouement des médecins, de la solidarité démontrée par les Equatoriens, de « l’aide impressionnante » fournie par les pays voisins. « Nous allons nous en sortir », a-t-il affirmé à plusieurs reprises.

Trois milliards de dollars de dégâts

Le président équatorien a estimé à quelque trois milliards de dollars (2,66 milliards d’euros), le coût des destructions, un chiffre qui équivaut à environ 3 % du PIB. Déjà, une commission d’experts planche sur l’estimation définitive qui sera connue dans six semaines. La reconstruction est une « affaire d’Etat », qui prendra des années, quel que soit le gouvernement en place, a affirmé M. Correa. Au pouvoir depuis près de dix ans, il doit quitter ses fonctions en mai prochain.

Dans la soirée, le chef de l’Etat a annoncé lors d’une allocution télévisée des mesures économiques d’urgence pour engager la reconstruction : augmentation de deux points de TVA (qui passe de 14 % à 16 %) pendant un an, contribution exceptionnelle de 0,9 % sur les patrimoines de plus d’un million de dollars et de 3 % sur les bénéfices des entreprises, prélèvement unique d’un jour de travail par tranche de salaire de mille dollars, jusqu’à 5 jours de travail pour les salaires de plus de 5 000 dollars. Il compte également vendre certains actifs de l’Etat et solliciter un crédit d’urgence de 600 millions de dollars auprès de la Banque mondiale et d’autres bailleurs internationaux. Des mesures qui pourraient fragiliser l’union sacrée affichée depuis le drame.

Les images du séisme en Equateur
Durée : 00:48
Images : Reuters

Union sacrée

Détesté à droite pour ses positions de gauche et à gauche pour son autoritarisme et son arrogance, Rafael Correa a choisi de jouer la carte de l’union sacrée face au drame. « Ce qui nous unit aujourd’hui est plus fort que ce qui nous sépare », a répété le chef de l’Etat. Depuis la catastrophe, l’opposition a, elle aussi, mis ses critiques en sourdine. Une fois n’est pas coutume, il a même remercié la presse pour son travail.

Il a d’ailleurs profité de l’occasion pour défendre la politique de dépenses publiques et de grands travaux engagée par son gouvernement pendant les années de manne pétrolière. « L’Equateur est mieux préparé qu’il ne l’était pour affronter une tragédie de ce genre », a assuré M. Correa. L’opposition l’accuse d’avoir vidé les caisses du pays. « La liquidité, c’est d’avoir de l’argent quand on en a besoin », a rétorqué le chef de l’Etat, titulaire d’un doctorat en économie.

Enfin, le président équatorien a lancé une idée forte : la création d’un « secrétariat sud-américain aux risques ». La mise en place d’un mécanisme régional de coordination permettrait de réduire le coût, pour chacun des pays du continent, des équipements à entretenir et des équipes à mobiliser pour faire face à un désastre naturel. « Aucun pays – sauf peut-être le Brésil - ne peut disposer en permanence de tout qui est nécessaire pour une situation d’urgence », a-t-il rappelé.