Slogan écrit sur le sol de la place de la République, le 16 avril. | ALAIN JOCARD / AFP

La manifestation du 28 avril est l’occasion pour le mouvement Nuit debout de tester un début de « convergence » avec les syndicats sur le retrait de la loi travail. Avant la manifestation, une délégation de militants de Nuit debout doit en effet rencontrer Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Jeudi soir, la traditionnelle AG de Nuit debout accueillera des représentants d’organisations syndicales. La secrétaire confédérale de la CGT Catherine Perret représentera le syndicat dans une « table ronde » prévue le 1er mai, à l’issue du cortège traditionnel de la fête du travail.

Mais les cortèges du 28 avril et du 1er mai, dont le trajet a été fixé par l’intersyndicale entre Denfert-Rochereau et Nation, n’iront pas jusqu’à la place de la République, fief de Nuit debout – même si de nombreux militants syndicaux rejoindront sans doute la place, à titre individuel.

Débat élargi et mode d’action singulier

Depuis le début de l’occupation de la place de la République, le 31 mars, Nuit debout dit vouloir s’attacher à la « convergence des luttes ». Mais, parti de la contestation de la loi El Khomri, le mouvement s’est élargi à des questionnements plus divers. Nuit debout veut repenser tout le système, tandis que les syndicats se focalisent sur l’objectif du retrait de la loi travail.

Cet élargissement des débats à Nuit debout, et le mode d’action de « l’occupation » par opposition au rapport de force en entreprise, a suscité une certaine méfiance des syndicats ; de sorte que Nuit debout cherche aujourd’hui à rectifier un peu le tir. « Nous ne revendiquons rien », disait l’économiste Frédéric Lordon à la veille de la première Nuit debout, le 30 mars, devant l’amphi occupé de l’université Paris I-Tolbiac. Mais un syndicat, précisément, revendique toujours quelque chose. Le 20 avril à la Bourse du travail, l’économiste est revenu sur cette phrase. Signe d’une volonté de la part de Nuit debout de comprendre la démarche syndicale et sa « grammaire d’action […], par essence d’emblée revendicative ».

Parmi les syndicats en lutte pour le retrait de la loi travail, les trois principaux (en dehors des syndicats étudiants) ont des attitudes différentes par rapport au mouvement. Du côté de Force ouvrière (FO), on préfère se concentrer sur le retrait de la loi. « Les termes abordés par le mouvement Nuit debout dépassent la question syndicale et salariale du retrait de la loi. Nous, on reste concentrés là-dessus pour l’instant », tranche Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO.

Rencontres symboliques et retour à la loi travail

À la CGT, réunie la semaine dernière en congrès à Marseille, les débats ont été nombreux pour savoir s’il fallait ou non soutenir le mouvement, et bénéficier ainsi d’un « nouveau souffle » dans la lutte contre la loi travail. Une sorte de compromis a été trouvée avec les rencontres symboliques prévues le 28 avril et le 1er mai. Mais le secrétaire de l’union départementale de la CGT Paris, Benoît Martin, reste circonspect sur le caractère opératoire d’une telle mobilisation, même s’il salue l’effort des « Nuitdeboutistes » et se réjouit que les plus jeunes « se politisent ». « On ne décrète pas le blocage place de la République, rappelle-t-il. Ce sont les salariés qui décident, et le lieu de travail reste le lieu privilégié du rapport de force. »

Le syndicat Solidaires, lui, est proche de Nuit debout depuis le début. Il a plusieurs fois prêté du matériel et déclaré les occupations en préfecture. À l’issue de la manifestation du 28 avril, une prise de parole d’un responsable est prévue place de la République, explique Eric Beynel, porte-parole du mouvement.

La situation s’est donc globalement « décrispée » selon François Ruffin, journaliste et réalisateur de Merci Patron !, l’un des initiateurs de la Nuit debout. Mais la convergence entre les syndicats et Nuit debout, si elle se fait, se fera donc au prix d’un retour au débat de départ sur la loi travail. « Nuit debout est quand même partie de cela, c’était simplement un pas de plus après une manifestation contre la loi », rappelle François Ruffin, pour qui la convergence avec les syndicats est une évidence : « Deux forces qui luttent pour la même chose doivent lutter ensemble. » Reste à savoir si l’AG de la place de la République sera prête à mettre de côté ses autres prérogatives (parité, salaire universel, écologie, solidarité avec les migrants, éducation, représentativité démocratique, etc.) pour permettre cette convergence.