Dans la ville de Pedernales (province de Manabi), les secours répartissent les dons, lundi 18 avril. | GUILLERMO GRANJA / REUTERS

Au volant de sa belle voiture, bourrée de bouteilles d’eau et de couches pour bébé, German Mena attend depuis deux heures et demie qu’un bulldozer dégage la route entre Quito, la capitale, et la petite ville de Pedernales, au nord-ouest du pays. La file de véhicules est bloquée depuis le matin par un nouvel éboulement de terrain. Depuis le tremblement de terre de magnitude 7,8 qui, samedi 16 avril, a frappé la côte pacifique équatorienne, plus de 400 répliques ont été enregistrées, selon l’institut de géophysique du pays.

Cadre d’entreprise, German a décidé d’y aller de sa poche, et de son temps, pour apporter lui-même de l’aide aux victimes. Leur chiffre ne cesse de s’alourdir. Le dernier bulletin officiel en décompte 507 et plus de 3 000 blessés, essentiellement dans la province de Manabi, dans le nord-ouest du pays.

Egalement coincé sur la route, Fernando apporte le riz et les conserves que ses collègues de la coopérative de taxis Colon ont réunis. Un peu plus loin dans la longue file de voiture, des jeunes bavardent sur la plate-forme arrière d’un véhicule. Etudiants, ils ont spontanément décidé de venir prêter main forte. Dans ce petit pays de 16 millions d’habitants, l’élan de solidarité a été massif.

Quatre voitures plus loin, un couple de retraité avoue avoir fait le voyage « juste pour voir ». Le tourisme morbide a ses adeptes. A la radio, journalistes et responsables de terrain tentent de dissuader ces curieux et de canaliser les volontaires trop impétueux. Un numéro d’appel a été mis en place pour recevoir et coordonner leurs candidatures. « Le pays a besoin de vous dans les centres de tri de l’aide », insiste la présentatrice de Radio Zaracay. A Quito, comme dans toutes les villes du pays, ces centres centralisent les dons. « N’envoyez plus de vêtements, ni de riz. Envoyez des masques, des médicaments et de la nourriture, à consommer sans cuisson », continue la radio.

Risque d’urgence sanitaire

« Ce ne sont pas les autorités municipales qui dictent les normes de construction mais la pauvreté »

Mer calme et sable clair, la longue plage de Pedernales, 55 000 habitants, fait carte postale. Mais elle pue le cadavre. Le front de mer de la station balnéaire – la plus touchée par le séisme – n’est qu’une longue rangée de gravats. 159 personnes ont péri. Ici et là, des pelleteuses s’agitent encore. Un homme pleure à côté d’un amas de fer et de béton. « Pedernales était en plein développement. Depuis dix ans, ses infrastructures touristiques s’étaient beaucoup améliorées », se désole Veronica Espinosa, qui a une maison dans le luxueux condominium de Jama Campay, à plusieurs kilomètres de là. La route pour accéder à la ville de Jama, également en ruine, est coupée.

Face au Pacifique, seul l’hotel El Costeñito a bizarrement résisté au terrible jeu de quille tellurique. Partout dans la ville, la nature semble avoir choisi ses victimes urbaines au hasard : pourquoi quelques rares immeubles de plus de trois étages ont-ils tenu? Pourquoi cette maison s’est-elle complètement effondrée alors que ses voisines semblent intactes ? « Tout dépend de la qualité des fondations », résume Shannon, un secouriste américain.

« C’est le vrai problème, ici en Equateur comme dans une bonne partie de l’Amérique latine. Ce ne sont pas les autorités municipales qui dictent les normes de construction mais la pauvreté et la négligence ou, pire, l’avidité et la corruption », confirme l’architecte local Roberto Vera. Mardi, le président Rafael Correa a évalué à quelque 3 milliards de dollars le coût de la reconstruction.

Le modeste stade de la ville a été transformé en centre d’opération. Toutes les équipes de secouristes sont là : les équipes de pompiers venus de tout le pays, la Croix-Rouge, la police, les Péruviens, Mexicains et Colombiens. De l’avis général, l’aide d’urgence a bien fonctionné… là ou elle est arrivée. Pedernales fait figure de privilégiée. Le port de Manta, le deuxième du pays, et la ville de Portoviejo ont aussi fait l’objet d’une attention rapide. Mais des dizaines de petits villages coincés dans les criques de la côte restent complètement isolés. La colère y gronde, après trois jours passés avec des morts ou des blessés, sans eau, sans électricité, sans ravitaillement. Partout, la crainte que les corps encore ensevelis provoquent une urgence sanitaire s’intensifie.

L’autre grande question est de savoir si le gouvernement réussira à relever les défis de l’aide de longue durée et de la construction. Maria Rosa, qui a perdu sa maison, s’en inquiète. « Les miens sont vivants et cela devrait être la seule chose importante. Mais comment allons-nous repartir de rien ? Nous avions acheté la maison à crédit. » Elle pointe du doigt une de ces camionnettes où matelas et chaises s’amoncellent. « Regardez, ce sont les gens qui quittent la ville pour aller s’installer ailleurs, là où ils ont de la famille. Nous, nous n’avons nulle part où aller. » Son inquiétude est d’autant plus vive que la terre continue de trembler. Mardi, en fin d’après-midi, une nouvelle réplique de magnitude 5,9 a été enregistrée.

Des hommes et un chien secourus deux jours après le séisme en Equateur
Durée : 00:50