L'agence Pôle emploi de Villeneuve-d'Ascq, dans le Nord. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Un geste en direction de la jeunesse, même si rien ne sera fait avant la fin du quinquennat. Le premier ministre, Manuel Valls, a soutenu, lundi 18 avril, l’idée de permettre aux jeunes les plus précaires de bénéficier des minima sociaux dès l’âge de 18 ans, et non plus à 25 ans. Des annonces aussitôt décriées par l’opposition, le parti Les Républicains déplorant « un signal désastreux » envoyé « à notre jeunesse confinée dans l’assistanat ».

En première ligne partout en France, les missions locales accompagnent les demandeurs d’emploi âgés de 16 ans à 25 ans. Xavier Pouille est référent revenu de solidarité active (RSA) à la mission locale de Douai (Nord).

Les jeunes que vous suivez peuvent-ils déjà bénéficier de minima sociaux ?

Il existe deux types de minima pour les jeunes : l’allocation adulte handicapé et le RSA. Le RSA classique est ouvert aux moins de 25 ans qui ont un ou plusieurs enfants à charge. Le RSA jeune actif est lui ouvert aux jeunes de 18 ans à 24 ans qui ont travaillé deux ans au cours des trois dernières années, soit 3 214 heures. C’est beaucoup. Les contrats professionnels ou d’apprentissage ne sont pas pris en compte car ce sont des heures de formation et non d’activité salariée.

A la mission locale du Douaisis, nous avons beaucoup de mal à mettre en place ce dispositif. Nous avons aidé des jeunes à déposer une demande à la caisse d’allocation familiale. Lorsque vous avez multiplié les contrats d’intérim pendant trois ans, il n’est pas facile de retrouver toutes les pièces demandées. Seuls quelques-uns ont pu remplir tous les critères et bénéficier de ce RSA jeune actif.

Y a-t-il d’autres dispositifs prévoyant une aide financière pour ces jeunes ?

Outre les minima sociaux, il existe le contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) et maintenant la garantie jeunes. Dans le cadre de ces dispositifs, une allocation mensuelle est donnée aux jeunes s’ils s’investissent pour réussir leur insertion.

Avec le CIVIS, qui est amené à disparaître, l’allocation est donnée en fonction de l’engagement du jeune. Quelqu’un qui fait un stage, des tests chez Renault ou Toyota, se prépare à une formation, aura peut-être plus ce mois-ci qu’un autre jeune moins impliqué. Le montant varie en fonction des missions locales.

Avec la garantie jeunes, qui est un nouveau dispositif, l’accompagnement est renforcé. Le jeune s’engage à être présent trente-cinq heures par semaine pendant six semaines pour suivre des ateliers sur le budget, le logement, la santé, les métiers en tension, son projet professionnel, la façon de préparer son CV ou un entretien… Au total, le suivi individuel et collectif assuré par la mission locale dure un an.

Le but est de rendre ces jeunes autonomes. Ce dispositif vise un public prioritaire, c’est-à-dire des personnes qui ne sont ni en emploi ni en formation ni en étude et en situation de grande précarité financière, familiale et sociale. L’allocation est de 461,26 euros par mois.

Qu’est-ce que ces minima sociaux ou allocations apportent à ces jeunes ?

« Une voiture ne sert pas seulement à aller chercher des cigarettes au bout de la rue, mais aussi à aller travailler. »

Cela leur permet de gagner une certaine autonomie pour leurs frais personnels, payer l’essence de leur scooter, leur assurance… On les encourage à passer leur permis : une voiture ne sert pas seulement à aller chercher des cigarettes au bout de la rue, mais aussi à aller travailler. A avoir un téléphone, même si ce n’est qu’avec une carte prépayée, pour être joignable par les employeurs.

Et puis tout simplement, ça leur fait du bien. Je pense à deux jeunes : il a la garantie jeunes, elle a le RSA. Grâce à cela ils vont pouvoir déménager, auront plus de facilités pour s’installer dans le parc privé. D’autres vont pouvoir s’acheter des vêtements pour se présenter aux entretiens ou simplement se sentir mieux. Quand on a un pull ou des pantalons troués, on a davantage envie de se cacher que d’aller vers les autres et de s’insérer. Mieux habillé, les regards sur vous changent.

Est-ce que cela peut être un frein à la motivation pour trouver un emploi ?

D’abord, elles ne sont versées que s’ils tiennent leurs engagements. J’en ai, parmi les jeunes que je suis, qui vivent de l’assistanat, profitent du système. C’est un public difficile à mobiliser. Mais ce n’est qu’une minorité ! C’est facile de focaliser sur ces jeunes-là. Au moins 90 % des jeunes s’investissent.

Hier encore, j’avais une personne qui ne s’en sortait pas avec le RSA, à qui je recommandais d’aller dans un centre d’action sociale ou une épicerie solidaire, et qui me disait qu’elle ne pouvait pas car elle avait honte… Malheureusement, oui, des personnes ont encore besoin d’être aidées, accompagnées. Le travail ne court pas les rues.

La suppression de la barrière d’âge pour tous les minima sociaux vous semble-t-elle une bonne piste ?

Oui, pour ceux qui n’avaient droit à rien. Mais il ne suffit pas de donner pour donner, le plus important est de savoir comment ces personnes seront accompagnées. Si on donne de l’argent sans accompagnement, là on est dans l’assistanat.

Prime d’activité, garantie jeunes…

Prime d’activité : La prime d’activité est un complément de revenus visant à « soutenir l’activité et le pouvoir d’achat » de tous les travailleurs de plus de 18 ans gagnant moins de 1500 euros par mois (pour un célibataire). Lancée le 5 février 2016, elle est déjà allouée à 323 000 actifs âgés de 18 à 24 ans, selon la ministre des affaires sociales Marisol Touraine.

RSA jeune actif : Le revenu de solidarité active (RSA) a été étendu aux jeunes de moins de 25 ans en septembre 2010. Pour en bénéficier, outre les conditions générales, ils doivent avoir travaillé deux ans à temps plein au cours des trois années précédant leur demande. Au 30 mars, seuls 5 000 jeunes en bénéficiaient, selon le gouvernement, « en raison de ses conditions d’accès très restrictives ».

Garantie jeunes : L’expérimentation de ce dispositif est annoncée dans le plan contre la pauvreté de janvier 2013. Au 31 décembre 2015, 46 000 jeunes étaient entrés dans le dispositif dans 72 territoires. Le projet de loi travail de la ministre Myriam El Khomri prévoit la généralisation de la garantie jeunes en 2017. Entre 100 000 et 150 000 personnes pourraient en bénéficier, selon les estimations.