Michel Platini à son arrivée au Tribunal arbitral du sport, à Lausanne, vendredi 29 avril. | FABRICE COFFRINI / AFP

L’épilogue du conflit entre Michel Platini et les instances disciplinaires de la Fédération internationale de football (FIFA) se joue, vendredi 29 avril, à Lausanne, et plus exactement au château de Béthusy, superbe bâtisse érigée à la fin du XVIIIe siècle. Escorté de ses avocats Thibaud d’Alès, Yves Wehrli, et de son conseiller juridique, Thomas Clay, l’ex-numéro 10 des Bleus est arrivé à 7 h 30 au siège du Tribunal arbitral du sport (TAS) pour une audience décisive.

Radié six ans par la principale instance du ballon rond, le président élu l’Union des associations européennes de football (UEFA) joue sa survie politique et espère être blanchi avant le 10 juin, jour de l’ouverture de l’Euro 2016, organisé dans l’Hexagone. « Je vais bien. Aujourd’hui, c’est le début du match, un nouveau match, une finale, et on est tous sur la même ligne. Je suis optimiste, on va gagner », a-t-il assuré à son arrivée au siège du TAS.

Trois juges « indépendants »

« Platoche » sera auditionné par trois juges « indépendants ». « Les arbitres doivent n’avoir aucun lien particulier avec l’une ou l’autre des parties et n’avoir joué aucun rôle dans l’affaire en question », explique le TAS. L’icône et ses défenseurs ont désigné comme arbitre l’expert suédois Jan Paulsson, ancien président de la Cour d’arbitrage international de Londres. Le comité d’éthique de la FIFA a, lui, jeté son dévolu sur le Suisse Bernard Hanotiau, membre du barreau de Bruxelles et de Paris, et qui, d’après son CV, est « intervenu dans 350 arbitrages internationaux dans toutes les régions du monde depuis 1978 ».

Le président de ce panel sera l’Italien Luigi Fumagalli, éminent professeur de droit international. L’audition se fera en français, malgré l’opposition des défenseurs de la FIFA, favorables à des échanges en anglais. Cette audience est censée mettre un point final à ladite affaire du paiement de 2 millions de francs suisses (1,8 million d’euros), versé en février 2011, par le Suisse Joseph « Sepp » Blatter, alors président de la FIFA, à Michel Platini.

Platini, écarté du monde du football depuis le début d’octobre 2015

Le 24 septembre 2015, le parquet suisse avait ouvert une procédure pénale à l’encontre du dirigeant du foot mondial pour ce versement « déloyal » effectué « prétendument » pour des travaux réalisés par l’ex-meneur de jeu des Bleus lorsqu’il officiait (entre janvier 1999 et juin 2002). Le 8 octobre, le tandem avait été suspendu provisoirement quatre-vingt-dix jours par le comité d’éthique de la FIFA.

A l’instar de son ancien mentor, Michel Platini avait été révoqué, le 21 décembre, pour huit ans pour « abus de position », « gestion déloyale » et « conflit d’intérêts » par le comité d’éthique de la FIFA en vertu de ce fameux versement de 2011 « sans base légale dans le contrat signé par les deux parties le 25 août 1999. Candidat à la succession du patriarche suisse, l’ex-joueur a été contraint de déclarer forfait, le 7 janvier. Le 24 février, la commission des recours de la FIFA a allégé de deux ans la sanction infligée au duo au regard « des services » rendus au ballon rond.

Saisi pour examiner le dossier sur la forme, le TAS avait confirmé, le 11 décembre, la suspension provisoire de quatre-vingt-dix jours de Platini. « Tout le monde sait que c’est un honnête homme, mais certains veulent à tout prix l’attirer dans le marigot de ceux qui n’ont pas les mêmes qualités, uniquement pour l’empêcher de parvenir à la présidence de la FIFA », assurait alors au Monde Thomas Clay, le conseiller juridique de Platini. Cette fois, les juges de Lausanne devront se déterminer sur le fond de l’affaire. A en croire ses proches, l’ex-capitaine des Bleus était relativement « confiant » avant son audition.

Les défenseurs du triple Ballon d’or vont notamment produire une facture en lien avec le fameux versement de 2011, paraphé à l’époque par Markus Kattner, actuel secrétaire général par intérim de la FIFA. « Cinq personnes de l’administration de la FIFA sont impliquées dans ce règlement, soumis à la commission des finances et porté à la connaissance du comité exécutif. On est très loin d’un paiement occulte », a confié à l’Agence France-Presse Thibaud d’Alès.

Le 20 octobre 2015, Domenico Scala, patron du comité d’audit et de conformité de la Fédération internationale, avait accusé Sepp Blatter et Michel Platini d’avoir falsifié les comptes de l’instance internationale. « Les deux parties reconnaissent qu’elles ont passé un accord à propos des deux millions de francs suisses, mais cette somme n’est jamais apparue dans les comptes de la FIFA avant le paiement effectif, en février 2011, affirmait-il dans les colonnes du Financial Times, en parlant de « manquement grave ». Les deux parties étaient membres du comité exécutif de la FIFA et approuvaient en connaissance de cause chaque année les bilans financiers qui étaient donc faux, (…) cela pourrait être considéré comme une falsification des comptes de la FIFA. »

Blatter, sollicité comme témoin

Pour l’audience devant le TAS, Michel Platini a choisi comme témoin son ami Jacques Lambert, président de la société d’organisation de l’Euro 2016. Pour sa part, le comité d’éthique de la FIFA a convié Sepp Blatter à la barre. A son entourage, le souverain déchu de 80 ans assure qu’il entend « dire la vérité » et évoquer le « contrat oral », légal dans le droit suisse, passé entre les deux anciens alliés. Perplexe quant à l’intervention de son ex-mentor devenu son rival, « Platoche » s’agace de voir l’octogénaire « dans le même sillon que lui ».

L’audition du tandem, jadis uni pour la conquête de la FIFA par Blatter, en 1998, s’apparente à l’ultime acte d’un drame shakespearien. D’autant que le Valaisan, qui a lui aussi fait appel, attend de connaître la date de sa propre audience devant les juges de Lausanne. « Je dirais à Michel : “Tu vois, on était trop forts pour eux. On veut nous enlever en même temps” », glissait Sepp Blatter au Monde, en décembre. On n’a pas toujours eu les mêmes idées mais je le répète : Monsieur Platini est un homme honnête. » Lui qui, en creux, refusait de voir son ex-protégé lui succéder.

Le TAS fait savoir que sa sentence « est définitive et obligatoire pour les parties à compter de sa notification ». De sa décision dépendra donc l’avenir politique de Michel Platini à la tête de l’UEFA, dont le 40e congrès ordinaire aura lieu mardi 3 mai à Budapest. La date du verdict n’est pas connue, mais la plus haute juridiction sportive espère la rendre avant l’Euro 2016.