Durant l'assemblée générale d'Engie en 2015. | ERIC PIERMONT/AFP

Carton rouge pour Engie, l’ex-GDF Suez. Suspecté de mener une guerre des prix dévastatrice et de vendre à perte une partie de son gaz, le numéro un français du secteur se voit sévèrement rappelé à l’ordre. Dans une décision rendue lundi 2 mai, l’Autorité de la concurrence somme le groupe détenu en partie par l’Etat de mettre fin à ces pratiques.

Engie devra désormais fixer le prix de ses offres destinées aux entreprises de telle sorte qu’il couvre tous ses coûts. Une mesure prise à titre conservatoire en attendant une décision de fond ultérieure. « Les pratiques d’Engie constituent un comportement récent auquel il convient de mettre fin avant que le dommage qu’elles causent prenne encore plus d’ampleur », explique le gendarme de la concurrence pour justifier cette procédure d’urgence.

Sérieux revers

La décision constitue un sérieux revers pour Engie, qui tient, ce mardi 3 mai, une importante assemblée générale, marquée par la nomination d’une nouvelle dirigeante, Isabelle Kocher, désormais numéro un du groupe à la place de Gérard Mestrallet.

Tout est parti d’une plainte de Direct Energie, un petit concurrent d’Engie. Cette entreprise contrôlée par les hommes d’affaires Jacques Veyrat et Stéphane Courbit espérait profiter de la fin annoncée des tarifs réglementés du gaz pour monter fortement en puissance sur ce marché. Elle a dû déchanter, comme les autres nouveaux venus. Car Engie, qui intègre l’ex-monopole Gaz de France, a mis en place une politique tarifaire agressive afin de ne pas perdre de clients.

Une stratégie particulièrement efficace sur le marché très disputé des entreprises. Depuis octobre 2014, Engie et accessoirement les autres acteurs historiques (Gaz de Bordeaux…) ont réussi à gagner 120 000 clients de ce type en leur proposant des offres de marché attractives. Dans le même temps, les fournisseurs alternatifs n’ont gagné que 55 000 sites équivalents.

Une saine concurrence, qui fait baisser les prix au profit des consommateurs ? Pas vraiment, affirme Direct Energie, qui a saisi l’Autorité de la concurrence en octobre 2015. Selon ses dirigeants, Engie a opté pour une stratégie tarifaire « agressive et fidélisante » et décidé de sacrifier provisoirement ses profits, afin de « préempter la clientèle », d’« empêcher ses concurrents d’acquérir l’échelle minimale d’efficacité nécessaire » et de « dissuader les nouveaux entrants potentiels d’[arriver] sur le marché ».

Des prix en dessous des coûts de long terme

L’enquête entamée par les services de Bruno Lasserre, le président de l’Autorité, a plutôt apporté de l’eau au moulin de Direct Energie. Elle montre, à ce stade, qu’Engie a effectivement baissé ses prix, quitte à ne pas couvrir tous ses coûts. Lors des discussions avec l’Autorité, les responsables d’Engie ont d’ailleurs reconnu que, depuis juillet 2014, le prix qu’ils proposaient aux entreprises dans le cadre d’offres individualisées se situait en « zone grise », c’est-à-dire en dessous des coûts de long terme.

L’Autorité de la concurrence a en particulier passé au peigne fin les 50 plus gros appels d’offres remportés par Engie sur la période 2013-2015. Dans plus de 80 % des cas, les prix sur la table ne devraient pas permettre au groupe de gagner d’argent.

Dans ces conditions, tout en écartant une partie des demandes de Direct Energie, l’Autorité lui a donné raison sur l’essentiel. Suspectant une politique tarifaire destinée avant tout à évincer des concurrents, l’institution a imposé à Engie de respecter différentes mesures, « afin que les prix de ses offres reflètent mieux la réalité de ses coûts ».

L’Autorité veut en effet empêcher un scénario dans lequel les rivaux d’Engie seraient écartés, un « appauvrissement du paysage concurrentiel » qui, à terme, pèserait « sur les prix d’approvisionnement en énergie de toutes les entreprises ». Elle rendra, dans plusieurs mois, une décision au fond sur ce dossier.