Le ministre des finances grec, Euclide Tsakalotos (à gauche) et le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, lors de l'Eurogroupe du 14 janvier, à Bruxelles. | EMMANUEL DUNAND / AFP

C’est suffisamment rare pour être relevé : les ministres des finances de la zone euro sont sortis plutôt optimistes, vendredi 22 avril, de l’Eurogroupe essentiellement consacré à la Grèce et qui se tenait dans le magnifique Musée de la marine, sur le port d’Amsterdam. Après quatre mois d’impasse, de dissensions entre les créanciers du pays (le Fonds monétaire international, le Mécanisme européen de stabilité et la Banque centrale européenne), le bout du tunnel semble enfin en vue. A condition qu’il n’y ait pas d’accident, rectifient les plus rompus des experts du dossier grec, devenus prudents, six ans après le début des plans d’aide internationale au pays.

Un Eurogroupe a d’ores et déjà été programmé le jeudi 28 avril : il pourrait être le lieu d’un accord politique sur la liste des mesures d’économies qu’Athènes négocie avec ses créanciers depuis début 2016. Cette liste est maintenant sur le point d’être agréée. Réforme des retraites, de l’impôt sur le revenu, mesures pour venir à bout des créances « pourries » des banques grecques, etc. « A quelques petits détails près, on y est presque », confirmaient vendredi à Amsterdam plusieurs sources proches du dossier.

Ces mesures, qui représentent une économie équivalente à 3 % du produit intérieur brut (PIB) grec (environ 5 milliards d’euros), sont nécessaires pour déclencher le déboursement d’une nouvelle tranche de prêt pour Athènes dans le cadre du troisième plan d’aide au pays, d’un total de 86 milliards d’euros, décidée en août 2015.

Athènes pose ses conditions

Le principe d’un paquet de mesures additionnelles, d’environ 2 % du PIB grec (soit 3,5 milliards d’euros) a aussi été unanimement accepté vendredi. Y compris par le ministre des finances grec, Euclide Tsakalotos, même si du côté de sa délégation, l’enthousiasme n’y était pas. « Il s’agit d’une assurance », a précisé Benoît Cœuré, un des membres du directoire de la BCE, un train supplémentaire d’économies qui ne serait mis en œuvre que si les finances de la Grèce s’éloignaient trop, dans les prochains mois, de la trajectoire que ses créanciers lui ont fixée.

Pas question qu’Athènes soit obligé, une fois de plus, de toucher aux retraites des Grecs

La proposition aurait été faite par le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, lors des réunions de printemps du FMI, à Washington du 15 au 17 avril, qui réunissaient, déjà, tous les protagonistes du dossier grec. Elle visait à rapprocher les vues de la BCE, du MES et de la Commission européenne, d’un côté, et celles du FMI qui, depuis l’été 2015, hésite à poursuivre son aide à la Grèce. L’institut de Washington se montre plus pessimiste que ses partenaires européens et conteste leurs scénarios macroéconomiques relatifs aux comptes publics hellènes.

Les chefs de mission de la « troïka » devaient repartir à Athènes dès ce week-end pour boucler la négociation de la « garantie » à 3,5 milliards avec le gouvernement grec. Leur objectif est d’aboutir à un accord pour l’Eurogroupe du 28 avril. Athènes, cependant, y met ses conditions : pas question d’être trop précis sur les réformes qui pourraient conduire à ces économies supplémentaires. Pas question, non plus, que parmi ces nouvelles mesures, Athènes soit obligé, une fois de plus, de toucher aux retraites des Grecs, qui ont déjà été largement amputées depuis 2010.

Et ces exigences des créanciers posent un problème de droit qu’il faudra résoudre :

« Dans la loi grecque, il n’est pas possible de faire passer des mesures préventives. Les solutions auxquelles nous devons aboutir dans les jours qui viennent doivent être crédibles pour les créanciers, les investisseurs et les citoyens grecs », précisait une source diplomatique grecque, vendredi à Amsterdam.

« Même M. Schäuble s’est montré conciliant »

Dernière avancée, conséquente, vendredi : les ministres de la zone euro ont tous accepté d’ouvrir, cette fois très formellement, la négociation sur un allégement de l’énorme dette grecque (180 % du PIB). « Même M. Schäuble s’est montré conciliant », ont relevé deux sources proches des discussions. Alors que jusqu’à présent l’intransigeant ministre allemand allait répétant qu’il fallait d’abord boucler la discussion sur les mesures d’austérité grecques, avant de passer à autre chose. « Impossible d’obtenir un accord des Grecs sur ces réformes si la discussion sur la dette ne commence pas », ajoutait une source haut placée, vendredi à Amsterdam. De fait, Alexis Tsipras, le premier ministre grec issu de la gauche radicale, promet cette concession des créanciers depuis près d’un an à ses concitoyens.

La mise en garde du FMI

Le cadre de cette négociation est déjà connu – cela fait des mois que les experts « moulinent » les scénarios, à la BCE et au MES – et Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, l’a rappelé vendredi :

« L’Eurogroupe ne veut pas d’une réduction nominale de la dette. (…) Nous examinerons [en conséquence] les possibilités de “reprofilage” de la dette, l’allongement des maturités, et des périodes de grâce [durant lesquelles ni les intérêts ni le capital ne sont remboursés]. »

Tout le monde aimerait aboutir à un premier accord politique, à l’Eurogroupe du 28 avril, y compris sur cette question de la dette, même si les dirigeants européens reconnaissent que la discussion est très technique, et très sensible politiquement.

Si tout se passe comme prévu, avec un accord sur les réformes et sur la dette dès le 28 avril – ou plus probablement courant mai, un ou deux autres Eurogroupes étant peut-être nécessaires afin de mettre tout le monde d’accord –, Athènes pourrait alors recevoir un nouveau prêt (entre 5 et 7 milliards d’euros) dans le cadre du troisième plan d’aide. La Grèce pourrait rembourser dans les temps la BCE en juillet (le pays fera à ce moment-là face à une grosse échéance de remboursement). Et, fort d’une perspective plus positive sur la soutenabilité de sa dette publique, l’Etat grec pourrait envisager de revenir se financer sur les marchés dans les mois qui suivent.

Ce scénario « super-optimiste » pourrait être contrarié notamment si les créanciers d’Athènes ne se montrent pas assez ouverts sur l’allégement de la dette grecque. Une remarque de Christine Lagarde, la patronne du FMI, qui avait fait le déplacement à Amsterdam vendredi, a alerté les spécialistes du dossier : l’allégement de la dette pourrait être conditionné à de nouvelles mesures, il « devra entrer en vigueur une fois les mesures exigées effectivement mises en place », a affirmé Mme Lagarde.