Des agents de la SNCF informent les passagers à la Gare Saint-Lazare de Paris, le 26 avril 2016, alors que l'ensemble des syndicats a appelé à une grève pour peser sur les négociations concernant un nouveau cadre social. | MIGUEL MEDINA / AFP

Pour la troisième fois en moins de deux mois, les syndicats de la SNCF ont appelé à la grève, mardi 26 avril. En cause, les négociations sur le nouveau cadre social des employés de la branche ferroviaire, qui doit être applicable au 1er juillet. Faute d’accord, le « décret socle », un texte minimum, sera applicable à cette date.

  • Pourquoi un nouveau cadre social ?

Prévu par la loi ferroviaire d’août 2014, ce cadre social doit permettre l’ouverture de la concurrence du marché en évitant tout dumping social à partir de décembre 2019, pour les lignes TGV, et à la moitié des années 2020, pour les autres lignes (TER, Intercités).

Si les règles sociales en vigueur persistaient chez tous les acteurs, le différentiel d’organisation serait de 20 %. La SNCF, du fait du RH 077 (qui encadre les conditions de travail des cheminots), serait pénalisée par rapport à ses concurrents, à l’organisation bien moins contraignante. Demain, théoriquement, la distinction entre les différentes entreprises ne pourra plus se faire sur les ressources humaines, mais sur le reste : qualité de service, régularité, efficience de l’organisation, importance des frais de siège, etc.

  • Comment s’organise ce cadre social ?

Le 18 février, Alain Vidalies, le secrétaire d’Etat aux transports, avait posé la première pierre de ce cadre social, en présentant son « décret socle », déjà amélioré fin mars. En partant de ce premier texte, l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), qui représente la SNCF et l’ensemble des sociétés concurrentes, dont Transdev, la Deutsche Bahn ou Europorte (filiale de fret d’Eurotunnel), et les syndicats du secteur doivent négocier une convention collective.

Le « décret socle » et la convention collective seront, ensuite, complétés par un accord dans chaque entreprise. Tout l’enjeu pour les syndicats de la SNCF est d’obtenir un décret et une convention collective la plus proche de son organisation du travail actuel (le RH 077) afin d’amenuiser tout différentiel avec ses concurrents. La CGT veut même aller au-delà et réclame la mise en place des 32 heures au lieu des 35 heures actuelles.

  • Pourquoi ne pas élargir les conditions sociales des cheminots à toute la future branche ?

Pour les entreprises du secteur, si l’on reprenait l’ensemble des règles sociales de l’entreprise publique, l’ouverture à la concurrence serait amoindrie. Autant mettre la clé sous la porte tout de suite, car l’organisation sociale de l’entreprise est aujourd’hui loin d’être un exemple dans le monde ferroviaire. La question n’est pas le niveau des rémunérations, aujourd’hui plus avantageuses dans le privé, mais bien l’organisation du travail.

En revoyant l’organisation du travail, sans toucher aux avantages actuels des cheminots (départ à la retraite anticipé, droit de circulation, etc.), la direction de la SNCF veut réaliser en partie les économies demandées par l’Etat. En février, Alain Vidalies a dès lors présenté un « décret socle » médian entre le RH 077 et les règles sociales existantes chez ses concurrents.

http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/06/18/prime-charbon-prime-pour-absence-de-prime-les-legendes-urbaines-de-la-sncf_4439497_4355770.html
  • Quelles différences entre les projets actuels et l’organisation de la SNCF ?

Dans l’état actuel des textes (décret et convention), la base sociale est plus flexible que le RH 077 : les repos doubles (deux jours de repos consécutifs) baisseraient à 30 par an minimum pour les personnels roulants, la durée de repos à domicile baisserait de 14 à 13 heures, deux à trois nuits passées hors domicile seraient autorisées au lieu d’une seule actuellement.

De même, les personnels roulants seraient pris en charge (logé ou financièrement compensé, par exemple) quand ils sont à plus de 50 km de leur domicile. Aujourd’hui, cette limite est de trois kilomètres à la SNCF.

Les textes nationaux fixent 115 jours de repos par an minimum, week-ends et jours fériés compris, pour les personnels roulants. Pour les entreprises privées, il s’agirait d’une augmentation de 11 jours de repos. Pour les cheminots du groupe publique, c’est 15 jours de moins que ce que fixe le RH 077.

En bref, alors que les différences étaient de 20 % entre la SNCF et les entreprises privées, les nouveaux textes devraient ramener la différence de coût à quelque 10 %.

  • Les cheminots de la SNCF seront-ils perdants ?

Le « décret socle » et la convention collective définissent une base minimum, et non un maximum. Dans son accord d’entreprise, dont la négociation commence mercredi 27 avril, la SNCF compensera en partie la différence entre le RH 077 actuel et les exigences sociales minimums de la convention de branche.

C’est à Guillaume Pepy, le PDG de SNCF Mobilités, de se positionner vis-à-vis de ses troupes. D’ici le 1er juillet, cependant, il est à redouter que de nouveaux jours de grèves soient organisés. L’organisation de l’Euro 2016 de football, dont la SNCF est le « transporteur officiel », pourrait être perturbée.

Cependant, même si elle est importante dans le paysage, la SNCF n’est plus la seule à pouvoir transporter en masse des passagers. Outre le covoiturage courte ou longue distance, actuellement en plein essor, la SNCF fait face désormais aux cars longue distance qui pourront prendre en partie le relais en cas de perturbation du secteur ferroviaire.