Teodoro Obiang Nguema, en mai 2015, à Abuja, capitale nigériane. | PIUS UTOMI EKPEI/AFP

Arrivé au pouvoir il y a trente-sept ans, Teodoro Obiang Nguema affronte six candidats, dimanche 24 avril, à l’élection présidentielle de Guinée-Equatoriale, petit pays hispanophone d’Afrique centrale très riche en hydrocarbures. Le score de celui qui est actuellement doyen des chefs d’Etat africain par sa longévité au pouvoir dépassera-t-il la barre des 95 % ? Telle semble être la seule véritable inconnue de ce scrutin.

Parodie électorale

Teodoro Obiang Nguema, 73 ans, se retrouve à la tête d’une coalition de dix partis, dont le Parti démocratique de Guinée-Equatoriale (PDGE) qui contrôle actuellement tous les leviers du pouvoir. Son principal adversaire, le Front de l’opposition démocratique (FOD), une coalition regroupant les principaux partis d’opposition, a appelé le 23 mars à boycotter la présidentielle, estimant que toutes les conditions étaient réunies pour des « fraudes ».

« Le résultat est connu d’avance grâce aux multiples irrégularités et fraudes déjà préparées », avait affirmé à l’AFP avant le début de la campagne officielle Andres Esono, secrétaire général de la Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), qui a déjà prévenu qu’il ne reconnaîtrait pas « le président issu de l’élection ».

Dans les bureaux de vote, le bulletin de M. Obiang Nguema ne sera toutefois pas le seul. Six adversaires « défient » le président sortant : Bonaventura Monsuy Asumu, du Parti de la coalition sociale démocrate (PCSD) ; Carmelo Mba Bakale, de l’Action populaire de Guinée-Equatoriale (APGE) ; Avelino Mocache Mehenga, de l’Union du centre-droit (UCD) ; Agustin Masoko Abegue, Benedicto Obiang Mangue et Tomas Mba Monabang, trois candidats sans étiquette, leurs partis n’ayant pas été légalisés.

Si certains sont des nouveaux venus en politique, les autres ne pèsent pas bien lourd sur l’échiquier national. Il faut dire que, dans ce pays, peuplé d’environ 1 million d’habitants, l’opposition ne compte qu’un représentant à l’Assemblée nationale et un autre au Sénat. « Cela ne trompe personne que les adversaires du président sont de parfaits faire-valoir », admet une source diplomatique.

Une autre figure de l’opposition, Gabriel Nse Obiang Obono, du parti Ciudadanos por la innovacion (CI), a lui vu sa candidature invalidée, notamment parce qu’il n’a pas vécu cinq années consécutives dans le pays, tel que le requiert la Constitution.

Histoire d’une revanche

La Guinée-Equatoriale a accédé à l’indépendance le 12 octobre 1968, après deux siècles de colonisation espagnole. Francisco Macias Nguema en est devenu le premier président. Tyran sanguinaire – il avait interdit à son peuple de porter des chaussures et ordonné la fermeture des écoles et des hôpitaux –, celui qui se faisait appeler « Miracle unique de la Guinée-Equatoriale » a contraint à l’exil des centaines de milliers d’Equato-Guinéens vers le Cameroun et le Gabon, deux pays frontaliers, où rares étaient les familles à ne pas posséder leur « Equato » pour travailler dans leurs plantations ou les servir à table.

Onze ans après son accession au pouvoir, Francisco Macias Nguema a été renversé lors d’un coup d’Etat mené par Teodoro Obiang Nguema, son neveu, puis condamné à mort pour un génocide ayant fait 50 000 morts.

Trente-sept ans plus tard, l’homme au physique d’ascète est toujours aux commandes du pays. Par sa longévité au pouvoir, il devance d’une courte tête (un mois) l’Angolais José Eduardo Dos Santos et le Zimbabwéen Robert Mugabe (depuis 1980).

Francophone, celui qui avait noué des liens étroits avec François Mitterrand a vu le destin de son pays s’illuminer après la découverte d’immenses gisements de pétrole, au milieu des années 1980. Pendant près de quatre décennies, l’argent s’est alors mis à couler à flots et, comme l’a régulièrement dénoncé Transparency International, la corruption s’est généralisée.

Avec les pétro-CFA, la priorité du gouvernement – qui en 2016 comptait 94 ministres et secrétaires d’Etat – a été donnée au développement tous azimuts d’infrastructures (routes, aéroports, ports…). Grâce, notamment, à une main-d’œuvre bon marché venue des pays limitrophes (Cameroun et Gabon), il s’est aussi lancé dans la construction d’édifices somptueux, comme la magnifique cathédrale de Mongomo, fief du président Obiang, ou le Paseo de Bata, une promenade qui longe le bord de mer et donne à la capitale économique de la Guinée-Equatoriale des faux airs de La Havane. Mais ces projets pharaoniques ont souvent été réalisés au détriment du volet social : hôpitaux, écoles…

La cathédrale de Mongomo, en février 2015. | Pierre Lepidi

« La baisse du cours du baril de pétrole a une nouvelle fois changé la donne, raconte un diplomate européen. Le pays, dépendant à plus de 90 % de l’or noir, n’a jamais diversifié ses sources de revenus. Alors aujourd’hui, il souffre. Plusieurs projets de construction de routes ont été arrêtés et de nombreuses sociétés ont déposé le bilan. Une nouvelle forme de pauvreté se développe aussi à Malabo, la capitale. » Des projets de raffinage d’hydrocarbures ont été lancés, mais ne seront pas en service avant plusieurs mois.

Entre deux fils, une guerre de succession

Le président Obiang a placé deux de ses fils dans son gouvernement. Gabriel Mbega Obiang Lima, le benjamin, occupe un poste stratégique puisqu’il est ministre des mines, de l’industrie et de l’énergie. Il est sérieux et apprécié, notamment par les investisseurs chinois et occidentaux. « Mais les origines santoméennes [de l’île de Sao-Tomé-et-Principe] de sa mère, la seconde femme du président, peuvent jouer en sa défaveur », reconnaissent plusieurs observateurs. Et, surtout, il n’est pas l’aîné, ce qui constitue un handicap sérieux dans une famille africaine.

Le favori pour la succession est Teodorin, surnommé Teodorino. Dans le gouvernement de son père, il est le deuxième vice-président du pays et il se murmure qu’il pourrait monter d’un échelon dans la hiérarchie après le scrutin de dimanche. Connu pour ses frasques, ses dépenses somptuaires à Paris ou à Rio et mis en cause à l’étranger, notamment en France, dans l’affaire des « biens mal acquis », il joue depuis quelques années un rôle politique à Malabo, tant dans le gouvernement qu’au sein du parti au pouvoir. Il est aussi très apprécié des jeunes.

« La Guinée-Equatoriale n’est pas une monarchie mais un Etat démocratique, a déclaré Teodoro Obiang dans un entretien à Jeune Afrique, dans lequel il assure que ce septennat est le dernier. Contrairement à l’image que les Occidentaux se font de lui, mon fils est un aficionado de la politique… S’il réussit, je n’y peux rien. Il serait injuste que son talent ne soit pas récompensé. » Autant dire qu’il aimerait le voir un jour diriger le pays. Après avoir été réélu dimanche.