Fonctionnaires : "5,5 millions d'électeurs, ce n'est pas rien !"
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La ministre de la fonction publique, Annick Girardin, revient sur l’augmentation générale de la rémunération des fonctionnaires, qu’elle a annoncée, jeudi 17 mars, aux syndicats. Une première depuis l’été 2010.

Pourquoi avez-vous annoncé une revalorisation de 1,2 % du point d’indice des fonctionnaires ?

Annick Girardin : Cette augmentation s’effectuera en deux temps : + 0,6 % au 1er juillet puis + 0,6 % au 1er février 2017. Elle a été décidée en tenant compte de la situation économique. L’inflation est faible, le taux de croissance limité et notre niveau d’endettement public doit être contenu. Compte tenu de ces paramètres et du nombre de personnes qui vont bénéficier de cette revalorisation – quelque 5,5 millions d’agents, soit 20 % de la population active –, il s’agit d’un geste significatif, comme l’a dit le premier ministre, Manuel Valls.

Et d’une réelle prise en considération des efforts des fonctionnaires pour contribuer au redressement des comptes publics : le gel du point depuis la mi-2010 a permis d’économiser, ou de ne pas dépenser, environ 7 milliards d’euros. De 2010 à 2013, le pouvoir d’achat des agents a baissé de 1,3 %, alors que celui des salariés du privé est resté stable. Le dégel du point permet aussi de reconnaître l’engagement des fonctionnaires auprès de nos concitoyens – dont la démonstration a été faite, une fois de plus, lors des attentats du 13 novembre 2015. C’est une mesure de justice.

Quel est le coût de cette décision ?

Un relèvement de 1,2 % entraîne, pour les trois versants de la fonction publique (Etat, collectivités locales, hôpitaux publics), une dépense supplémentaire de 2,4 milliards d’euros bruts, c’est-à-dire en incluant les cotisations des employeurs publics – exceptées celles liées au compte d’affectation spéciale pour les retraites, dans la fonction publique d’Etat.

Pour une infirmière en poste depuis dix ans avec une rémunération annuelle de près de 23 560 euros, cela se traduira par un gain de quelque 282,71 euros. Dans le cas d’un enseignant, également en fonction depuis dix ans, qui perçoit près de 25 950 euros bruts par an, le coup de pouce est de 311,38 euros bruts sur douze mois. Enfin, dans le cas d’un policier avec dix ans d’ancienneté et un traitement annuel brut de 19 500 euros bruts, le surcroît de revenus est de 234,03 euros bruts par an.

Que dites-vous à ceux qui prétendent que cette décision recèle des arrière-pensées électoralistes à l’égard d’une catégorie souvent décrite comme penchant à gauche ?

Le gouvernement n’a pas attendu la dernière année du mandat pour travailler sur la situation des fonctionnaires. Le protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPPCR), présenté au début de l’automne 2015, va améliorer la rémunération des agents. Et ceux relevant de la catégorie C avaient bénéficié d’une revalorisation, en 2014 et en 2015.

Pour moi, l’électoralisme, c’est faire des déclarations fantaisistes, provocantes et caricaturales pour stigmatiser les salariés du public, comme le font Les Républicains. Défendre l’engagement des salariés du public, ce n’est pas de l’électoralisme, c’est défendre une vision de la France.

Pensez-vous que le dégel du point répond aux attentes des organisations syndicales ?

Il est évident que pour certaines d’entre elles, le geste n’est pas suffisant. Je souhaite qu’à l’occasion de ce rendez-vous salarial, le plus grand nombre de syndicats restent à nos côtés et reconnaissent l’effort important du gouvernement.

Les fédérations de fonctionnaires ont appelé à se mobiliser, le 22 mars, si vos propositions ne les satisfont pas. Redoutez-vous un mouvement social ?

Elles prendront leurs décisions en conscience. Je respecte le temps de la négociation, l’expression de chacune des parties. Encore une fois, il me semble que la revalorisation annoncée ce jeudi est suffisamment substantielle pour que le plus grand nombre de syndicats n’appellent pas à manifester, le 22 mars. D’autant que l’on ouvre le dialogue sur bien d’autres sujets : la qualité de vie au travail, la mobilité, le logement, l’accompagnement des jeunes…

Au début de son mandat, François Hollande avait dit que son objectif était de stabiliser les effectifs dans la fonction publique d’ici à 2017. Est-ce toujours d’actualité ?

Après les attentats du 13 novembre 2015, le président de la République a indiqué que le pacte de sécurité primait sur le pacte de stabilité. Le nombre de postes dans certains secteurs (défense, police, magistrature) va donc être accru, quitte, effectivement, à ce qu’il y ait un peu plus d’agents à la fin du quinquennat par rapport au début de celui-ci.

Je crois qu’il ne faut pas tomber dans la caricature, comme la droite le fait, en lançant les propositions les plus folles : 300 000 suppressions d’emplois pour un tel, 1 million pour un autre. Il y a une sorte de course à l’échalote dans un climat d’hystérie entretenue par la primaire à droite.

Un rapport va vous être remis dans les prochaines semaines sur le temps de travail des fonctionnaires. Avez-vous l’intention de légiférer à ce sujet ?

Une mission a été confiée à Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, pour que la situation soit objectivée. Son rapport mettra sans doute en exergue des cas où la règle des 1 607 heures de travail sur l’année n’est pas tout à fait respectée. Nous tâcherons de savoir pourquoi et d’y remédier, dans les trois versants de la fonction publique (Etat, collectivités locales, hôpitaux publics).

Sur ce sujet, il y a beaucoup de fabulations. L’enjeu de communication et d’informations à l’égard de nos concitoyens est donc très important. Je veux combattre les idées reçues mais aussi faire en sorte que notre fonction publique soit exemplaire, transparente, ouverte sur la société.

Vous allez prendre de nouvelles mesures ?

Le projet de loi relatif aux droits et obligations des agents, qui passe en commission mixte paritaire dans quelques jours, constitue une première réponse. Mais d’autres dispositions seront prises dans le texte sur l’égalité et la citoyenneté qui sera soumis au Parlement, ce printemps en principe.

Nous allons notamment travailler sur les procédures de recrutement, afin d’ouvrir l’accès des métiers de la catégorie B aux personnes issues de la diversité. Notre but est d’avoir une fonction publique plus réactive, plus moderne, plus adaptée aux nouveaux besoins des Français. Autrement dit, il s’agit de préparer dès à présent la fonction publique de 2025.