Basse-Ham, en Moselle, centrale nucléaire de Cattenon. | FRANCIS CORMON/HEMIS.FR

C’était l’une des promesses du candidat socialiste François Hollande : réduire de 50 % la part du nucléaire dans la production d’énergie française.

La loi de transition énergétique pour la croissance verte (août 2015) prévoit, dès son premier article, de « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 [contre 77 % en 2014] ». Et la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, vient d’annoncer que la feuille de route permettant de concrétiser cet engagement serait publiée « au plus tard le 1er juillet ».

La Cour des comptes estime, dans son dernier rapport annuel, que baisser la part de l’atome à 50 % du bouquet électrique revient à arrêter « de 17 à 20 réacteurs » sur les 58 que compte l’Hexagone.

Parc des centrales nucléaires françaises en 2015 (L’EPR de Flamanville est en cours de construction) | Cour des comptes

Sept réacteurs en cinq ans

Or, si l’on rapporte cet objectif au quinquennat de François Hollande, c’est 1,3 à 1,5 réacteur qui devrait être fermé par an, soit 7 réacteurs en cinq ans. Depuis 2012 et l’entrée en fonction de François Hollande, aucune centrale a été fermée. La fermeture de Fessenheim, en Alsace, a été annoncée mais elle ne sera effective qu’en 2018, au moment de la mise en service prévue de l’EPR de Flamanville, dans la Manche.

Au-delà du volontarisme politique – le décret pour créer la première programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) « sera mis en consultation formelle avant l’été » – et de la problématique industrielle (affaiblir les géants tricolores EDF et Areva), est-il possible techniquement de rattraper le retard et de fermer sept réacteurs dans l’année qui vient ?

Concrètement, s’il s’agit de désactiver les réacteurs, le pari peut être tenable. L’exemple allemand le montre : huit réacteurs ont été fermés en cinq mois, après l’accident japonais de Fukushima.

Arrêter une centrale, c’est l’affaire de quelques semaines, affirme l’association Réseau sortir du nucléaire, voire de quelques mois :

« Techniquement parlant, ce n’est pas un problème majeur. On le fait régulièrement quand on change de combustible par exemple. »

La France en retard dans le renouvelable

Le problème, c’est que pour arrêter autant de centrales, les autres énergies doivent compenser pour continuer à répondre aux besoins toujours croissants de la population française en électricité. L’objectif est de développer les énergies renouvelables. Or la France est encore largement dépendante du nucléaire et la part du renouvelable dans la production d’électricité peine à décoller.

La production d'électricité en France depuis 1970
en TWh

Paris se retrouve ainsi largement en retard par rapport à ses voisins européens. Le graphique ci-dessous montre que la part des énergies renouvelables a diminué en France, à la fois dans le mix électrique de consommation et le mix énergétique (consommation de toutes énergies pour tous usages) du pays entre 2005 et 2014 :

Classement des pays de l'UE selon la part d'énergies renouvelables

Malte 24 28 Luxembourg 19 27 Chypre 25 26 Hongrie 21 25 Pays-Bas 15 24 Pologne 20 23 Lituanie 18 22 Rép. Tchèque 16 21 Belgique 22 20 Estonie 23 19 Royaume-Uni 17 18 Bulgarie 17 France 11 16 Grèce 13 15 Irlande 14 14 Slovaquie 7 13 Allemagne 12 12 Finlande 5 11 Lettonie 3 10 Italie 10 9 Espagne 8 8 Roumanie 7 Slovénie 6 6 Danemark 4 5 Croatie 4 Portugal 9 3 Suède 2 2 Autriche 1 1 2005 2010 2014
Sources : EurObserv’ER 2006, 2011 et 2015

La gageure du démantèlement

Si par « fermeture », on entend « démantèlement », la tâche risque d’être mission impossible pour François Hollande. La fermeture ou le démantèlement d’une usine ne peuvent être décidés que par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou par EDF, dont l’Etat est actionnaire majoritaire.

Le processus de démantèlement est extrêmement long et coûteux. Après l’arrêt d’un réacteur, il faut enlever l’uranium irradié qui sert de combustible et le laisser refroidir dans des piscines pendant des années. Il faut également stocker les déchets radioactifs, puisque toutes les pièces de la centrale, de la cuve à la tuyauterie, émettent un rayonnement radioactif.

Une seule centrale nucléaire dans le monde a été complètement démantelée. Elle se trouvait aux Etats-Unis, dans l’Etat du Maine. Son démantèlement a pris huit ans (de 1997 à 2005) et la question des déchets doit encore être réglée : ils sont stockés sur place et devraient être envoyés dans le Nevada, mais la population s’y oppose.

Un horizon encore lointain

Selon l’ASN, six sites EDF sont en cours de démantèlement sur la trentaine d’installations nucléaires, tous types confondus (réacteurs, laboratoires de recherche, centre de retraitement, etc.). Mais l’horizon de fin des chantiers reste lointain : au plus proche 2020 pour Chooz, et entre 2035 et 2040 pour Bugey, Saint-Laurent-des-Eaux et Chinon…

La centrale nucléaire de Brennilis, dans le Finistère, est en cours de démantèlement depuis 1985 ; le processus devrait toucher à sa fin en 2020. En juillet 2011, l’ASN a autorisé son démantèlement partiel, une nouvelle phase qui consiste à vider l’intérieur du bâtiment-réacteur mais pas le bâtiment lui-même ni le bloc-réacteur. En 2005, la Cour des comptes évaluait le coût de ce démantèlement à 482 millions d’euros.

Résumé

Si François Hollande veut respecter sa promesse de candidat, il va lui falloir accélérer pour tenir le rythme. L’arrêt des centrales n’est pas un objectif inatteignable ; le démantèlement, en revanche, est une gageure sur les années qui viennent.

L’exemple allemand

L’Allemagne a annoncé la sortie du nucléaire civil dès 2000. En 2010, Angela Merkel fait voter le prolongement de 12 ans la durée de vie des réacteurs nucléaires, qui fournissait un quart de l’électricité allemande (133 TWh).

Après l’accident de Fukushima, le 11 mars 2011, la chancelière change d’avis et annonce la fermeture des huit réacteurs les plus anciens, construits avant 1981. Dès le mois de mars, sept réacteurs étaient désactivés , soit quelques semaines après la catastrophe de Fukushima.

Deux mois plus tard, en mai, le gouvernement allemand annonçait la fermeture des dix-sept centrales nucléaires allemandes pour 2022. Un neuvième réacteur a été fermé en 2015, et un dixième sera arrêté l’année prochaine. Pour autant, aucun des réacteurs à l’arrêt n’a été déchargé de son carburant ni démantelé. Ils restent également la propriété de leur exploitant.

Il reste aujourd’hui huit réacteurs en activité, qui représentent 16% de la production d’électricité allemande.

Pour compenser la production des réacteurs arrêtés, l’Allemagne a massivement investi dans les énergies renouvelables, qui couvraient l’an dernier un tiers de l’énergie outre-Rhin. Contrairement aux idées reçues, le secteur du charbon n’a pas explosé depuis 2011. Sa part dans la production d’électricité reste élevée, mais stable, baissant de 44 % en 2012 à 42 % en 2015.