Visage poupon, frange sur le front et lunettes rectangulaires, Chan Ho-Tin, 25 ans, tout juste diplômé de l’Université polytechnique de Hongkong, prend place, ce 27 mars, devant un pupitre rudimentaire chargé de micros. Un instant impressionné par les reporters en face de lui, le jeune militant annonce solennellement, en cantonais, la création du Hong Kong National Party (HKNP). Sa particularité : réclamer ouvertement l’indépendance de Hongkong, actuellement région administrative spéciale (RAS) de la République populaire de Chine. Une première pour une organisation politique.

Le jeune militant Chan Ho-Tin vient de créer Hong Kong National Party appelant de ses voeux une "République libre de Hongkong". | DR

Chan Ho-Tin envisage la création d’une « République libre de Hongkong ». Rien de moins. Pour l’heure, les troupes de ce nouveau « parti » sont modestes. Son fondateur revendique de trente à cinquante membres, dont la moitié est constituée d’étudiants. Le manifeste du HKNP, publié sur Facebook, dénonce la « colonisation de Hongkong par la Chine » depuis 1997, date de la prise de contrôle par Pékin de l’ancienne colonie britannique. « La Chine envoie chaque jour environ 150 personnes s’installer à Hongkong. Ils essaient de nous forcer à parler la même langue qu’eux [le mandarin], de nous laver le cerveau avec leurs idéaux patriotiques dans nos écoles, et de submerger Hongkong d’investissements rouges », peut-on lire.

Un miniséisme politique

Ce miniséisme politique s’est fait sentir jusqu’à Pékin, où le quotidien Global Times, porte-parole belliciste du Parti communiste, a condamné les « idées extrêmes » de ces « séparatistes à la petite semaine », dont « l’initiative ressemble à un gag ». A Hongkong, un porte-parole du gouvernement local a rappelé que « toute suggestion de l’indépendance », ou tout mouvement qui la promeut, va « à l’encontre de la Basic Law ». Cette mini-Constitution, qui gouverne la RAS, dispose que « Hongkong forme une partie inaliénable de la Chine ». Dans l’opposition, plusieurs voix ont fait valoir que réclamer l’indépendance, sans agir de manière violente pour l’obtenir, relève du droit d’expression.

Une manifestation à l'occasion du premier anniversaire de la "révolution des parapluies", à Hongkong, le 28 septembre 2015. | Tyrone Siu/Reuters

Si la viabilité du HKNP en tant que parti est loin d’être acquise, sa création teste, comme aucune entité ne l’avait fait jusqu’alors, les limites du principe « Un pays, deux systèmes ». Hongkong dispose d’un haut degré d’autonomie, de sa propre justice et du multipartisme malgré un système électoral encore structurellement biaisé en faveur de Pékin. A un an du 20anniversaire de la rétrocession de Hongkong à la Chine, le 1er juillet 2017, les tensions sont vives entre les habitants et Pékin.

Des partis issus de la « révolution des parapluies »

En 2014, les conditions imposées par les autorités dans la mise en œuvre d’un suffrage universel à Hongkong avaient jeté la jeunesse dans la rue lors de la « révolution des parapluies ». Pékin voulait décider du choix des candidats au poste de chef de l’exécutif. Malgré la mobilisation, non seulement le pouvoir chinois n’a cédé sur rien, mais il a même accru ce que beaucoup à Hongkong perçoivent comme son emprise souterraine sur le territoire – notamment en s’attaquant à des éditeurs indépendants de livres critiquant le régime communiste.

HKNP est un des partis issus de la « révolution des parapluies » : s’est également créée la formation « localiste » Hong Kong Indigenous, dont le chef de file, Edward Leung, 24 ans, a créé la surprise en remportant récemment 15 % des votes lors d’une élection partielle locale. Quant à Joshua Wong, 19 ans, figure de proue des « parapluies », il vient de lancer son propre parti, Demosisto, le 10 avril.

Le leader étudiant Joshua Wong (à droite) et Nathan Law lors de l'annonce de la création de leur nouveau parti "Demosisto", à Hong Kong, le 10 avril 2016. | Bobby Yip/Reuters

Son projet ? Proposer par référendum l’autodétermination aux Hongkongais en 2047 – date prévue de péremption de la formule « Un pays, deux systèmes ». En lice pour les élections de septembre, qui renouvelleront le Conseil législatif de Hongkong, cette nouvelle génération de politiciens hongkongais n’a qu’une idée en tête : résister au géant chinois.

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