Des intermittents du spectacle occupent le Théâtre de l'Odéon à Paris, le 25 avril 2016. | PHILIPPE LOPEZ / AFP

On n’attendait plus que la signature de la CFDT-Culture, et c’est donc acté : à l’issue de son bureau fédéral, lundi 2 mai, en début d’après-midi, la fédération « culture, conseil et communication » de la CFDT a décidé de signer l’accord sur les annexes 8 et 10 de l’Unedic, trouvé dans la nuit du 27 au 28 avril par les partenaires sociaux. Désormais, le texte est paraphé par l’ensemble des syndicats représentatifs du secteur culturel (outre la CFDT, la CGT-Spectacle, FO, la CFTC et la CFE-CGC).

Mais, pour autant, le marathon est loin d’être terminé. Le texte doit encore être examiné par le comité d’experts piloté par l’économiste Jean-Paul Guyot. D’ici une vingtaine de jours, ce comité doit décider si l’accord est compatible avec la lettre de cadrage du Medef, remise aux négociateurs fin mars. Dans sa lettre, le Medef demande que soient réalisés 185 millions d’économies sur les annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes) de l’Unedic – 105 millions d’euros dans le cadre de l’accord des partenaires sociaux, et 80 millions d’euros qui pourraient être apportés par l’Etat. En théorie, si le comité d’experts donne son « feu vert » à l’accord, celui-ci s’impose à l’échelon interprofessionnel. A moins que le Medef ne livre – une fois de plus – la guerre à ce régime spécifique d’assurance-chômage, lequel vise à compenser la précarité des métiers artistiques.

L’accord devra ensuite être agréé par l’Etat. Les bons connaisseurs du dossier estiment que le gouvernement ne va pas laisser cette chance de faire aboutir l’accord, qui signerait la fin du conflit. Ce serait aussi une victoire pour Manuel Valls, qui a lancé il y a deux ans une vaste concertation sur l’intermittence. Laquelle a abouti à cette négociation inédite entre spécialistes du secteur culturel.

Un accord « historique »

Symboliquement, la signature de la CFDT du secteur culturel, annoncée ce lundi 2 mai, est un signal fort. En effet, en 2003, la CFDT s’était mise à dos le monde du spectacle en signant avec le Medef un accord durcissant les conditions d’accès aux annexes 8 et 10 : depuis 2003, les techniciens doivent réaliser 507 heures en 10 mois – et les artistes 507 heures en 10,5 mois – pour être éligibles à l’assurance-chômage. Si cet accord n’a pas généré les économies escomptées, il a fortement précarisé les intermittents. Auparavant, les artistes et les techniciens étaient traités à la même enseigne et devaient effectuer 507 heures en 12 mois, avec réexamen de leur situation à date fixe (dite « date anniversaire  »). Depuis 2003, le retour aux 507 heures en 12 mois était devenue la principale revendication des intermittents. C’est ce que prévoit l’accord du 28 avril, qualifié d’ « historique » par l’ensemble des négociateurs du secteur culturel, et par la ministre de la culture et de la communication, Audrey Azoulay.

L’accord du 28 avril « comporte des avancées importantes », avait déclaré Denis Gravouil, le secrétaire général de la CGT-Spectacle, quelques heures après la dernière séance de négociations. Outre les « 507 heures en 12 mois », le texte prévoit une meilleure prise en compte des heures d’enseignement dans le calcul des 507 heures, un nouveau dispositif pour les intermittentes enceintes, afin d’éviter une baisse des allocations au retour de leur congé maternité, etc. En contrepartie, il est notamment prévu un abaissement du plafond de revenus (cumul allocations et salaires).

« Treize ans de combats, de luttes acharnées à décrypter, expliquer, convaincre (…) Cet accord est le nôtre. C’est une immense victoire », a salué Samuel Churin, porte-parole de la Coordination des intermittents et précaires (CIP) – laquelle ne participe pas aux négociations mais représente un acteur incontournable, du fait de son expertise et de sa capacité à mobiliser les intermittents. Mais cet accord est « fragile », ajoute Samuel Churin : « Nous devons nous battre comme des lions pour que n’en soit pas retirée une seule ligne. (…) Le Medef pourra toujours essayer de le mettre à la poubelle, mais notre colère sera à la hauteur de ce que nous avons obtenu. Nous avons attendu treize ans et nous ne laisserons personne nous le reprendre. »

Entre 80 et 100 millions d’euros d’économies

C’est la première fois que les négociations sur les annexes 8 et 10 sont menées par des syndicats représentatifs du secteur culturel. Jusque-là, les discussions avaient lieu à l’échelon interprofessionnel, souvent dans la dernière ligne droite des négociations et avec pour seul horizon la réduction des dépenses. Cette fois-ci, les négociateurs ont pu se réunir plus longuement, avec l’appui logistique du comité d’experts, lequel a pu réaliser des simulations et des chiffrages. Il est trop tôt pour savoir si l’accord du 28 avril permet de réaliser les 105 millions d’euros demandées par le Medef. En mettant au point l’accord, les négociateurs ont pu se baser sur des fourchettes d’estimation du comité d’experts – entre 80 et 100 millions d’euros d’économies. Le point de vue de la numéro 2 de la CFDT, Véronique Descacq, très attachée à la dimension financière de l’accord, est évidemment très attendu.

De son côté, l’Etat s’est dit prêt à abonder un fond pour l’emploi, mais il ne s’est pas encore prononcé sur son éventuelle participation financière à l’assurance-chômage. Les intermittents y sont farouchement opposés, car ils redoutent que cette participation de l’Etat ne préfigure la création d’une « caisse autonome », qui aboutirait à sortir les annexes 8 et 10 de la solidarité interprofessionnelle. Et rien ne garantit que, dans deux ans, lorsque sera renégocié l’accord, une nouvelle majorité politique accepte de contribuer financièrement au régime des intermittents du spectacle.