Ségolène Royal à Washington le 15 avril 2016. | MOLLY RILEY / AFP

Trois jours après la signature de l’accord sur le climat à New York, par 175 pays, l’ambiance risque d’être moins à l’euphorie à Paris. La quatrième et dernière conférence environnementale du quinquennat s’ouvre à l’Elysée, lundi 25 avril, pour deux jours, dans un contexte de grande tension avec les Verts et les associations environnementales.

Promesse de campagne de François Hollande, ce rendez-vous annuel avait été institué par le chef de l’Etat en 2012, cinq ans après le Grenelle de l’environnement conduit par Jean-Louis Borloo, afin de fixer la feuille de route environnementale du gouvernement pour les douze mois à venir. Si elle n’a cessé de perdre en visibilité, cette rencontre avait pourtant l’ambition de « faire de la France la nation de l’excellence environnementale » en réunissant ONG, syndicats, entreprises et élus autour des grands enjeux écologiques et sanitaires.

3 tables rondes et 12 mesures

Lundi 25 avril, après l’ouverture de la conférence par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, puis le discours du président de la République, une centaine de participants doivent se réunir autour de trois tables rondes : « Appliquer l’agenda des solutions pour la croissance verte », « Impliquer les citoyens, les territoires et l’État dans la transition écologique », « Préserver les milieux afin d’améliorer le cadre de vie et la santé de tous ». Douze mesures seront particulièrement soumises à débat : la création d’un corridor européen du prix du carbone – c’est-à-dire une augmentation régulière depuis un prix plancher –, le développement de la greentech, le bilan des territoires à énergie positive pour la croissance verte. Les deux journées seront clôturées par le premier ministre, Manuel Valls.

« J’aurai à rendre des comptes sur ce que je fais depuis deux ans, en particulier l’application de la loi de transition énergique, le vote en première lecture de la loi biodiversité », a estimé Ségolène Royal au micro de TV5 Monde/RFI/Le Monde, dimanche 24 avril.

« Supercherie »

Mais pour son édition 2016, la grand-messe de l’écologie s’est transformée en une rencontre boycottée par la CGT et vivement critiquée par les principaux acteurs environnementaux. Les points de divergences entre le gouvernement et les écologistes sont nombreux : projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, retard dans la mise en œuvre de la transition énergétique et en particulier du dossier brûlant du nucléaire, dialogue environnemental en pleine crise, retard sur la fiscalité écologique ou la biodiversité. Malgré le succès de la COP21, le vote de la loi de transition énergétique et l’examen au Parlement de celle sur la biodiversité, les ONG, les syndicats et certains élus écologistes reprochent à François Hollande le décalage entre ses grands discours sur l’environnement et les avancées réelles.

« Ne participons pas à cette supercherie, s’emporte l’eurodéputée EELV Michèle Rivasi. Le gouvernement n’en finit pas de trahir ses promesses et de tourner le dos à l’urgence écologique. » « C’est un moment de communication de la part du gouvernement »« tout est préparé à l’avance », abonde Guillaume de Bodard, président de la commission du développement durable de la CGPME, cité par l’Agence éducation et formation (AEF). « C’est de la démocratie participative assez peu participative », ironise-t-il. « Ces conférences ont atteint les limites de l’enthousiasme. On a l’impression de tourner en rond », dénonce également Allain Bougrain-Dubourg, le président de la Ligue de protection des oiseaux.

Les conférences environnementales ont obligé le président de la République et le premier ministre à « faire des annonces », nuance Géraud Guibert, le président de la fondation La Fabrique écologique. Mais, reconnaît-il, « très peu d’entre elles se sont traduits dans les faits ».

NDDL, transition énergétique, taxe carbone

En témoigne le dossier de la transition énergétique. Si les associations se sont félicitées de la promulgation, en août 2015, de cette loi présentée comme l’un des « grands chantiers du quinquennat », elles dénoncent aujourd’hui les retards dans son application. Selon une note de La Fabrique écologique, 77 % des décrets d’application restent en attente de publication, « notamment sur les sujets les plus structurants ». La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), véritable instrument de pilotage pour mettre en œuvre la loi, a été repoussée au 1er juillet. Surtout, le gouvernement a renoncé – pas formellement, mais dans les faits – à l’une des promesses les plus emblématiques du candidat Hollande, celle de diminuer la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025. Le président de la République se défausse sur les gouvernements futurs, en repoussant les arbitrages sur l’atome à 2019.

« Nous attendons du président de la République qu’il nous donne des gages sur le contenu de la PPE, avance Denis Voisin, le porte-parole de la Fondation Nicolas-Hulot. Le scénario qui sera proposé doit prévoir de fermer un certain nombre de réacteurs nucléaires. Nous n’allons pas refaire les trois années de débat que nous avons déjà eues. La PPE devra également intégrer des objectifs plus élevés que ceux annoncés pour les énergies renouvelables. »

Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et le référendum qui doit être organisé le 26 juin, suscite lui aussi, plus que jamais, l’opposition des associations. « Le chantier de Notre-Dame-des-Landes est symptomatique des errances, des abaissements, des impasses, des renoncements de la politique environnementale française », dénonce Denez l’Hostis, président de France Nature Environnement. L’organisation d’un référendum local le 26 juin « ne va pas clore le débat », estiment les ONG, qui contestent le périmètre de la consultation (la Loire-Atlantique) et la pertinence économique du projet, en plus de son impact environnemental et sa cohérence avec des objectifs de la COP21.

Les huit ONG environnementales membres du conseil national de la transition écologique (CNTE) souhaitent réclamer, lundi et mardi, l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, ainsi que la publication « rapide » d’une PPE « complète », une hausse de la taxe carbone à 40 euros la tonne dès la prochaine loi de finances rectificative pour compenser la baisse du prix du pétrole, l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation d’hydrocarbures dans le sous-sol français et de nouvelles mesures pour reconquérir la biodiversité.

Au-delà des annonces attendues du gouvernement, il est également nécessaire de favoriser une « vraie négociation sur les sujets clés, tels que le débat énergétique ou le prix du carbone », exhorte Géraud Guibert. « Il faut mettre autour de la table tous les partenaires sociaux et environnementaux dans chaque branche, afin qu’ils puissent prendre des décisions de manière autonome, pas forcément avec l’État et son calendrier. »