Le Apple Store de la cinquième avenue à New York le 26 janvier 2016. | ANDREW BURTON / AFP

Le vent serait-il en train de tourner pour Apple ? La marque à la pomme qui, ces dernières années, a toujours publié des chiffres de croissance impressionnants, est en train de marquer le pas. Les ventes d’iPhone ont quasiment fait du surplace au cours de la très cruciale saison des fêtes. Le groupe anticipe par ailleurs une baisse de ses revenus pour le trimestre en cours, du jamais-vu depuis l’été 2001.

Apple semble avoir atteint une sorte de plafond entre octobre et décembre 2015. Le groupe a annoncé, mardi 26 janvier, avoir vendu 74,77 millions d’iPhone, soit à peine 270 000 de plus qu’il y a un an. Un chiffre « incroyable », estime néanmoins Tim Cook, le PDG de groupe. Il est vrai que la barre était très haute, dans la mesure où le dernier trimestre de 2014 correspondait à la montée en puissance des iPhone 6. Des appareils qui constituaient une rupture, notamment en termes de taille d’écran. Leur renouvellement, un an plus tard, n’a pas été aussi révolutionnaire, ce qui se ressent dans l’évolution des ventes.

Reste que celles-ci ont déçu les analystes, alors que l’iPhone constitue la vache à lait du groupe : il représente plus de 60 % du chiffre d’affaires et encore davantage en termes de profits. « Les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel, tempère Jean-Louis Gassée, un ancien dirigeant d’Apple, aujourd’hui reconverti dans le capital-risque dans la Silicon Valley. Nous allons assister sur le marché des smartphones à la même évolution que dans les PC, avec moins de nouveaux clients et plus de renouvellement et une ou deux sociétés qui vont continuer à prendre des parts de marché tout en étant capables de dégager une très bonne rentabilité. De ce point de vue, Apple est idéalement positionné », assure-t-il. D’ailleurs, la marque à la pomme affirme qu’elle n’a jamais autant attiré d’anciens utilisateurs d’Android, le système d’exploitation concurrent de Google.

Toutefois, les ventes d’iPhone ne sont pas les seules à avoir pris à contre-pied les analystes. Le chiffre d’affaires global, qui progresse de seulement 1,7 %, à 75,9 milliards de dollars (soit 69,89 milliards d’euros), est également en deçà des estimations. Apple invoque principalement la montée du dollar par rapport aux autres devises. Sans les effets de change, ses ventes auraient bondi de 8 %, estime le groupe.

Vers un modèle de service

Mais qu’on se rassure : Apple reste une impressionnante machine à cash. « Notre situation financière n’a jamais été aussi forte », explique M. Cook. Le groupe a réalisé 18,36 milliards de dollars de bénéfices entre octobre et décembre, en hausse de 1,9 %. Quant à sa trésorerie, elle s’élève désormais à 216 milliards, soit dix de plus qu’à la fin septembre. Le PDG a souligné que ce qui fait la force de la marque aujourd’hui, ce sont des clients fidèles, qui rachètent, dans la plupart des cas, des produits Apple.

Même si M. Cook affirme que le groupe continue à croître en Chine, malgré la moins bonne conjoncture, il sait que les relais de croissance pour l’iPhone se font de plus en plus rares. C’est pourquoi, lors de la conférence téléphonique sur les résultats du groupe, il a insisté sur la montée en puissance des services, comme Apple Music ou son catalogue d’applications. Le directeur financier du groupe, Luca Maestri, a ainsi souligné que cette activité avait progressé de 23 % en un an, à 31 milliards de dollars. Une évolution que « le marché n’a pas encore intégrée », regrette M. Maestri.

« On assiste à un glissement du centre de gravité économique d’Apple, insiste M. Gassée. Les services croissent et ajoutent plus de valeur au matériel. Comme Google avec son moteur de recherche, Apple a su se construire un écosystème incontournable pour les utilisateurs et qui devient de plus en plus profitable. » Le cercle est d’autant plus vertueux qu’il y a désormais dans le monde plus d’un milliard d’appareils Apple en activité.

En attendant que ce « glissement » s’exprime pleinement, le trimestre en cours s’annonce compliqué pour Apple. Le groupe anticipe un chiffre d’affaires situé entre 50 et 53 milliards de dollars. Une fourchette large, qui reflète les inquiétudes d’Apple sur la volatilité sur le marché de change. Quoi qu’il en soit, si l’on prend le milieu de cette fourchette, cela représenterait une baisse des revenus de 11 %. Il faut remonter quinze ans en arrière pour retrouver une telle contre-performance. M. Maestri a indiqué qu’Apple était en train d’augmenter ses prix sur certains marchés pour préserver ses marges, ce qui a pour effet de ralentir les ventes. Reste à savoir si ce ralentissement est passager ou plus durable.