Un militant écologiste, lors d'une manifestation près de l'Arc de Triomphe, à Paris, le 12 Décembre 2015. | ALAIN JOCARD / AFP

Par Delphine Blumereau et d’Antoine Maudinet, militants auprès du laboratoire d’idées et d’actions sur le changement CliMates

Nous serons tous centenaires en 2100. Alors, nous nous souviendrons de la COP21 de 2015 en France. Que dirons-nous à nos petits-enfants écrasés de chaleur par 50 C° à l’ombre à Paris au mois d’octobre ? Que nous n’avons pas été capables de prendre en main notre propre avenir ?

Le 22 avril sera officiellement signé à New York l’accord trouvé le 12 décembre 2015 au Bourget (Seine-Saint-Denis). L’occasion de rappeler que c’est aussi à quelques kilomètres de Paris, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), que nous avons coorganisé la 11e conférence des jeunes (COY), du 26 au 28 novembre 2015, qui a donné tort aux clichés trop souvent entendus : non, les jeunes ne sont pas tous pessimistes et désengagés.

Plusieurs milliers d’entre nous se sont réunis près de Paris et sur les cinq continents. Ils ont fait de ces trois jours un moment d’inspiration, d’échanges, de production d’idées et de solutions. En France, plusieurs centaines d’entre nous se sont engagées à agir à notre échelle, que ce soit en adhérant à une association de maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), à un fournisseur d’électricité renouvelable, en changeant de banque au profit d’une banque qui utilise l’argent de ses clients en faveur de projets éthiques, ou en prenant part aux campagnes de désinvestissement nées dans les universités et qui consistent à faire retirer aux établissements l’argent placé dans les compagnies d’énergies fossiles.

« Se changer soi-même »

« Nous sommes la première génération à vivre les impacts du changement climatique et la dernière à pouvoir agir pour rester sous un seuil acceptable de réchauffement »

Au-delà des solutions présentées, cet événement portait deux caractéristiques de la jeunesse. D’une part, la conviction que pour changer le monde, il faut d’abord se changer soi-même, passer à l’action sans tout attendre des politiques, et oser sortir des cadres pour se faire entendre. D’autre part, une ambiance empreinte d’enthousiasme et de bienveillance. Deux ingrédients qui mériteraient d’être davantage valorisés pour construire un futur qui nous ressemble.

Notre motivation ? Devenir vraiment acteur de la société dans laquelle nous vivons et dont nous héritons. Notre objectif ? Loin des conférences internationales, faire la démonstration concrète que les jeunes générations peuvent construire une société à la fois désirable et solidaire, à la fois durable et conviviale. Nous préférons choisir aujourd’hui les changements dans notre quotidien plutôt qu’avoir à les subir demain ; nous souhaitons faire de cette évolution une opportunité plutôt qu’une fatalité.

Nous sommes la « génération climat », car nous sommes la première génération à vivre les impacts du changement climatique et la dernière à pouvoir agir pour rester sous un seuil acceptable de réchauffement. Comment comprendre que les intérêts de toute une génération et des générations futures ne soient pas pris en compte au vu de l’état de la planète, alors que nous avons tout à gagner à bâtir un monde durable ?

La dynamique qui a été créée à l’occasion de la COP21 représente une opportunité concrète de se projeter et de construire un monde différent de celui dans lequel nous avons grandi. La COP21 n’est pas l’aboutissement mais le début d’un processus ; si les fondations sont posées, tout ou presque reste à construire. En imposant aux Etats des critères de transparence et des révisions plus ambitieuses de leur contribution, l’accord de Paris ouvre un formidable espace à la société civile et aux citoyens : celui de gardien de l’application des engagements étatiques pour mettre l’enjeu et les solutions au cœur du débat public.

Cohérence et vision commune

Au-delà des actions nécessaires à entreprendre, c’est surtout de cohérence et d’une vision commune que nous avons besoin. De cohérence, car si le défi climatique est bien le plus important du siècle, alors la transition écologique ne peut être rien de moins que notre projet de société, et tous nos choix de politiques publiques doivent être jugés à cette aune.

D’une vision commune, car, à trop braquer les projecteurs sur les problèmes plutôt que sur les solutions, les représentations de notre présent et de notre futur au travers des médias ne favorisent pas le passage à l’action. Il faut être très motivé pour s’informer sur les actions positives que l’on peut faire à notre échelle. Aux médias classiques : faites-nous découvrir quotidiennement les initiatives remarquables portées par des hommes et des femmes qui s’engagent par milliers pour changer notre société et qui sont les artisans discrets du « vivre-ensemble ». Des médias comme Sparknews, Shamengo ou Socialter, des initiatives comme Les Suricates et Ticket for Change, des films comme Solutions locales pour un désordre global ou Demain font le choix de nous montrer que des solutions durables fourmillent un peu partout, loin d’une réalité trop souvent empreinte de résignation. Qu’attendons-nous pour inciter chacun à s’en inspirer et à les faire siennes ?

Intégrons systématiquement les enjeux de long terme dans les politiques publiques et entrepreneuriales

Pour peu qu’elle s’affirme, notre génération a dès aujourd’hui les clefs du changement, car de nombreuses solutions existent déjà. Avoir les clefs, cela serait partager les prises de décision : avec le budget participatif, la Mairie de Paris permet à ses habitants d’allouer 500 millions d’euros d’ici à 2020 à des projets de leurs choix. Avoir les clefs, ce serait diffuser le savoir : la Kedge Business School à Marseille a été pionnière en lançant, en avril 2014, le Sustainability Literacy Test, un test de connaissances minimales sur le développement durable. Aujourd’hui, plus de 38 000 étudiants dans 400 universités du monde l’utilisent. Avoir les clefs, cela serait distinguer l’important de l’urgent : intégrons systématiquement les enjeux de long terme dans les politiques publiques et entrepreneuriales. Avoir les clefs, ce serait utiliser des outils conformes à notre réalité : le Vermont et le Maryland ont choisi, en 2012, de substituer au produit intérieur brut (PIB) un « indice de progrès véritable » comme objectif de politique publique (Genuine Progress Indicator).

Nous voulons que soit mis un terme dès maintenant à toutes les subventions et exonérations aux énergies fossiles, qui ont jusqu’alors coûté 27 milliards d’euros (30 milliards de dollars) chaque année à la France, selon une étude du FMI. Cet argent devrait financer la transition écologique et créer les emplois de demain dont les jeunes ont tant besoin en France.
Nous n’avons pas besoin d’une révolution pour commencer à changer notre modèle de société. Alors, qu’attendons-nous pour généraliser les alternatives qui marchent ? En France, des milliers de jeunes se mobilisent pour changer notre société. Nous ne sommes pas utopistes mais réalistes. L’utopie, c’est de continuer à croire que nous pouvons produire et consommer comme avant sans mettre en péril nos conditions de vie. Il est plus que temps que notre génération soit écoutée et qu’elle puisse prendre son avenir réellement en main.

Delphine Blumereau et Antoine Maudinet respectivement présidente et vice-président de l’association CliMates en 2015 CliMates, laboratoire international d’idées et d’actions sur le changement climatique.

Le monde de la finance appelle à la signature de l’accord de Paris sur le climat

Dans un courrier commun adressé aux membres du G20 ainsi qu’aux Pays-Bas et à la Suisse, sept organisations financières ont appelé à l’adhésion dès que possible à l’Accord de Paris sur le climat issu de la COP21. Elles y rappellent l’échéance du 22 avril, où le texte doit être signé au siège des Nations unies à New York.

Les auteurs de cette missive sont des associations régionales d’investisseurs – IIGCC en Europe, INCR en Amérique du nord, AIGCC en Asie, IGCC en Australie et Nouvelle-Zélande – ou des initiatives directement rattachées à l’ONU, à travers son programme pour l’environnement.

La plupart des grands fonds, banques et assureurs y sont représentés, comme les Américains Blackrock, Goldman Sachs et Morgan Stanley, les Britanniques Aviva, HSBC et RBS, le Suisse UBS ou encore le Français Axa. Ces entreprises affirment gérer au total plus de 24 000 milliards de dollars d’actifs.

« Les pays qui adhéreront sans tarder à l’accord de Paris bénéficieront d’une certitude réglementaire accrue, qui aidera à attirer les milliers de milliards d’investissements pour soutenir la transition bas carbone. »

Parmi les 193 Etats membres des Nations unies, 147 se sont déjà engagés à signer l’accord sur le climat conclu en décembre à Paris, selon Ségolène Royal, ministre française de l’écologie et présidente de la conférence de l’ONU sur le climat.