Près d'Allahabad en Inde. | Rajesh Kumar Singh / AP

L’eau et le changement climatique sont régulièrement cités parmi les crises les plus graves que l’humanité aura à affronter lors des prochaines décennies. En réalité, les liens entre ces deux enjeux sont si étroits qu’il s’agit d’un seul et même défi. Dans un rapport publié, mardi 3 mai, la Banque mondiale vient à son tour insister sur la « redoutable menace » que constitue la raréfaction des ressources en eaux exacerbée par le changement climatique, sur la croissance économique et la stabilité dans le monde. Au point que certaines régions pourraient accuser un recul de leur PIB de l’ordre de 6 %.

Sous les effets combinés de la croissance démographique, de l’augmentation des revenus et l’expansion des villes, la demande en eau va connaître une hausse exponentielle, tandis que la ressource en « or bleu » sera de plus en plus irrégulière et incertaine. Selon la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), d’ici à 2025, 1,8 milliard de personnes vivront dans des pays ou des régions où la pénurie d’eau sera absolue et les deux tiers de la population mondiale (5,3 milliards de personnes) pourraient vivre dans des conditions de stress hydrique.

Plus 50 % de la demande en eau de l’agriculture

Comparés aux niveaux de 2015, les volumes d’eau disponibles dans les villes, s’alarme notamment la Banque mondiale, pourraient chuter des deux tiers d’ici à 2050, en raison de la diminution des ressources et de la concurrence croissante entre les différents usages. Dans les trois prochaines décennies, la demande en eau de l’agriculture pourrait, de fait, croître de 50 % et celle du secteur de l’énergie de 85 %, tandis que la hausse des besoins dans les villes pourrait atteindre jusqu’à 70 %. « Dès les deux prochaines décennies, l’écart entre les besoins en eau du développement économique et les ressources disponibles pourrait atteindre 40 % », insiste Monique Barbut, secrétaire exécutive de l’UNCCD.

Ces tensions hydriques n’auront que peu, voire pas d’impact sur le PIB mondial, ni sur celui des régions alimentant l’essentiel de la croissance mondiale, à savoir l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale. Ce sont les régions les plus arides qui en paieront le plus fort tribut et pourraient connaître de longues périodes de décroissance. En fonction des politiques de l’eau qui y seront menées, la croissance en Asie de l’Est oscillera en 2050, selon les évaluations de la Banque mondiale, entre + 3,32 % et - 7,05 %, et celle de l’Asie centrale entre + 11,5 % et - 10,72 %. Tandis que le Sahel pourrait, lui, accuser un recul de son PIB entre 0,82 % et 11,7 %, et le Moyen-Orient entre 6,02 % et 14 %.

Ce faisant, multipliant les risques de conflits, les tensions hydriques seront un facteur majeur de déstabilisation et de migrations, alerte la Banque mondiale, qui appelle les pays à prendre des mesures « immédiates » pour mieux gérer les ressources en eau. « C’est maintenant qu’il faut agir, sans quoi les flux migratoires, inéluctablement, s’accroîtront », insiste elle-même avec force Monique Barbut.