Un mois et dix jours après avoir succédé à Jean-Louis Debré, Laurent Fabius accorde au Monde son premier entretien en tant que président du Conseil constitutionnel. Il se fixe trois objectifs pour, dit-il, dessiner « la Cour constitutionnelle du futur ».

Le premier porte sur « le renforcement du caractère juridictionnel du Conseil ». Pour M. Fabius, « certains progrès peuvent être opérés. Par exemple, au cours des audiences de QPC [question prioritaire de constitutionnalité], un dialogue direct doit pouvoir s’engager si nécessaire entre les membres du Conseil et les parties. La juridictionnalisation implique aussi d’améliorer encore la motivation de nos décisions : sans dériver vers des rédactions fleuves, nous devons éviter les affirmations qui seraient insuffisamment argumentées ».

Deuxième objectif : la « simplification ». « Tout en conservant l’ossature et la précision indispensables au raisonnement juridique, nous allons nous efforcer de rendre plus accessibles nos décisions, notre vocabulaire, notre style », assure M. Fabius, pour qui « on doit pouvoir lire et comprendre [les] décisions [du Conseil constitutionnel] sans le concours d’un dictionnaire “franco-juridique” ».

« Pas favorable » à la publication des « opinions dissidentes »

M. Fabius n’est « pas favorable », pour autant, à la publication des « opinions dissidentes » des juges constitutionnels. « Nous avons prêté serment de ne pas révéler le secret des délibérés, explique-t-il. Ce principe est une règle très ancienne de notre droit, qui permet de garantir l’indépendance et l’impartialité des juges. Il évite d’éventuelles pressions avant le jugement et renforce l’autorité des décisions rendues. »

Le troisième objectif que se fixe M. Fabius est celui du « rayonnement » du Conseil constitutionnel. Afin que l’institution soit mieux connue, son nouveau président prévoit de désormais de faire paraître « un rapport annuel sur [son] activité, qui sera publié le 4 octobre, jour anniversaire de la Constitution ». L’ancien ministre des affaires étrangères souhaite aussi tisser des liens plus étroits avec les juges constitutionnels étrangers.

Interrogé sur la présence des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel, M. Fabius répond, conformément à l’engagement 47 du candidat Hollande en 2012, qu’« il serait logique, compte tenu notamment de l’accentuation du caractère juridictionnel du Conseil, qu’elle soit supprimée », tout en précisant que « cela nécessitera une révision de la Constitution ».