D'après l'Insee, 19% des autoentrepreneurs avaient moins de 30 ans fin 2011. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

Tous autoentrepreneurs, qu’on le veuille ou pas. A 26 ans, Charlène Hallier est graphiste. En 2011, après avoir obtenu son diplôme, la jeune femme cherche du travail dans des agences. Sans succès. Elle décide alors de créer une autoentreprise. « J’ai travaillé pour différents clients, des orthophonistes, des architectes, etc. », précise-t-elle.

Même si, pour gagner correctement sa vie, la jeune graphiste devait trouver d’autres petits boulots, elle ne regrette absolument pas cette expérience. « L’avantage, c’est que j’étais libre, notamment de fixer le prix de mes prestations. J’ai aussi pu faire des choses différentes dans plusieurs secteurs et j’ai beaucoup appris, estime Charlène. Si ce statut n’avait pas existé, je n’aurais sans doute pas sauté le pas de la création d’entreprise », reconnaît-elle. Pour des raisons personnelles, Charlène a cessé son activité mais peaufine un nouveau projet de création d’autoentreprise. Elle espère ensuite la faire évoluer vers une société classique d’ici deux à trois ans.

Acquérir de l’expérience

Comme Charlène, 19 % des autoentrepreneurs avaient moins de 30 ans fin 2011, selon l’Insee, et 42 % avaient entre 20 et 34 ans. Les jeunes actifs ont-ils davantage recours à ce statut depuis ? L’Insee n’a pas publié d’étude plus récente mais Grégoire Leclercq, président de la Fédération des autoentrepreneurs (FEDAE), affirme que oui. « En 2010, les moins de 25 ans représentaient moins de 3 % de nos adhérents alors qu’en septembre 2015 le chiffre grimpe à 12 % », précise-t-il.

Si pour certains jeunes actifs l’autoentreprise est un choix, Grégoire Leclercq remarque que ce n’est pas le cas de la majorité. « Il s’agit davantage de personnes qui ne trouvent pas d’emploi. Lorsqu’elles sont sur le marché du travail depuis trop longtemps, elles ne veulent plus rester à ne rien faire, alors, pour acquérir de l’expérience et mieux se vendre lors d’un entretien d’embauche, elles choisissent l’autoentrepreneuriat. »

Un choix par défaut qu’a fait Paul, 27 ans, qui témoigne sous couvert d’anonymat. A la fin de ses études, il effectue un stage dans une petite entreprise de lingerie. Au terme de celui-ci, on lui propose de continuer à travailler comme autoentrepreneur. La marque est sur le point de finaliser un contrat. Une fois qu’il sera signé, Paul sera embauché, lui dit-on. « Pendant six mois, je me suis occupé de leur site Internet à temps plein, dans les locaux de l’entreprise, puis, plus ou moins du jour au lendemain, j’ai travaillé à mi-temps », se souvient le jeune diplômé d’une école de commerce. Finalement, l’entreprise n’a pas signé le contrat en question et Paul n’y effectue plus que des missions ponctuelles.

« Dans certains cas, lorsque l’autoentrepreneur a des horaires fixes et qu’il y a une subordination vis-à-vis du client, il s’agit de salariat déguisé », estime Sarah Abdelnour, maître de conférences à l’université Paris-Dauphine. Cette spécialiste connaît bien le sujet pour y avoir consacré une thèse en 2012, « L’autoentrepreneur aux marges du salariat : de la genèse aux usages d’un régime dérogatoire de travail indépendant ».

« Vu les tensions qui existent sur le marché du travail, l’autoentreprise devient une option pour s’insérer dans la vie active, précise la sociologue. Mais dans les cas que j’ai rencontrés, il s’agit souvent d’un choix contraint. Ce n’est pas forcément un vrai projet de création d’entreprise mais plutôt un mode de rémunération. »

Comme une période d’essai

Côté rémunération, Paul, lui, estime gagner correctement sa vie. Aujourd’hui, il est toujours autoentrepreneur. Le jeune homme a plusieurs clients dont un principal qui devrait bientôt lui proposer un CDI. « C’est un peu comme une période d’essai. J’ai confiance en la personne qui m’a fait cette proposition », confie-t-il, optimiste.

Difficile d’obtenir des explications de la part des entreprises privées ou publiques qui travaillent avec de jeunes autoentrepreneurs. Si certaines y ont recours pour des missions précises et ponctuelles, d’autres sont à la limite de la légalité. « Les entreprises publiques utilisent les autoentrepreneurs pour contourner la limitation des embauches, analyse Sarah Abdelnour. Qu’elles soient publiques ou privées, cela leur permet de faire des économies sur les cotisations patronales, les congés payés. De plus, il n’y a pas de procédure d’embauche ni de licenciement. C’est plus flexible », ajoute-t-elle. Plus flexible, mais aussi souvent plus précaire.