Le ministre de l'économie et des finances, Adriano Afonso Maleiane lors des assemblées de printemps de la Banque mondiale et du FMI à Washington, le 14 avril 2016. | AP

Suite aux récentes révélations d’emprunts cachés réalisés par des entreprises publiques mozambicaines et destinés à de l’achat d’armement, le Fonds monétaire international (FMI) a annulé, vendredi 15 avril, une visite prévue cette semaine à Maputo. Le décaissement des prêts octroyés au Mozambique est de fait suspendu.

« Nous avons reçu cette semaine de la part des autorités la confirmation de l’existence d’une grande somme empruntée dont le FMI n’avait pas été précédemment informé », a déclaré Antoinette Sayeh, la directrice Afrique du FMI, lors d’une conférence de presse donnée dans le cadre de l’assemblée de printemps de l’institution à Washington. « Les emprunts cachés dépassent le milliard de dollars et changent de manière significative notre évaluation de la perspective macroéconomique du Mozambique ».

Le FMI s’apprêtait à débloquer la deuxième tranche d’un prêt de 286 millions de dollars octroyé l’année dernière pour juguler les difficultés économiques du pays. Affectée par la chute des cours des matières premières et la dévaluation de sa monnaie de plus de 30 % face au dollar depuis 2015, l’économie mozambicaine a vu ses perspectives de croissance pour 2016 plonger au plus bas depuis quinze ans. L’institution financière attend désormais une « révélation complète et une évaluation des nouveaux éléments » avant de poursuivre sa coopération avec le pays d’Afrique Australe.

Déni et confusion

Réagissant pour la première fois aux dernières révélations de l’affaire Ematum - du nom de l’entreprise publique par laquelle le scandale a commencé-, le ministre mozambicain des finances, Adriano Maleiane, a nié l’existence d’emprunts cachés. « Il y a eu une sorte de confusion qui a fini par mettre le Mozambique dans un bazar non nécessaire » a t-il déclaré vendredi matin à Washington à l’agence portugaise Lusa. « Tout ce qui a la garantie de l’Etat est garanti. Nous assumons tout ce qui a été assumé par le gouvernement ».

Le ministre a rejeté la faute sur une maladresse de communication du Crédit suisse et de la banque russe VTB, qui ont accordé les emprunts dès 2013, et dont le rôle dans toute l’affaire reste à clarifier. Selon le ministre, les banques n’auraient pas précisé aux investisseurs que la dette mozambicaine, qu’il évalue à 11 milliards de dollars, inclut déjà les deux emprunts réalisés en 2013 par Ematum (850 millions de dollars) et Proindicus (au moins 622 millions de dollars). « Et en même temps, je ne vois pas pourquoi nous devions le dire. Ceci est un emprunt privé (sic) entre l’Etat et les banques », a t-il affirmé, maladroitement.

Suite aux déclarations du FMI, le gouvernement a annoncé samedi, dans un communiqué distribué aux journalistes en pleine réunion annuelle du Frelimo, le parti au pouvoir, qu’il enverrait une délégation technique pour apporter des éclaircissements au FMI. Un signe de la gravité de la situation, le Frelimo, qui quelques jours avant rejetait au parlement une demande d’explication formulée par l’opposition, a appelé le gouvernement “à informer le public sur la dette d’Ematum et de Proindicus”.

La lumière est en effet loin d’être faite sur ces emprunts cachés, alors qu’Africa Confidential et Zitamar News rapportaient ce week-end l’existence d’un troisième prêt de 550 millions de dollars, souscrit par Proindicus auprès de VTB. Citant des sources anonymes, ces médias soutiennent que depuis 2013, la sulfureuse banque russe aurait accordé plusieurs prêts hors budget garantis par l’Etat mozambicain.

Convaincre les Européens

Une semaine difficile se profile donc pour le président Filipe Nyusi, qui débute mardi une visite à Berlin. En 2013, les révélations sur Ematum avaient généré un profond mécontentement des bailleurs de fonds, qui en réaction avaient réduit leur contribution au budget du Mozambique. Celui qui était ministre de la défense lorsque ces obscurs emprunts ont été souscrits se rendra jeudi à Bruxelles, où il devra également s’expliquer sur la situation politico-militaire, alors que le conflit avec la Renamo s’est intensifié ces dernières semaines.