Le pape François avec le patriarche orthodoxe de Constantinople Bartholomée lors de son arrivée au camp de réfugiés de Moria, sur l'île de Lesbos (Grèce), le 16 avril. | ARIS MESSINIS / AFP

C’est l’enseignement par l’exemple. Le pape François espérait ramener au Vatican, dans son avion, trois familles de migrants, au retour de sa visite de cinq heures dans l’île de Lesbos, samedi 16 avril, selon les autorités grecques. Il s’agit de familles arrivées dans l’île avant l’entrée en vigueur, le 20 mars, de l’accord conclu entre l’Union européenne et Ankara, qui permet le renvoi en Turquie des migrants arrivés en Grèce en provenance de ses côtes voisines.

C’est aussi la note d’espoir d’une visite emprunte de gravité. Ce voyage, avait expliqué le pontife argentin dans l’avion qui le conduisait à Lesbos, « est un peu différent des autres ». « C’est un voyage marqué par la tristesse, à la rencontre de la plus grande catastrophe humanitaire depuis la seconde guerre mondiale. Nous allons voir tant de gens qui souffrent, qui fuient et qui ne savent pas où aller. Et nous allons aussi à un cimetière, la mer. Tant de gens ne sont jamais arrivés. » L’ayant accueilli au pied de l’avion, Alexis Tsipras, le premier ministre grec, l’a remercié pour son « message d’accueil, quand d’autres dirigeants chrétiens élèvent des barrières ».

La fermeture de l’Europe dénoncée

Dès son arrivée, le pape s’est rendu dans le camp de Moria. Hier camp de transit, Moria regroupe aujourd’hui des migrants arrivés des côtes turques voisines depuis le 20 mars, et qui ont donc vocation à être refoulés. Mais pour la circonstance, des migrants arrivés antérieurement avaient aussi été accueillis à Moria.

Accompagné de Bartholomée, le patriarche orthodoxe de Constantinople, et Ieronymos, l’archevêque orthodoxe d’Athènes et de toute la Grèce, il a, pendant une heure, salué un a un des dizaines de réfugiés, serrant leurs mains, s’inclinant devant les femmes voilées qui ne tendaient pas la leur. Parmi eux de très nombreux enfants, des bébés. Ieronymos leur a distribué des bonbons. François s’est vu offrir quelques dessins. Une chorale d’enfants a chanté pour eux. Un homme s’est effondré en pleurs, au pieds du pape, lui demandant de le bénir. Plus loin, c’est une femme qui l’implore, en larmes.

« Nous sommes venus pour attirer l’attention du monde devant cette grave crise humanitaire et pour en implorer la résolution, a déclaré le pape. Nous voulons unir nos voix pour parler ouvertement en votre nom. Nous espérons que le monde prête attention à ces situations de nécessité tragique et véritablement désespérées et réponde d’une façon digne de notre humanité commune. » « Ne perdez pas l’espérance », leur a-t-il encore lancé, « vous n’êtes pas seuls ». L’archevêque d’Athènes et de toute la Grèce a pour sa part dénoncé « la faillite d’humanité et de solidarité » de l’Europe ces dernières années, et le patriarche de Constantinople « la dureté de coeur de nos frères et sœurs qui ont fermé les frontières et tourné le dos ».

Une femme accueille le pape François avec une pancarte "Bienvenue à Lesbos, pape François", le 16 avril au camp de réfugiés de Moria. | FILIPPO MONTEFORTE / AFP

Déclaration commune

A l’occasion de cette visite à Moria, les trois dignitaires chrétiens ont rendu publique une déclaration commune très politique. « Depuis Lesbos, écrivent-ils, nous lançons un appel à la communauté internationale pour qu’elle réponde avec courage, qu’elle affronte cette crise humanitaire massive et ses causes sous-jacentes, à travers des initiatives diplomatiques, politiques et caritatives et à travers des efforts conjoints du Moyen-Orient et l’Europe. » Ils reconnaissent « les efforts déjà faits » pour aider les migrants mais « demand[ent] à tous les dirigeants politiques d’employer tous les moyens pour assurer que les personnes et les communautés, y compris les chrétiens, demeurent dans leur patrie et jouissent du droit fondamental de vivre en paix et en sécurité. »

Ils demandent à la communauté internationale un programme d’assistance pour « protéger les minorités, combattre la traite et la contrebande des personnes, éliminer les routes dangereuses, comme celles de la mer Egée et de la Méditerranée, et pour promouvoir des processus sûrs de réinstallation » des réfugiés ayant fui leur pays, réinstallations qui permettraient de soulager les pays en première ligne, comme la Grèce, mais aussi la Turquie ou le Liban. Ils demandent enfin « à tous les pays », tant que dure « la situation de nécessité », « d’étendre l’asile temporaire » et d’octroyer « le statut de réfugié à ceux qui sont éligibles ».