Le combat est sans merci. Certains le jugent perdu d’avance. D’autres assurent qu’il finira par porter ses fruits. Cela fait maintenant trois ans que la Banque centrale européenne (BCE) multiplie les mesures les plus audacieuses et inédites pour relancer l’inflation, désespérément faible en zone euro. En mars, celle-ci s’est établie à 0 %, après – 0,2 % en février.

Rachats massifs de dettes publiques, prêts géants (les « TLTRO ») aux banques, taux négatifs… Jusqu’ici, rien n’a permis de ramener l’évolution des prix au-dessus de la barre des 2 %, l’objectif affiché de l’institut monétaire.

Le président de la BCE, Mario Draghi, en fait probablement des cauchemars. Et si, après avoir sauvé la monnaie unique, il échouait à remplir le principal mandat de son institution ? Se souviendrait-on de lui comme de l’homme qui a laissé la zone euro sombrer dans une trappe d’inflation nulle à la japonaise ?

Il l’a lui-même reconnu jeudi 21 avril, à l’issue de la conférence des gouverneurs de la BCE  : « L’inflation pourrait repasser en territoire négatif dans les prochains mois avant de se redresser dans la seconde moitié de 2016 », puis d’augmenter doucement en 2017.

Ce scénario a de fortes chances de se réaliser. Selon les économistes de Natixis, le prix du baril de pétrole devrait se rapprocher des 60 dollars début 2017, contre 30 dollars à peine en janvier 2016. Les tarifs de l’énergie repartiront rapidement à la hausse, gonflant au passage l’inflation moyenne en zone euro. Celle-ci devrait se rapprocher des 2 % mi-2017, prévoit Natixis. Soit précisément la cible de la BCE.

De quoi sabler le champagne ? Pas sûr. Car si l’institut monétaire est obsédé par l’évolution des prix, c’est parce qu’elle est le reflet de la santé de l’économie. Lorsque tout va bien, les prix montent modérément et les salaires grimpent dans les mêmes proportions, alimentant la consommation et donc la croissance. A l’inverse, quand les prix stagnent ou baissent, les rémunérations se figent, la consommation et l’activité flanchent…

Le spectre de la déflation

Voilà pourquoi il est essentiel que l’inflation dite « domestique », à savoir liée aux fondamentaux de l’économie et aux salaires, redémarre en zone euro. L’inflation « importée », provoquée par la seule hausse des cours des matières premières, peut à l’inverse avoir des effets délétères : elle rogne le pouvoir d’achat des ménages, au risque de faire dérailler la croissance. « Cette inflation-là est contre-productive, puisqu’elle constitue un prélèvement sur le revenu », résume Patrick Artus, chef économiste de Natixis.

Le pari de Mario Draghi est que d’ici à 2017, le chômage européen aura suffisamment diminué pour permettre aux salaires de redémarrer. Et que la hausse des cours du pétrole, en éloignant le spectre de la déflation, s’accompagnera d’un retour de l’optimisme des entreprises, qui recommenceront à embaucher et à investir.

Si ce n’est pas le cas, l’Italien se retrouvera dans un terrible piège. L’inflation importée le contraindra à réduire la voilure de ses mesures monétaires, alors que la dynamique de la reprise domestique ne sera pas assez solide pour s’en passer…