Les sénateurs ont adopté mardi 3 mai, en première lecture, une version modifiée du projet de loi sur la « République numérique ». Y sont inscrits, entre autres, l’ouverture accrue des données publiques et un accès amélioré à Internet.

Le texte, soutenu par tous les groupes politiques à l’exception des communistes, qui se sont abstenus, a été approuvé par 322 voix contre une, avec 23 abstentions. Le Sénat ayant complété le texte de l’Assemblée par de nombreux amendements, le projet de loi sera soumis à une commission mixte paritaire, chargée de trouver une version commune aux deux chambres.

Défendu par Axelle Lemaire, la secrétaire d’Etat chargée du numérique, le texte agrège toute une série de mesures, dont certaines très concrètes pour les internautes, comme la « portabilité des données » (facilitation du transfert des courriels, fichiers et autres contenus d’un internaute vers un nouveau fournisseur), le « droit à l’oubli » pour les mineurs, ou encore le maintien d’une connexion à Internet pour les personnes les plus démunies en cas d’impayé.

Certaines de ces mesures ont été inspirées par une consultation en ligne à la fin de 2015 qui avait recueilli plus de 25 000 contributions.

Un nouveau statut pour les joueurs professionnels

Les sénateurs se sont aussi prononcés sur le statut du sport électronique et des joueurs de jeux vidéo professionnels. L’article 42 assouplit légèrement le cadre légal pour l’organisation de compétitions de jeux vidéo, en proposant des dérogations pour éviter que ces compétitions tombent directement sous le régime strict des jeux d’argent. Après de longs débats, le texte adopté par le Sénat facilite l’organisation de tournois, mais reste cependant contraignant, avec un arsenal de dispositions visant principalement à éviter que les organisateurs puissent tirer un bénéfice financier des compétitions. Le texte crée également un statut nouveau de contrat pour joueurs professionnels, qui pourront être établis pour une à cinq saisons.

Les sénateurs ont resserré la vis par rapport aux revenus issus de certaines plates-formes. Parmi les ajouts qu’ils ont faits, l’autorisation pour les communes de plus de 200 000 habitants de rendre obligatoire l’enregistrement de locations ponctuelles par l’intermédiaire de sites Internet, comme Airbnb, afin d’empêcher les sous-locations illégales.

Le Sénat a instauré une franchise générale de 5 000 euros sur les revenus tirés par les particuliers de leurs activités sur des plates-formes collaboratives du type Le Bon Coin. Les revenus supérieurs à 5 000 euros par an seront considérés comme imposables à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.

« Bilan mitigé »

Les sénateurs ont en revanche fortement restreint la « liberté de panorama », votée à l’Assemblée, qui vise à permettre de diffuser des photos de bâtiments ou de sculptures protégées par le droit d’auteur. Seuls les particuliers pourront le faire, et « à l’exclusion de tout usage à caractère directement ou indirectement commercial ». Associations et entreprises en sont ainsi exclues.

Les sénateurs ont aussi adopté un amendement qualifiant de pratique anticoncurrentielle le fait pour les moteurs de recherche, quand ils sont en position dominante, de favoriser leurs propres services dans leurs pages de résultats de recherche. Cet amendement empêcherait par exemple que Google privilégie Google Shopping ou Google Maps.

Pour autant, dans un communiqué après le vote sénatorial, le Conseil national du numérique a dressé « un bilan mitigé » des discussions en chambre haute. Tout en notant « de réelles améliorations » – principalement en matière de loyauté des plates-formes et d’ouverture des données publiques –, le Conseil « s’inquiète d’un certain nombre de reculs », notamment la suppression de la possibilité pour des associations de mener une action en justice pour défendre le domaine public, qui avait été introduite à l’Assemblée.