Un détail de l'affiche du spectacle "Carmen". | ZÉNITH DE TOULOUSE

Pour faire renaître l’histoire d’amour tragique de Carmen, Don José, Micaëla et Escamillo sur la scène du Zénith de Toulouse, près de 400 lycéens et étudiants issus de douze établissements s’étaient investis dans le projet Fabrique Opéra. Mais l’annonce, faite il y a une semaine, que le spectacle n’aboutira pas a engendré des sentiments d’échec et de frustration. « Nous avons appris par un simple mail que la Fabrique Opéra abandonnait le projet pour causes budgétaires, témoigne Megan, une étudiante en Diplôme des métiers d’art qui travaillait sur les costumes. J’ai été surprise et déçue de la façon dont ils nous l’ont annoncé, après toute l’énergie que nous avons fournie. »

En 2006, le chef d’orchestre Patrick Souillot a l’idée de monter un opéra de toutes pièces en faisant appel à des bénévoles, des lycéens et des étudiants. L’objectif est double : revaloriser l’art lyrique en attirant de nouveaux publics grâce à des tarifs attractifs et former des jeunes à leur futur métier. Sur ce concept se développe la Fabrique Opéra, dont la première création est montée à Grenoble. Le projet essaime à Annecy, Orléans et Marseille.

Dernière née, la Fabrique Opéra Toulouse. Lancée en 2014, elle voit grand pour sa première : ce sera Carmen, au Zénith, en mai 2016. Cependant, le 11 avril, à un mois des représentations, l’association locale annonce par un communiqué de presse que « les organisateurs toulousains sont dans l’obligation d’annuler, pour des raisons économiques, le spectacle ». Elle évoque aussi une « décision de la Fabrique Opéra nationale de rompre unilatéralement la convention qui les unissait ».

Comptes en déséquilibre

A Grenoble, les membres de l’association nationale voient rouge. « Ça nous porte préjudice », regrette un représentant. Il conteste le communiqué, expliquant que Toulouse aurait manqué à plusieurs reprises aux obligations contractuelles auxquelles elle était contrainte. « Un certain nombre de signes nous ont progressivement alertés : un déséquilibre entre les dépenses et les recettes ou la fermeture des auditions au public pour certains rôles, contraire aux valeurs portées par l’association. » Après plusieurs mises en garde, le partenariat a été rompu en janvier 2016, et l’équipe de la ville rose n’a plus eu le droit d’agir sous le nom de Fabrique Opéra. « Nous avons un concept solide, que nous devons protéger », explique le représentant de l’association nationale. Contacté par Le Monde, le responsable toulousain n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.

C’est la première fois qu’une des créations Fabrique Opéra est abandonnée avant les représentations. En 2015, La Flûte enchantée avait été montée à Marseille, mais l’expérience n’avait pas été reconduite parce que les membres « ne partageaient plus les valeurs de la Fabrique Opéra nationale », selon son représentant.

Une partition mal orchestrée a visiblement mené le projet à l’échec. « Les tissus arrivaient en retard avec un métrage plus petit que prévu, il n’y avait pas assez de bobines de fil pour que tout le monde puisse travailler correctement », regrette Fanny, en première Diplôme technique de métiers du spectacle. Pour compenser le manque d’organisation, les lycéens et étudiants ont dû se consacrer au projet au-delà des heures prévues dans leur emploi du temps. Megan ne se dit « pas surprise » par l’annonce « car ce projet était trop grand et irréalisable. La ville de Toulouse fournit déjà l’accès à l’opéra aux jeunes grâce à ses bas prix et dans des vraies salles. Je ne vois pas quel public était visé. » La célèbre séductrice de Séville n’ira finalement pas chanter ses amours tragiques sur la scène du Zénith toulousain.

Hélène Capdeviole