Le président argentin Maurico Macri, le premier ministre hollandais Mark Rutte et le président américain Barack Obama, à Washington, le 1er avril. | Alex Brandon / AP

Les blancs et les bleus ont bien travaillé. Deux équipes aux couleurs du drapeau argentin, banquiers et hauts fonctionnaires, ont sillonné le monde de la haute finance, de Washington à Londres, pour vendre le retour de leur pays sur les marchés. Mardi 19 avril, le troisième pays d’Amérique latine devait emprunter près de 15 milliards de dollars (13,2 milliards d’euros) auprès des investisseurs internationaux. Le succès est déjà au rendez-vous. Plus de 50 milliards de dollars auraient été proposés au pays.

Cet emprunt, l’un des plus importants jamais émis par un pays émergent, est hautement symbolique, après quinze ans de glaciation. Depuis la faillite de l’Argentine en 2001, les lumières de Buenos Aires se sont éteintes pour la finance internationale. Incapable de rembourser une dette de près de 95 milliards de dollars, le gouvernement de Cristina Kirchner a plongé son pays dans l’isolement. Il a puisé dans les caisses de la banque centrale et a fait tourner la planche à billets pour couvrir ses dépenses, nourrissant une inflation encore estimée à près de 25 % par an. Les capitaux se sont enfuis, plongeant le pays dans les difficultés. Selon l’actuel ministre des finances, Alfonso Prat-Gay, cette fermeture au monde extérieur aurait coûté 120 milliards de dollars à l’économie et empêché la création de près de 2 millions d’emplois.

Effets des changements politiques

Personne ne pourra jamais valider ces chiffres, mais il est étonnant de voir avec quelle rapidité les investisseurs sont passés de la haine à l’amour pour un pays qui alterne avec constance les crises économiques depuis l’après-guerre, naviguant, au gré des dictatures populistes ou militaires, entre les solutions radicales pour combattre une inflation qui, aux riches heures de la fin des années 1980, dépassait les 1 000 % par an (4 924 % en 1989 !). Mais les investisseurs oublient vite, pourvu que la promesse soit alléchante. Et, en ces temps de taux d’intérêt négatifs dans les pays développés, des rendements de plus de 7 % ont tout pour séduire.

Ils ont aussi été séduits par le changement politique intervenu en décembre 2015 avec l’élection de Mauricio Macri. En trois mois à peine, l’ancien maire de Buenos Aires a supprimé le contrôle des capitaux, levé les barrières à l’importation, coupé dans les dépenses gouvernementales et réformé l’institut national de la statistique. Comme si elles n’attendaient que cela, les agences de notation ont relevé leur note, réduisant le coût de la dette. Enfin, les pouvoirs publics ont trouvé un accord avec les créanciers qui poursuivaient le pays, acceptant de lâcher plus de 10 milliards de dollars pour apurer le passif. L’essentiel de la nouvelle émission permettra de financer ce remboursement.

Le succès de l’émission porte un autre message. Au-delà du retour de la confiance pour l’Argentine, c’est celle des marchés envers les pays émergents qui est en jeu. L’alternance politique a joué spectaculairement. Peut-être en sera-t-il de même avec le grand voisin brésilien.