Déjouez les manipulateurs, l’art du mensonge au quotidien, Elodie Mielczareck (Nouveau Monde éditions, 159 pages, 11,90 euros)

Que cache le pincement de lèvres de Bill Clinton ? Le regard insistant de Jérôme Cahuzac ? Les gestes théâtralisés de votre collègue ? Le postulat est simple: les mots et les gestes sont les indices manifestes d’une pensée latente. En décodant ces signes, on peut donc percer les convictions profondes de son interlocuteur. Encore faut-il connaitre les « techniques de manipulation, plus ou moins conscientes, utilisées par chacun d’entre nous quotidiennement », explique la sémiologue Elodie Mielczareck. Dans Déjouez les manipulateurs, l’art du mensonge au quotidien, la spécialiste de l’analyse du discours publicitaire et politique souhaite à la fois nous donner des clés de lecture sur l’hypocrisie et la dissimulation auxquelles nous sommes tous confrontés, et nous transmettre les principales notions qui nous permettront de « décrypter le message sous le message ».

Le corps de bois

A l’origine de l’ouvrage, une étude qu’elle a réalisée sur la langue de bois et sa gestuelle associée, le « corps de bois » : elle y a analysé une quinzaine de vidéos compilant plusieurs heures d’entretiens, dans lesquelles divers représentants politiques sont interviewés sur les affaires Cahuzac et Bygmalion. Elle en a défini des typologies de manipulateurs, avec chacune sa langue de bois et sa gestuelle.

Ce livre pluridisciplinaire, qui s’inspire de la linguistique, de la philosophie du langage mais aussi de la sémantique et de la sociologie, est construit autour de 40 questions, réparties en quatre parties. Dans la première, l’auteur se penche sur les outils de la rhétorique. Elle aborde ensuite la gestuelle et la posture du manipulateur, s’interroge sur le moyen de ramener un manipulateur en zone d’authenticité et réfléchit enfin à la manipulation de masse.

Infantilisation à tous les étages

De « comment fait-il pour paraitre compétent ? » à « comment questionner un menteur ? » en passant par « pourquoi nous parle-t-on comme si nous étions stupides ? », le lecteur peut choisir d’emblée la question qui l’interpelle le plus. Les coups bas que nous observons autour de nous sont analysés à travers des exemples issus des sphères politique et médiatique, mais aussi intime et professionnelle. Car la manipulation touche différents secteurs. L’infantilisation, par exemple, ne se limite pas qu’au domaine publicitaire, aux « Haribo, c’est beau la vie » ou aux « Danao, on l’aime trop ». De 2005 à 2015, des chercheurs américains ont réalisé une étude sémantique à partir des chansons classées parmi les meilleures ventes aux Etats-Unis. « Le résultat est sans appel : les paroles utilisées correspondent à un lexique de niveau CE2 ». L’infantilisation s’applique également au discours politique, qui oscille toujours entre « une langue de bois confuse et abstraite, et un parler vrai sloganisé et pauvre ».

L’authenticité des organisations et des hommes est la clef de la réussite

En abordant la manipulation sous tous les angles, hormis celui de la perversion narcissique qui relève de la manipulation pathologique, l’ouvrage réussit à en montrer les paradoxes : « quotidienne, légère et utilisée par tous, et pourtant destructrice et nauséabonde à grande échelle; à la fois inconsciente et intentionnelle; à la fois subtile et exposée au grand jour ».
Mais il affiche surtout une vraie ambition citoyenne : « L’authenticité des organisations et des hommes est la clef de la réussite face aux enjeux épineux que sont l’écologie, l’économie, la politique, rappelle ainsi Elodie Mielczareck.  Etre citoyen, c’est avoir le pouvoir des actes et des paroles, et non pas le déléguer aux élites ».

« Déjouez les manipulateurs, l’art du mensonge au quotidien », Elodie Mielczareck (Nouveau Monde éditions, 159 pages, 11,90 euros)