Margarita Louis-Dreyfus et Vincent Labrune, le 12 avril à Bordeaux. | NICOLAS TUCAT / AFP

Les Louis-Dreyfus et l’Olympique de Marseille, c’est – presque – fini. Et l’épilogue annoncé de ce mariage finalement peu heureux entre l’une des plus riches familles d’Europe et le plus populaire des clubs de foot français, a été accueilli avec soulagement par l’immense majorité des supporteurs de l’OM. Un souffle d’espoir dans une ville exaspérée par la saison catastrophe de son équipe, toujours menacée, à cinq journées de la fin du championnat, par une relégation en deuxième division.

Margarita Louis-Dreyfus, propriétaire de l’OM depuis le décès de son mari Robert Louis-Dreyfus en 2009, a rendu publique, mercredi 13 avril, sa décision de «céder le club au meilleur investisseur possible pour le long terme ». «Dans le nouveau monde du football (…), je pense que le temps des mécènes est révolu », se justifie-t-elle dans un communiqué. Présidente du groupe qui porte son nom et 171e fortune mondiale – entre 6 et 7 milliards d’euros, selon le magazine Forbes – la « tsarine », comme la surnomment les Marseillais pour ses origines russes, refuse surtout d’investir encore dans le club acheté par son mari en décembre 1996.

Ligue 1  : Le Vélodrome gronde

Dans son communiqué, Mme Louis-Dreyfus rappelle qu’elle a «dû remettre plusieurs dizaines de millions d’euros à titre personnel » dans l’OM. Sans toutefois préciser que ces investissements forcés découlent de ses choix stratégiques. Et de la gestion financière d’hommes qu’elle a elle-même mis en place, au premier rang desquels son ex-favori, le président Vincent Labrune, tombé en disgrâce cette saison.

« Calmer les supporteurs »

La mise en vente de l’OM n’est pas une surprise. Depuis quelques mois, l’arrivée d’investisseurs pour compenser les pertes du club est régulièrement évoquée par les dirigeants marseillais. A la mairie, des proches de Jean-Claude Gaudin (LR) évoquaient ces dernières semaines « de grands changements à l’OM ». « Cette fois, l’annonce est officielle », pointait, mercredi soir, Luc Laboz, le directeur de la communication du club.

Si la cession était attendue, la méthode a surpris. Elle symbolise, encore une fois, la distance entre la propriétaire du club et une ville qu’elle a peu comprise. Insultée lors des derniers matchs de son équipe au Vélodrome, cible de slogans machistes, Margarita Louis-Dreyfus a, une nouvelle fois, agacé les supporteurs. Mercredi, son communiqué est arrivé dans les rédactions parisiennes avant de parvenir à Marseille. Ses destinataires présumés, les présidents des associations de fans, ont appris la vente par les médias. « Je suis devant BFM-TV et j’attends de voir ce communiqué », rageait ainsi Khokha Amsis, la présidente de Marseille trop puissant, un des clubs du virage nord du Vélodrome.

Au siège de l’OM, la surprise était la même. Vincent Labrune, président, et son numéro 2, Luc Laboz, reconnaissent ne pas avoir été informés par l’actionnaire. « Je viens d’avoir Igor Levin, le conseiller de Margarita Louis-Dreyfus, qui m’a confirmé que le communiqué était bien authentique », expliquait, peu avant 20 heures, M. Laboz. Preuve ultime que l’équipe dirigeante de l’OM a perdu toute légitimité aux yeux de sa patronne.

Banderole déployée par des supporteurs au stade Vélodrome le 10 avril. | ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

« On peut aussi voir dans ce communiqué une façon de calmer les supporteurs, note, lucide, l’ancien président de l’OM Pape Diouf. En parlant de vente, on leur fait oublier la fin de saison. » Alors que les Marseillais n’ont pas gagné depuis le 13 septembre 2015 à domicile, la tension a explosé lors des deux dernières rencontres au Vélodrome – défaite contre Rennes (2-5), nul vierge contre Bordeaux. Le stade marseillais est sous la menace d’une suspension et les supporteurs olympiens ont été interdits du court déplacement à Monaco, le week-end prochain.

« La reprise demandera un très gros investissement »

«Mais la seule vraie question, aujourd’hui, reprend Pape Diouf, c’est : quel investisseur peut reprendre l’OM ? » Dans son communiqué, Margarita Louis-Dreyfus semble ouvrir la porte à des négociations rapides. « Le prix [de vente] n’est pas ma préoccupation première », écrit-elle. « Mais même à 1 euro symbolique, la reprise demandera un très gros investissement, souffle Pape Diouf. Sans même parler de concurrencer le PSG, si l’OM veut viser le podium de la Ligue 1, il faut au moins 50 millions d’euros par an pendant quatre saisons. 200 bâtons, quoi… »

Si Bernard Tapie, éternel fantasme local malgré ses déboires financiers, a déjà annoncé qu’il « nepense pas du tout » à une reprise, les rumeurs courent Marseille. « Nous savons depuis deux semaines qu’il y a deux pistes très sérieuses, assure Luc Laboz. Mais pour avoir des informations, il faut demander à Margarita Louis-Dreyfus. » « Mme Dreyfus viendra nous trouver quand elle aura son repreneur », glisse, à la mairie, un membre du cabinet Gaudin.

A l’OM, les 20 ans des Louis-Dreyfus laisseront un bilan mitigé. A son arrivée, « RLD » avait promis de faire du club, le « Bayern Munich du Sud ». L’ancien patron d’Adidas n’aura finalement remporté qu’une Coupe Intertoto (2005), défunte compétition européenne de seconde zone. Sa veuve, elle, affiche un titre de champion de France 2010 et trois Coupes de la Ligue (2010, 2011, 2012). D’ici à son départ, elle peut rêver de décrocher une Coupe de France. L’OM joue sa demi-finale contre Sochaux le 21 avril. Ultime rendez-vous avant une nouvelle ère ?