Cours à l'université d'Aix-Marseille. AFP PHOTO / BORIS HORVAT | BORIS HORVAT / AFP

À partir de la rentrée 2016, la sélection entre la première et la deuxième année de master sera légale dans quelque 1 300 mentions telles que « droit et gestion des finances publiques » ou encore « sciences du médicament ». C’est ce que révèle un projet de décret du ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

Le texte, qui doit être soumis, pour un simple avis consultatif, au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) lundi 18 avril, vient combler un vide juridique qui a fait grincer des dents plus d’un président d’université ces derniers mois. Et ce, depuis que le Conseil d’Etat a confirmé, dans un avis rendu début février, que la sélection à l’université entre la première et la seconde année de master ne reposait sur aucune base légale sans un décret listant les formations concernées.

42 % de masters 2 concernés

Car dans les faits, cette sélection est déjà mise en place, discrètement, par les présidents d’université, notamment dans les filières les plus convoitées comme le droit ou la psychologie. Malgré l’adoption en 2002 du cadre européen Licence-Master-Doctorat (LMD, en trois, cinq et huit ans après le bac), la sélection qui existait à l’issue de l’ancienne maîtrise (bac + 4) a perduré dans certains M1. Les contentieux devant les tribunaux qui opposent des étudiants s’estimant injustement sélectionnés se sont multipliés.

Le secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur Thierry Mandon s’était engagé à « sécuriser juridiquement » la prochaine rentrée. Autrement dit : à nommer les formations dans lesquelles des « capacités d’accueil » limitées, la non-réussite à un concours ou un mauvais dossier académique peuvent être avancés par les présidents d’université pour justifier le refus d’un étudiant.

Mi-mars, la Conférence des présidents d’université (CPU) demandait l’inscription dans cette liste de près de 850 mentions de master. Cinq présidents d’université – Paris-I, Paris-II ou encore Toulouse-I – étaient montés au créneau, accusant le ministère de vouloir « amputer » cette liste. Ils semblent avoir été entendus : le nombre de mentions concernées étant finalement passé à… 1 304, réparties dans quelque 80 établissements. Soit 42 % des 3 040 mentions de M2 qui existent en France.

Sélection des étudiants arrivant d’une autre université…

Les présidents d’université ont par ailleurs obtenu, dans ce décret, une sécurisation juridique de la sélection qu’ils effectuent en partie déjà, concernant les étudiants arrivant d’autres universités, ou encore ceux issus d’une autre mention de master 1. Le décret indique ainsi que l’inscription est subordonnée à la vérification « que les unités d’enseignement déjà acquises dans [sa formation] d’origine sont de nature à permettre [à l’étudiant] de poursuivre sa formation en vue de l’obtention du diplôme de master ».

« Cela devrait nous aider à gérer les flux, commente Bruno Sire, président de Toulouse-I, même si cela paraît fragile juridiquement ». Une fragilité que pointe aussi Florent Verdier, avocat spécialisé dans la défense d’étudiants sélectionnés par leur université : « le fait de venir d’une autre université est une “condition” qui n’a pas été prévue par la loi. Or ce décret, réglementaire, doit normalement être en conformité avec la loi… ».

Ouverture d’une « concertation » de quatre mois sur le cycle master

Cette surprenante inflation d’une liste que même la ministre Najat Vallaud-Belkacem avait affirmé vouloir « très limitative » ne « satisfait pas complètement la CPU » explique Jean-Loup Salzmann, son président. Si une majorité de formations désignées par la CPU sont présentes dans le projet de décret, plusieurs établissements « n’ont tout de même pas obtenu satisfaction ». Selon lui, « il faut passer très vite à l’étape 2 », soit la réflexion sur « la sélection dans tous les masters », dès la fin de la licence. C’est la véritable question sous-jacente à ce débat.

Une question qui sera sans aucun doute abordée lors d’une « concertation de quatre mois » annoncée par Thierry Mandon mercredi 13 avril. Celle-ci devrait justement permettre d’examiner « une orientation très renforcée après la licence [ou] le recrutement des étudiants dans les masters » a-t-il expliqué sur RTL. Une concertation « pour reformer le master que nous demandons depuis longtemps » salue Alexandre Leroy, du syndicat étudiant FAGE.

Dans un registre moins enjoué, le président de l’UNEF, William Martinet, évoque les deux « mauvais signaux » envoyés par le gouvernement. À savoir « une liste de masters 2 sélectifs moins limitative que prévu » et le fait que « le ministère ne répond pas à la question fondamentale du droit, pour les étudiants, d’accéder à un master 2 après un master 1 ». William Martinet menace : « Ce semestre a été particulièrement agité du fait de la loi travail. Le ministère cherche-t-il à réunir les conditions pour une rentrée universitaire tout aussi chaude ? »