La sonnerie a retenti quelques minutes après minuit. Penchées vers le box des accusés, les robes noires se redressent. C’est l’heure du verdict dans le procès du braquage avorté qui a coûté la vie à la policière municipale Aurélie Fouquet, en 2010.

La famille de la jeune femme, son collègue Thierry Moreau et les autres policiers blessés ont rempli les bancs des parties civiles, jeudi 14 avril. Ils sont arrivés ensemble, avançant d’un même pas dans les couloirs vides de la cour d’assises de Paris. Procession funèbre et nocturne. Pour eux, l’heure du deuil est arrivée.

Il aura fallu treize heures aux jurés pour répondre aux 287 questions qui leur étaient posées, alors, le président Philippe Roux les énumère une à une. Au premier « coupable », Daouda Baba comprend ce qui l’attend. « Vous n’avez pas lu le dossier », gémit-il. Coupable du meurtre d’Aurélie Fouquet. Coupable de tous les faits qui lui sont reprochés. « Vous avez pété un câble, c’est un truc de fou ce procès. » Le président menace de l’expulser mais peu lui importe. « Vous êtes en train de me tuer. » vingt ans de réclusion l’attendent. Son avocat se rapproche pour le calmer. Il avait plaidé le doute, dans un procès où les preuves matérielles irréfutables ont souvent manqué. Pas en alignant les « prétendus hasards », avait soutenu l’avocate générale lors de son réquisitoire. Les jurés l’ont suivie.

Entre un et trente ans de prison

L’autre condamné pour meurtre se fait moins entendre. Et pour cause, Olivier Tracoulat a disparu depuis ce 20 mai 2010, dont la cour a étudié chaque minute. De 9 h 31 à 19 h 10. Du début de la course-poursuite à l’heure officielle de la mort d’Aurélie Fouquet. Blessé au cours de la fusillade, le grand absent de ce procès est même probablement mort. En l’absence de corps, les jurés l’ont condamné à trente ans de prison, enfonçant le clou préparé par deux autres accusés qui l’avaient chargé à l’audience.

Stoïque, Redoine Faïd attend encore d’être fixé sur son sort après une centaine de questions. Tentative de vol en bande organisée, participation à une association de malfaiteurs, détention et transport d’armes : coupable. L’autoproclamé repenti lève les bras, secoue la tête. Comme presque tous ses co-accusés, il avait utilisé ses derniers mots, le matin même, pour répéter à quel point il était « étranger » à cette affaire. Comme tout au long des sept semaines de procès. Comme depuis son arrestation, il y a cinq ans. Rien n’y a fait. Les jurés ont condamné l’ex-caïd des cités, devenu grand bandit, à dix-huit années derrière les barreaux.

Question 150. Les yeux fermés dans le box, Jean-Claude Bisel attend toujours que son nom soit prononcé. Son sort sera réglé en une réponse : coupable. Avoir pris soin d’Olivier Tracoulat la nuit des faits lui vaudra une année de prison. Il en passera bien plus en cellule, puisqu’un autre procès l’attend, pour le meurtre de son gendre.

Seul un homme est acquitté de toutes les charges qui pesaient contre lui : Georges Mosheh. Un autre se voit lavé de l’accusation de meurtre, mais pas de l’association de malfaiteurs : Rabia Hideur est condamné à dix ans, lui qui encourait la perpétuité et contre qui l’avocate générale avait requis trente ans. Son cousin et voisin de box, Malek Khider, en prend cinq de plus que lui. Acquitté pour le braquage raté de Gentilly – que la cour jugeait également mais pour lequel il était le seul renvoyé – il est reconnu coupable d’avoir participé à celui de Villiers-sur-Marne. Olivier Garnier et William Mosheh, logisticiens de l’équipe, sont quant à eux condamnés à cinq ans de prison.

L’énoncé du verdict se termine dans les sanglots de la salle. Les accusés ont dix jours pour faire appel. Daouda Baba, reconnu coupable du meurtre d’Aurélie Fouquet, est le premier à le faire. « On a beaucoup parlé de la loi du silence du côté de l’accusation mais le seul silence auquel on a eu droit, c’est sur les preuves rapportées par l’accusation et c’est la raison pour laquelle on fait appel », a déclaré Amar Bouaou, son avocat, jeudi 14 avril.

Redoine Faïd devrait l’imiter une fois terminée l’audience civile jeudi. Devant le ballet de micros et de caméras, présents même à plus d’une heure du matin, Christian Saint-Palais, a déjà annoncé qu’il le ferait. L’avocat de Redoine Faïd avait plaidé l’acquittement face à l’absence de preuve irréfutable contre son client. Il aura suffi de l’intime conviction des jurés pour le condamner.

Les neuf accusés du procès Fouquet et leurs peines

Olivier Tracoulat

Reconnu coupable du meurtre d’Aurélie Fouquet, il a été condamné à 30 ans de prison.

Les charges : son ADN a été retrouvé sur la scène de la fusillade ; Jean-Claude Bisel confirme l’avoir veillé, blessé, la nuit même ; Malek Khider l’a croisé dans une réunion de préparation au braquage.

Les réquisitions : « C’est difficile de requérir contre un absent. » L’avocate générale le fera quand même. 30 ans.

Rabia Hideur

Acquitté du meurtre de la policière, il a cependant été déclaré coupable d’association de malfaiteurs et condamné à 10 ans de prison.

Les charges : son ADN a été retrouvé sur la crosse d’une kalachnikov chez Malek Khider. Il a en outre été reconnu par un témoin comme étant le passager du véhicule impliqué dans la fusillade.

Les réquisitions : 30 ans de réclusion criminelle.

Daouda Baba

Reconnu coupable du meurtre d’Aurélie Fouquet, il a été condamné à 20 ans de prison.

Les charges : son ADN a été retrouvé sur une arme chez Malek Khider. Il porte des marques de brûlures qu’on le soupçonne de s’être faites en incendiant le fourgon impliqué, le 20 mai. Lui les explique autrement : il aurait incendié une voiture volée en plein centre-ville de Creil. Mais refuse d’en dire plus.

Les réquisitions : 30 ans

Malek Khider

Il a été condamné à 15 ans de prison pour association de malfaiteurs dans l’affaire du braquage avorté de Villiers sur Marne, au cours duquel Aurélie Fouquet a été tuée. Il a cependant été acquitté pour la tentative de braquage ratée à Gentilly, en décembre 2009. Une affaire jamais élucidée mais qui rappelle l’autre.

Les charges : Il avoue qu’il devait participer au braquage de Villiers sur Marne mais pas dans la fourgonnette impliquée dans la fusillade ; une arme qui a servi au braquage de Gentilly a été retrouvé dans un sac lui appartenant ainsi qu’une polaire bleue similaire à celle portée par l’un des braqueurs.

Les réquisitions : 25 ans, avec deux-tiers de peine de sûreté. « Le temps de la liberté n’est pas venu pour lui. »

Redoine Faïd

Considéré comme le cerveau du braquage, il a été condamné à 18 ans de prison pour sa participation au projet de braquage, association de malfaiteurs, détention et transport d’armes et d’explosifs.

Les charges : ses liens avec les accusés Bisel, Tracoulat, Khider et Garnier, rencontrés en prison ou condamné avec eux ; une vidéosurveillance sur laquelle il apparaît la veille du braquage dans un véhicule qui semble à la tête d’un convoi des deux qui seront impliqués le lendemain.

Les réquisitions : 22 ans avec deux-tiers de peine de sûreté. « Le meilleur moyen de s’assurer de l’absence de récidive. »

William Mosheh

Condamné à 5 ans de prison pour participation à une association de malfaiteurs en bande organisée.

Contre lui : du matériel de maquillage de véhicules et des armes ont été saisis chez lui ; son ADN a été retrouvé sur une kalachnikov saisie chez Malek Khider, mélangé à celui d’Olivier Tracoulat.

Les réquisitions : huit ans. « Sinon, vous considérer que les actes préparatoires sont insignifiants. Or c’est tout le contraire. »

Olivier Garnier

Condamné à 5 ans de prison pour participation à une association de malfaiteurs en bande organisée.

Les charges : il était soupçonné d’avoir eu un rôle logistique dans la fabrication d’explosifs qui devaient être utilisé dans l’attaque de fourgon, dans son transport ou son gardiennage. Son ADN a été retrouvé sur le cadre explosif retrouvé sur les lieux de la fusillade et sur le sac de sport retrouvé chez Malek Khider.

Les réquisitions : huit ans.

Jean-Claude Bisel

Reonnu coupable de recel de malfaiteurs, il a été condamné à un an de prison pour avoir veillé Olivier Tracoulat, blessé lors de la fusillade, la nuit des faits.

Les charges : il a avoué.

Les réquisitions : trois ans. « Sinon il faudrait lui trouver des circonstances atténuantes. » Et l’avocate générale n’en voit pas.

Georges Mosheh

Conformément aux réquisitions du parquet, il a été acquitté de l’accusation de participation à une association de malfaiteurs.

Les charges : il se trouvait à proximité du lieu du vol d’un des véhicules ; la veille de la fusillade, ce même véhicule a stationné non loin d’un box lui appartenant la veille, où il est soupçonné d’avoir pu en changer les plaques d’immatriculation.