Par Dr Hatem, directeur de l’hôpital pédiatrique d’Alep ; Dr Abu Altiem, Hôpital pédiatrique d’Alep ; Dr Yahya, Hôpital pédiatrique d’Alep ; Dr Abu Albrae, Hôpital pédiatrique d’Alep ; Dr Khaled, néphrologue à l’hôpital Al Quds d’Alep ; Dr Salah Safadi, Association des Docteurs Indépendants

Nous sommes les médecins d’Alep. En première ligne de la guerre qui y fait rage, nous étions pour le moins sceptiques quant à la cessation des hostilités négociée en février. Nous avons pourtant constaté une certaine diminution des attaques contre nos hôpitaux, lorsque la trêve entra en vigueur. Nous avons osé espérer. Cette semaine, nous avons alors vu nos pires craintes se réaliser dans les circonstances les plus horribles qui soient. Notre ville est à feu et à sang.

Mercredi 27 avril, des avions de combat syriens ou russes ont bombardé l’hôpital Al Qods dans l’est de la ville d’Alep. L’attaque a tué plus de 50 personnes et blessé plus de 60 autres. Nos amis les Casques Blancs [organisation humanitaire syrienne] continuent d’extraire les corps ensevelis sous les décombres. Parmi les personnes tuées dans l’attaque se trouvait notre ami et collège, le Dr Muhammad Wassim Maaz. Il était le dernier pédiatre d’Alep.

Nous nous souviendrons toujours de l’extrême gentillesse et courage du Dr Maaz, dont le dévouement au service des plus jeunes victimes de la guerre était sans égal. Cette attaque prive Alep-Est de l’un des meilleurs pédiatres restés en Syrie. Encore un rappel sanglant que ceux qui attaquent Alep n’ont aucun respect pour le caractère sacré de la vie ou pour l’humanité.

Les humanitaires visés

Le Dr Mohammed Ahmad, un autre de nos amis et l’un des dix dentistes restant à Alep-Est, a également été tué dans le raid aérien. Son nom s’ajoute à celui du Dr Maaz, et d’au moins 730 de nos collègues, d’autres médecins, qui ont été tués dans notre pays au cours des cinq dernières années. Nos collègues héroïques des Casques Blancs, ont eux aussi subi de lourdes pertes pour avoir risqué leur vie afin d’en sauver d’autres. Un jour seulement avant que le Dr Ahmad et le Dr Maaz ne soient tués, le centre de formation Al-Alareb des Casques Blancs a été frappé par de multiples missiles sol-sol, tuant cinq de leurs bénévoles : Ahmad Abdullah, Khaled Bachar, Ahmad Mahmoud, Hamda Haj Ibrahim et Hussain Ismail.

Il n’y aura bientôt plus du tout de personnel médical à Alep. Qui sauvera alors la vie des civils ? Qui leur prodiguera alors les soins nécessaires ? Cette semaine, en seulement deux jours, près de quatre personnes ont été tuées à chaque heure de la journée, et plus de cinquante blessées pendant le même temps. Nos hôpitaux sont au point de rupture. La cessation des hostilités a échoué et nous en ressentons les effets au plus profond de nous-mêmes.

En février, la Russie et les États-Unis ont annoncé leur ferme engagement établir et faire durer la cessation des hostilités. Aujourd’hui, ils ne sont pas à la hauteur de leurs engagements et ce sont les femmes, les enfants et les personnes âgées d’Alep qui paient le prix fort de leur échec. Si la trêve n’est pas une solution durable à la crise, la renforcer permettra de d’empêcher que ne se reproduisent des massacres tels que l’attaque de l’hôpital Al- Qods, et de prévenir un siège total d’Alep. En cas de siège total, Alep risquerait de connaître un sort semblable à celui de Srebrenica.

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La Russie dit être sincère au sujet de la paix en Syrie. Elle doit maintenant honorer ses obligations en s’assurant de la fin des frappes aériennes contre Alep, ainsi que de la mise en place d’une trêve qui soit respectée par toutes les parties. La priorité est que la Russie et la communauté internationale exercent d’urgence leur influence pour que cesse l’assaut contre Alep. Il ne s’agit pourtant là que d’une première étape nécessaire. Pour les professionnels de santé, chaque jour est une lutte afin d’obtenir le matériel et les médicaments dont nous avons cruellement besoin pour soigner les blessés et venir en aide aux mourants. L’approvisionnement par la route de Castello, dernier point d’entrée de l’aide humanitaire à Alep-Est, est menacé depuis des mois et ne tient aujourd’hui plus qu’à un fil. Les États-Unis aussi doivent user de leur influence pour s’assurer que cette voie cruciale d’approvisionnement ne soit plus menacée.

En tant que têtes de file du Groupe International de Soutien à la Syrie, les présidents Vladimir Poutine et Barack Obama sont garants du sort des civils en Syrie. Ils ont le pouvoir et la responsabilité de les protéger. Nous espérons et prions pour qu’ils l’utilisent pour le bien de la Syrie, d’Alep, de nos patients et le nôtre.

Signataires :

Dr Hatem, directeur de l’hôpital pédiatrique d’Alep ; Dr Abu Altiem, Hôpital pédiatrique d’Alep ; Dr Yahya, Hôpital pédiatrique d’Alep ; Dr Abu Albrae, Hôpital pédiatrique d’Alep ; Dr Khaled, néphrologue à l’hôpital Al Quds d’Alep ; Dr Salah Safadi, Association des Docteurs Indépendants