Le compte à rebours est lancé. Le 10 juin, soit dans cent jours, les Bleus disputeront le match d’ouverture de l’Euro 2016 contre la Roumanie, au Stade de France. Alors qu’il fait régulièrement la navette entre sa résidence principale de Cassis (Bouches-du-Rhône) et son vaste bureau au siège parisien de la Fédération française de football (FFF), Didier Deschamps est en pleins préparatifs. Revue des chantiers en cours pour le sélectionneur des Tricolores dans cette ultime ligne droite qui mène au tournoi continental.

  • Un calendrier bien défini

Le 17 mars, le patron de l’équipe de France donnera une conférence de presse, afin de donner sa liste des 23 joueurs convoqués pour les deux rencontres amicales prévues, le 25 mars, à Amsterdam contre les Pays-Bas, et quatre jours plus tard, face à la Russie à Saint-Denis. Le technicien bayonnais aura ensuite plus d’un mois et demi pour peaufiner ses choix et faire son casting définitif. Si « la Dèche » souhaite se reposer sur la plupart des joueurs qui ont disputé le Mondial 2014, nul doute qu’il prendra en compte le rendement et l’état de forme de ses protégés lors des derniers mois. D’autant que plusieurs éléments talentueux entendent grimper de justesse dans le wagon tricolore. Adepte de la clarté, le champion du monde 1998 devrait retenir 23 joueurs et désigner sept réservistes pour pallier d’éventuels forfaits de dernière minute.

Du 17 au 21 mai, les heureux élus effectueront un premier stage de préparation à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), où ils devraient utiliser les infrastructures du parc des sports d’Aguiléra. Après un passage par leur quartier général de Clairefontaine (Yvelines), ils se jaugeront contre le Cameroun à Nantes, le 30 mai. Puis, ils rallieront le Tyrol autrichien, à proximité d’Innsbruck, pour peaufiner leurs derniers réglages. Le 4 juin, une ultime rencontre amicale est prévue contre l’Ecosse, à Metz. Derrière, les Tricolores auront six jours pour préparer leur entrée en lice dans le tournoi contre la Roumanie. Ils affronteront ensuite l’Albanie à Marseille, le 15 juin, puis la Suisse à Lille, quatre jours plus tard.

  • Un objectif à assumer

Le sélectionneur des Bleus, Didier Deschamps, le 5 novembre 2015. | FRANÇOIS GUILLOT / AFP

Au sortir d’une année 2015 en demi-teinte (six victoires pour quatre défaites en dix matchs) et émaillée par les attentats du 13 novembre, les Tricolores, actuellement 24es au classement FIFA, sont-ils en mesure de remporter la compétition devant « leur » public ? Car après les sacres de leurs aînés lors de l’Euro 1984 et du Mondial 1998, organisés dans l’Hexagone, les hommes de Didier Deschamps n’auront pas d’autre objectif que la victoire. Officiellement, Noël Le Graët, le président de la FFF, assure que les Bleus devront au minimum atteindre les demi-finales. Le milieu Blaise Matuidi confiait au Monde en octobre 2015 :

« On a envie de faire un super truc, d’aller le plus loin possible. Aujourd’hui, on a une jeune équipe, en pleine construction, même si on se connaît un peu plus depuis la Coupe du monde 2014 au Brésil. Il y a un noyau qui est là depuis l’arrivée de Didier Deschamps en juillet 2012. On ne peut pas nous demander ce qu’on va faire à l’Euro, ou de le gagner. On veut aller dans le dernier carré de la compétition. Je ne vais pas non plus me cacher. Chez nous, on a envie de se dire : “les gars, on peut !” Mais il y aura d’autres grandes sélections comme l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, qui sont au-dessus de nous, qui se diront aussi : “on peut.” »

Mathieu Valbuena et Karim Benzema, le 30 juin 2014, à Brasilia. | FRANCK FIFE / AFP

  • Les cas Benzema et… Valbuena

Meilleur buteur en activité des Bleus (27 buts en 81 sélections), Karim Benzema disputera-t-il l’Euro 2016 ? C’est la question qui prévaut à cent jours du coup d’envoi du tournoi. Mis en examen en novembre 2015 pour « complicité de tentative de chantage » et « participation à une association de malfaiteurs » dans ladite affaire du « chantage à la sextape » fait à son coéquipier Mathieu Valbuena, le prolifique attaquant du Real Madrid (23 réalisations en 24 matchs) n’est « plus sélectionnable » tant que sa « situation » judiciaire n’évolue pas. L’incertitude qui entoure la présence du Merengue à l’Euro oblige ainsi Didier Deschamps à repenser sa ligne d’attaque.

Le 17 février, la juge d’instruction en charge du dossier a décider de lever partiellement le contrôle judiciaire imposé au buteur du Real. S’il n’a pas encore le droit de rentrer en contact avec les autres personnes mises en examen, l’ex-prodige de l’Olympique lyonnais (1997-2009) peut à nouveau côtoyer Mathieu Valbuena, victime dans cette affaire. Le parquet a fait appel de cette décision et ce recours sera examiné, vendredi 4 mars, par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles.

« Il n’est pas aujourd’hui à disposition de Didier. Moi, vous savez je suis un fan, j’aime beaucoup ce garçon, bien sûr, je préférerais que cette affaire prenne une autre dimension beaucoup plus modeste. Mais c’est à la justice de trancher », a déclaré Noël Le Graët sur RTL, le 1er mars. « Si vous me demandez mon avis sur un plan sportif, j’ai envie d’avoir la meilleure équipe, et donc d’avoir les meilleurs joueurs. Mais il y a un volet judiciaire qui est là. Il faut attendre », avait indiqué Didier Deschamps, le 21 février, sur le plateau du « Canal football club ».

Victime d’une lésion musculaire, le 27 février, Karim Benzema devrait être absent entre trois semaines et un mois et ne sera, dans tous les cas, pas retenu par le sélectionneur des Bleus pour les rencontres amicales programmées à la fin mars. Si le Merengue et Mathieu Valbuena étaient finalement confrontés, « DD » prendra-t-il le risque de sélectionner, en mai, un joueur mis en examen pour l’Euro ? Inculpé en 2010 dans le cadre de l’affaire Zahia, Karim Benzema avait été constamment retenu par Laurent Blanc et son successeur jusqu’à ce qu’il soit blanchi, en janvier 2014.

Décevant sous les couleurs de l’Olympique lyonnais, mis à l’écart par précaution par Didier Deschamps en novembre 2015, Mathieu Valbuena (52 sélections, 8 buts) semble, lui, avoir pâti de cette affaire sur le plan sportif. Au point de manquer l’Euro ? « Je n’oublie pas ce que Mathieu a fait en sélection, il a toujours été très performant. Aujourd’hui, cette affaire l’a conditionné psychologiquement et altéré ses performances avec l’OL, mais ça reste un joueur de haut niveau », a récemment confié le sélectionneur, elliptique.

  • Des certitudes… et quelques interrogations à chaque ligne

Paul Pogba et Raphaël Varane, en novembre 2014. | FRANCK FIFE / AFP

Sous contrat jusqu’au terme du Mondial 2018, Didier Deschamps ne sera pas assailli par le doute à l’heure de faire ses choix pour l’Euro. En ce qui concerne les gardiens de but, le capitaine Hugo Lloris, convaincant avec les Londoniens de Tottenham, reste le numéro 1. Il est talonné de près par son éternelle doublure, le Marseillais Steve Mandanda, stratosphérique cette saison. Le Rennais Benoît Costil est en pôle pour la place de « remplaçant du remplaçant », mais l’éclosion du jeune Alphonse Areola, 23 ans, performant avec Villareal, le menace directement.

En défense centrale, Didier Deschamps peut s’appuyer sur la solidité du Merengue Raphaël Varane, 22 ans. Qui épaulera le surdoué du Real durant l’Euro ? L’expérimenté Laurent Koscielny, régulier avec Arsenal, est en balance avec Mamadou Sakho, inégal avec Liverpool. Eliaquim Mangala (Manchester City), Mapou Yanga-Mbiwa (OL) et le talentueux Aymeric Laporte (Athletic Bilbao), pour l’instant snobé par « DD », tenteront de grimper dans le train à temps.

Sur l’aile droite de la défense, le chevronné Bacary Sagna (33 ans) paraît promis à une place de titulaire en vertu de sa régularité avec Manchester City. L’ex-Auxerrois a une bonne longueur d’avance sur le Lyonnais Christophe Jallet et Mathieu Debuchy, longtemps blessé mais prêté cet hiver à Bordeaux par Arsenal. A gauche, le vétéran Patrice Evra (34 ans), titulaire à la Juventus Turin, semble incontestable. Car ses successeurs, Lucas Digne (AS Rome) et Layvin Kurzawa (PSG), tardent à confirmer. Tranchant avec le FC Séville, Benoît Trémoulinas garde bon espoir d’être retenu par le sélectionneur.

Dans l’entrejeu, le triangle formé par Lassana Diarra (OM), Paul Pogba (Juventus Turin) et Blaise Matuidi (PSG) devrait débuter l’Euro. Relégués sur le banc, Yohan Cabaye (Crystal Palace), Moussa Sissoko (Newcastle) et Morgan Schneiderlin (Manchester United) conservent néanmoins la confiance du sélectionneur. « DD » serait d’ailleurs bien inspiré de surveiller les bonnes performances du Franco-Malien N’golo Kanté, 24 ans, qui porte à bout de bras Leicester, surprenant leader de la Premier League anglaise.

Devant, Antoine Griezmann, étincelant avec l’Atlético Madrid, Olivier Giroud (Arsenal) et Anthony Martial (Manchester United) sont assurés d’être convoqués pour l’Euro. Confronté au « cas Benzema-Valbuena », Didier Deschamps suit attentivement les prestations d’Alexandre Lacazette, bien revenu avec l’OL, d’André-Pierre Gignac, en très grande forme avec le club mexicain des Tigres UANL et de Hatem Ben Arfa (Nice). Blessé depuis septembre et annoncé sur le retour pour avril, le Lyonnais Nabil Fekir a une carte à jouer. Promis à un brillant avenir en sélection et étourdissant avec le Bayern Munich, Kingsley Coman, 19 ans, pourrait lui aussi être convoqué. Très en verve avec West Ham, Dimitri Payet n’a toutefois plus été appelé par Didier Deschamps depuis juin 2015. Il semble ne plus se faire beaucoup d’illusions sur son sort en fin de saison.