Pour bien les compter, il faut savoir définir précisément ce que sont les paradis fiscaux. | Norma Monette / CC-BY-SA 2.0.

C’est l’une des conséquences majeures des « Panama papers » en France pour l’instant ; Michel Sapin, le ministre du budget, l’a redit à l’Assemblée nationale : le Panama réintégrera la liste noire des pays considérés comme non coopératifs en matière de transparence financière.

Une liste de laquelle le Panama avait été retiré en 2012, à l’instigation du président de la République d’alors, Nicolas Sarkozy.

Le Panama viendra donc s’ajouter à nouveau à s’ajouter de nouveau au Botswana, à Brunei, au Guatemala, aux îles Marshall, à Nauru et à Niue.

A quoi sert une liste noire ?

Cette liste, stricto sensu, n’est pas une liste des paradis fiscaux, c’est une liste des pays et territoires non coopératifs, donc n’ayant signé avec la France aucune convention fiscale (c’est-à-dire un accord bilatéral sur la transmission de données fiscales, permettant notamment d’éviter la double imposition des résidents de deux pays).

Une liste noire (ou grise) détermine le niveau de coopération avec les pays tiers : par exemple, le Panama, en perdant cette convention fiscale, redevient assujetti à un régime fiscal très pénalisant, qui rend difficile pour les entreprises françaises de conclure des contrats avec le petit Etat d’Amérique centrale et de répondre à des appels d’offres locaux.

Concurrence entre les listes

Au niveau européen, le Panama est toujours sur la liste établie en juin 2015 par Pierre Moscovici, le commissaire européen à l’économie et à la fiscalité, grâce au travail commun des pays membres qui ont pointé les pays tiers qu’ils considéraient comme les plus déviants en matière de coopération fiscale. C’est à partir de ces listes nationales qu’a été établie cette liste noire paneuropéenne.

En réaction au scandale des « Panama papers », Pierre Moscovici a annoncé le 6 avril, devant un petit groupe de journalistes, qu’il voulait mettre en chantier « une véritable liste noire, européenne, commune, des paradis fiscaux ».

Cette nouvelle liste s’ajouterait aux listes existantes des pays et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), alors même que la liste paneuropéenne de 2015 avait déjà fait grincer des dents. En effet, certains Etats (le Liechtenstein, Guernesey, les Bermudes, l’île Maurice) venaient de s’engager à pratiquer l’échange automatique de données fiscales à l’horizon 2017 ou 2018 – et donc, théoriquement, à faire tomber leur secret bancaire.

Comment compte-t-on les paradis fiscaux ?

Pour bien les compter, il faut savoir définir précisément ce que sont les paradis fiscaux. Et pour ce petit jeu, plusieurs méthodes existent. La France dispose d’une liste de territoires non coopératifs plutôt courte, avec six pays. A titre de comparaison, le Portugal compte 82 pays sur sa liste.

Au niveau international, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements dresse une liste des pays ne respectant pas ou peu les standards internationaux d’échange d’informations bancaires. Ces standards, définis par l’OCDE, sont les normes les plus utilisées aujourd’hui dans le monde.

La liste du Forum contient une évaluation de la législation de 122 pays (parmi ses membres uniquement ; les autres apparaissent en gris sur la carte ci-dessous).

Etat des lieux des législations sur les échanges d'information fiscales
Parmi les pays membres du Forum mondial sur la transparence

La liste évalue leur degré de conformité à ces standards (conforme, plutôt conforme, partiellement conforme, pas du tout conforme). Au 14 mars 2016, 16 pays ne respectent que partiellement les règles mondiales.

Mais cette liste ne concerne que la législation du pays et ne dit pas quel est le degré de coopération des Etats lorsqu’il s’agit d’échanger des informations bancaires avec l’administration fiscale. Les îles Vierges britanniques ou le Panama, par exemple, ont su réformer leur législation de façon à les rendre plus conformes aux standards, mais la coopération avec les autorités de ces pays reste largement insatisfaisante.

La fin des listes ?

Il faut noter que les listes noire et grise tenues par l’OCDE depuis 2009 ne contiennent plus aucun Etat et ne sont plus valables depuis l’avènement de la liste du Forum mondial, comme l’a confirmé au Monde Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE.

Pour Eric Alt, magistrat et vice-président d’Anticor, « les listes des paradis fiscaux sont devenues un exercice ridicule. En 2013, le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs censuré des dispositions qui ajoutaient à la liste des paradis fiscaux les Etats refusant de conclure avec la France une convention d’assistance administrative incluant l’échange automatique des documents. Dès lors, cette liste ne peut pas être significative ».

En fait, c’est avant tout symbolique. Ces fameuses listes servent à mettre la pression sur les pays, comme l’expliquait M. Moscovici il y a un an :

« Dans un rapport publié en 2000, l’OCDE avait identifié plusieurs paradis fiscaux. Dans les dix-huit mois qui ont suivi, 31 de ces juridictions ont officiellement pris l’engagement de mettre en œuvre les principes existant en matière de transparence et d’échange effectif de renseignements en matière fiscale. En 2009, l’OCDE avait de nouveau publié trois listes de paradis fiscaux, dans la foulée de la décision du G20 de sanctionner ces juridictions. Plusieurs d’entre elles s’étaient engagées formellement à corriger leurs pratiques dans un délai de quelques semaines. »

Une démarche qui tend donc à céder la place aux négociations ; reste toutefois que certains pays résistent et n’ont toujours pas accepté l’échange automatique d’informations. Actuellement, 96 pays ont accepté l’échange automatique d’informations.