A quoi l’Ile-de-France ressemblerait-elle en cas de crue ?
Durée : 08:33

Dans les prochaines heures, la hauteur de la Seine au pont d’Austerlitz, à Paris, est susceptible de passer au-delà de 7,2 m. Circulation normale sur les réseaux TER et Intercités, mais trafic interrompu sur la ligne C du RER et fortement perturbé sur les lignes A et B. De nombreux tronçons routiers et ponts sont impraticables ou inaccessibles en Essonne, Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis. Les hôpitaux de Créteil et Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) sont privés d’électricité. Le centre d’incinération d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) est hors d’usage, les collectes de déchets ménagers doivent être détournées…

Depuis lundi 7 mars au matin, services de la préfecture de police de Paris, personnel des communes bordant la Seine et la Marne, opérateurs téléphoniques ou encore hôpitaux vivent au rythme des bulletins de situation diffusés au fil de la montée des eaux. Maisons de retraite et écoles fermées, logements inondés, électricité coupée, distribution en eau potable interrompue, transports bloqués, services publics perturbés : à mesure que le niveau du fleuve s’élève, les conséquences s’aggravent dans la région, et l’effervescence s’accroît partout pour limiter autant que faire se peut les dégâts, maintenir l’activité des services vitaux et organiser la protection des Franciliens.

Voir notre visuel interactif : Que se passerait-il en cas de crue majeure en Ile-de-France ?

Scénario catastrophe

C’est au scénario catastrophe d’une crue centennale identique ou supérieure à la grande crue de 1910 que Paris se prépare. Du 7 au 18 mars, avec le soutien de l’Union européenne, la préfecture de police organise un exercice grandeur nature de gestion de crise, « EU Sequana 2016 », pour tester la réactivité de tous les acteurs concernés. Une opération hors norme à laquelle prendront part 87 institutions et entreprises (Assistance publique - Hôpitaux de Paris, Banque de France, EDF, RATP, SNCF, Orange, Veolia…), mais aussi six communes, l’ensemble des ministères et l’armée. Elle mobilisera dans cinq départements 150 policiers, et 900 sauveteurs dont certains viendront d’Italie, d’Espagne, de Belgique et de République tchèque. Et cette simulation géante se déroule sous le regard d’une trentaine d’observateurs européens.

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Certes, il ne s’agit que de simulation, pour l’instant. Mais si la population ne veut aujourd’hui pas y croire, le scénario d’une crue centennale de la Seine se reproduira, c’est une certitude. Une telle crue affectera directement ou indirectement près de 5 millions d’habitants d’Ile-de-France, dont 500 000 à évacuer, et pourrait causer, selon un diagnostic publié au début de 2014 par l’Organisation de coopération et de développement économiques, jusqu’à 30 milliards d’euros de dommages directs. La seule incertitude : quand cela arrivera-t-il ?

« Hors attentats, le risque d’inondation constitue le premier risque majeur susceptible d’affecter l’Ile-de-France. Car il concerne tous les réseaux structurants : eau, transports, santé, énergie, téléphone, électricité… », rappelle-t-on au secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de la préfecture de police. Cette-dernière tient à préciser que les scénarios de l’exercice, pour bluffant de réalisme qu’ils soient, ne sont que des hypothèses de travail. Il n’est pas possible en effet de tout anticiper et planifier, un tel événement naturel comportant beaucoup d’imprévus.

Opérations concrètes de terrain

La simulation consiste en un exercice sur table essentiellement, l’ensemble des acteurs communiquant entre eux à travers un réseau dédié et un logiciel partagé de gestion de crise. Ecoles, hôpitaux, routes, métro… ne vont pas en effet être réellement fermés, évacués ou bloqués. Le scénario de l’exercice, qui rythmera l’activité des différentes cellules de crise mises en place par les opérateurs, a néanmoins été élaboré à partir de faits réels et suivra une montée des eaux de la Seine, de la Marne et de l’Yonne, au rythme de 50 cm puis 1 m par jour, pour atteindre un territoire de 500 km2 sous les eaux.

Ce faisant, des opérations concrètes de terrain (opération de dépollution, sauvetage sur un site d’éboulement avec hélitreuillage, évacuation d’une maison de retraite, sauvetage d’une péniche…), sont aussi prévues sur différents sites en Ile-de-France au cours du week-end des 12 et 13 mars.

Crue de la Seine le 28 décembre 2010, à Paris. | PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

« Impliquant un grand nombre d’acteurs comme cela ne s’est jamais fait, l’objectif majeur de Sequana est de tester la capacité de réaction des différents opérateurs, et surtout à se coordonner, insiste le préfet Michel Cadot. Car si la plupart ont conçu un plan de continuité d’activité en cas de crue, l’interdépendance de tous ces plans n’a jamais été travaillée. Et cette capacité sera éprouvée en phase de crue comme en phase de décrue, de retour à la normale. » Une sortie de crise qui dans la réalité prendra du temps – des mois sans doute – et implique des opérations étroitement coordonnées entre les différents opérateurs, le métro pour ne prendre qu’un exemple ne pouvant redémarrer qu’une fois l’électricité rétablie.

Sensibiliser les populations

France Bleu 107.1 et France 3 Ile-de-France, radio et chaîne officielles en cas de crise majeure, joueront le jeu de basculer en édition spéciale, en diffusant flashs d’information et consignes aux Franciliens. Ces messages ne seront transmis que sur le réseau reliant tous les partenaires de l’opération, pour mettre leurs agents et salariés dans l’ambiance. La préfecture de police communiquera néanmoins sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook) à travers des messages décrivant les actions et temps fort de l’exercice.

Car l’exercice a aussi pour vocation de sensibiliser les populations au risque d’inondation. « L’objet n’est pas de créer de l’anxiété, précise le préfet de police Michel Cadot, mais de favoriser une prise de conscience du risque, d’inciter les habitants à prendre la mesure des conséquences d’une crue majeure et s’y préparer. Cette sensibilisation se fera notamment à l’échelle des communes impliquées dans l’exercice. » S’exprimant lundi matin devant les acteurs partenaires de l’exercice Sequana, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a insisté sur la nécessité de « développer une véritable culture du risque » au sein de la population.

Au cours du week-end des 12 et 13 mars, le public pourra ainsi assister aux différentes manœuvres réelles organisées dans plusieurs villes. Et un site d’information sera aménagé sur le Champ de Mars, où un film en 3D de simulation d’inondation sera diffusé et des ateliers et jeux permettront de tester sa vulnérabilité à la crue.

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