Devant le capitole à San Juan, la capitale du territoire de Porto Rico. | Ricardo Arduengo / AP

Porto Rico a franchi une nouvelle étape dans la crise de la dette que l’île traverse depuis maintenant près d’une décennie. Le gouverneur du territoire, Alejandro Garcia Padilla, a en effet annoncé, dimanche 1er mai, que la banque de développement gouvernementale (GDB) ne rembourserait pas une dette de 422 millions arrivée à échéance (366 millions d’euros).

« Face à l’incapacité de répondre aux demandes de nos créanciers et les besoins de notre peuple, je devais faire un choix », a-t-il déclaré, lors d’une allocution, ajoutant : « J’ai décidé que vos besoins de base étaient plus importants que quoi que ce soit d’autre. » Ecoles et hôpitaux étaient en effet menacés de fermeture, faute de moyens.

Le territoire de 3,5 millions d’habitants, qui a le statut d’Etat associé avec les Etats-Unis est confronté à une gigantesque dette de 72 milliards de dollars (près de 62,5 milliards d’euros). Si le moratoire qui vient d’être annoncé n’est pas le premier défaut de l’île – il s’agit en fait du troisième depuis 2015 –, il est de loin le plus important.

Les Portoricains fuient en masse

A l’origine de cette situation, la décision des Etats-Unis en 2006 de supprimer les crédits d’impôt octroyés aux entreprises pour les inciter à investir sur l’île. La fin de cet avantage fiscal a provoqué le départ de milliers d’emplois. La crise financière de 2008 n’a fait qu’accélérer ce processus.

Face à une économie complètement déstabilisée, le territoire n’a eu d’autre choix que de recourir à la dette pour couvrir les déficits budgétaires. Le pays a également tardé à faire des réformes structurelles. Par exemple, le coût du travail pèse sur la création d’emploi. Le salaire minimum est ainsi aligné sur les Etats-Unis, alors que le revenu médian des ménages est de 65% inférieur.

Cette fuite en avant est aujourd’hui en train d’atteindre ses limites. Aujourd’hui 45 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (contre 16 % dans l’ensemble des Etats-Unis), le chômage dépasse les 12,2 % (contre 5 %). Du coup, les Portoricains fuient en masse. Chaque semaine, ils sont plus de 1 500 à partir pour les Etats-Unis pour échapper à la crise économique.

Cette hémorragie de population ne fait que réduire encore un peu plus des recettes fiscales déjà mal en point. Désormais, environ un tiers de l’impôt prélevé sert à rembourser la dette. Dans ce contexte, l’Etat ne peut plus assurer les services publics de base tout en continuant à rembourser ses créanciers.

« Procédure de restructuration »

La situation est devenue d’autant plus incontrôlable que les obligations émises par Porto Rico bénéficient d’une exonération d’impôt fédéral. Tout détenteur américain y a droit comme s’il s’agissait de n’importe quel titre de dette émis par un Etat fédéré ou une municipalité des Etats-Unis. Malgré le risque élevé que représentaient ces investissements, quantité de fonds spéculatifs se sont empressés d’en remplir leur portefeuille, attirés qu’ils étaient par des rendements élevés, à l’abri de l’impôt.

Mais cet alignement juridique de Porto Rico avec les Etats-Unis a ses limites, car le territoire n’a pas la possibilité, contrairement à ce qu’a été fait pour la municipalité de Detroit (Michigan) en 2013, de se mettre sous la protection du chapitre 9 du code des faillites américain.

Le gouverneur ne cesse de demander depuis des mois au Congrès les moyens de restructurer sa dette. « Nous ne voulons pas d’un sauvetage financier, et on ne nous a pas proposés de sauvetage financier, ce que nous voulons c’est une procédure de restructuration qui ne coûtera rien aux contribuables américains », a rappelé M. Garcia Padilla.

Un texte est bien actuellement en préparation, mais il est toujours au point mort. Le président de la Chambre des représentants Paul Ryan pousse républicains et démocrates à trouver rapidement un cadre dans lequel Porto Rico serait capable de restructurer sa dette, sans quoi, les Etats-Unis pourraient être obligés de renflouer le territoire.

Tandis que les premiers sont notamment favorables à des baisses substantielles des retraites, les seconds prônent des solutions moins radicales. Le temps presse, car la prochaine échéance de remboursement pour un montant de 2 milliards de dollars est fixée au 1er juillet. « Pour le moment, nous ne prévoyons pas d’avoir l’argent », a averti M. Garcia Padilla.