Dans un établissement privée de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), en janvier 2015. | Corinne SIMON/CIRIC

Dossier spécial Classement des lycées 2016. « Les parents sont écoutés », « les élèves cadrés », « les enseignants moins absents… ou mieux remplacés »… Qui ne les a pas déjà entendues, ces a priori favorables qui poussent les familles à venir frapper à la porte du privé ? A ce ressenti, les indicateurs de valeur ajoutée des lycées (IVAL) apportent une assise arithmétique : parmi les 195 lycées généraux et technologiques qui affichent, au baccalauréat 2015, un taux de réussite brut de 100 %, pratiquement 90 % relèvent du privé, selon nos calculs.

Dans le classement que Le Monde propose, ce sont 38 lycées privés qui s’imposent parmi les 50 premiers. Et même parmi les lycées champions de la « valeur ajoutée » – ceux qui, par définition, ne pratiquent pas (ou peu) de sélection, mais mènent au baccalauréat des jeunes qui, statistiquement, avaient peu de chances d’y accéder –, le privé tire étonnamment son épingle du jeu : sur cette petite cinquantaine de lycées, une douzaine relèvent de l’enseignement catholique.

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Peut-on pour autant s’autoriser à comparer les offres pédagogiques ? La mise en concurrence semble dépassée : depuis quinze ans déjà, on sait qu’une famille sur deux a recours, au moins une fois durant la scolarité de ses enfants, à l’enseignement privé. Un zapping assumé… ou presque : les débats sur les bénéfices comparés du public et du privé s’invitent bien souvent lors des repas de famille.

« Le privé opère une sélection par le niveau et l’argent… mais aussi par la motivation »

Les adversaires du privé ont un argument phare à faire valoir : ces établissements sont libres de leur recrutement. Ils choisissent leurs élèves… comme leurs enseignants. Et cela compte, dans un pays où les enfants de cadre ont neuf fois plus de chances de décrocher un baccalauréat scientifique que ceux d’ouvrier. « Le privé opère une sélection par le niveau et l’argent… mais aussi par la motivation », nuance le sociologue François Dubet, pour qui « faire le choix du privé implique un investissement familial très fort. Cela transcende les inégalités sociales et scolaires, et permet d’aller au-delà de l’aspect un peu caricatural de la comparaison. On voit bien, dans les milieux modestes qui se tournent vers le privé, combien les attentes à l’égard de l’école sont fortes ». Or, qui peut contester que l’implication parentale compte parmi les clés du succès ?

Ces clés sont aussi « de structure, liées à l’histoire », souligne Bruno Poucet, auteur de La liberté sous contrat. Une histoire de l’enseignement privé (Fabert, 2009). A commencer par la taille de l’établissement. « Dans le public, la moyenne est de 1 000 élèves par établissement, dans le privé de 420 », déclare-t-il. Or, ajoute-t-il, un établissement plus petit entraîne une plus grande facilité d’encadrement et de suivi des élèves.

Plus de marge de manœuvre

L’explication est-elle aussi à rechercher dans les moyens ? Dans les lycées privés sous contrat, où les enseignants sont également rémunérés par l’Etat, les coupes dans les effectifs sont aussi durement ressenties que dans le public. Cela étant dit, les familles, appelées à contribuer financièrement à la bonne marche des établissements, ont, elles, souvent le sentiment d’une marge de manœuvre plus élevée, d’une direction et d’une autonomie plus assumées. D’une souplesse accrue, aussi, permettant d’innover, d’expérimenter…

Pour éviter d’alimenter une guerre scolaire dont la France a déjà beaucoup souffert, peut-on s’échanger les « recettes » ? Pas sûr : le rapport des inspections générales sur le sujet, remis en juillet 2015, a rappelé qu’il n’existe aucune solution miracle. La réussite d’un lycée relève d’une « construction complexe » qui ne peut être pensée hors sol. « Pour avancer, peut-être peut-on déjà arrêter de feindre l’indignation quant à la mise en concurrence des deux secteurs, lâche M. Dubet. C’est oublier que les familles qui ont les codes de l’école exercent aussi leur choix d’établissement dans le public ! »