L’Anses a identifié 31 composés volatils dangereux présents dans les meubles, qu’elle préconise d’interdire prioritairement. | PASCAL GUYOT / AFP

Si le signalement des polluants volatils émis par tous les produits de construction et de décoration (cloisons, revêtements de sols, isolants, peintures ou encore vernis) est obligatoire depuis le 1er septembre 2013, ce n’est toujours pas le cas pour l’ameublement. Les meubles ne sont pourtant pas moins une source de pollution des environnements intérieurs. « Les meubles sont constitués de multiples matériaux qui peuvent être traités, décorés ou protégés et peuvent émettre de multiples substances volatiles ou semi-volatiles », rappelle l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) dans un rapport d’expertise remis le 14 septembre sur lequel le gouvernement est censé s’appuyer pour mettre en place un système d’étiquetage des produits d’ameublement.

Face au retard pris dans ce secteur, le Plan de la qualité de l’air intérieur de 2013, repris dans le troisième plan national santé environnement (PNSE 3), préconise, dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’étiquetage obligatoire à l’horizon de 2020, de développer un accord volontaire avec les professionnels du meuble et les collectivités, avec l’objectif que « 80 % des meubles pour enfants soient étiquetés ».

Polluants classés cancérogènes

Les résultats alarmants de l’expertise de l’Anses montrent qu’il y a urgence à agir. Bois, métaux, plastiques, matériaux composites, mousses de polyuréthane et de latex, textiles, cuirs, etc : autant de matériaux servant à la fabrication de meubles et qui peuvent être collés, peints, teints, vernis, cirés, traités contre les départs de feu, les insectes, les champignons, les acariens… « Au moins 661 substances ont été recensées et sont considérées comme potentiellement émises par les produits d’ameublement », commercialisés en France, souligne l’Anses qui ne cache pas avoir rencontré des difficultés à obtenir des données auprès des industriels.

« Sur la base de la dangerosité et de leur possibilité d’être émises par des produits d’ameublement, 41 substances ont été identifiées comme substances d’intérêt, dont 31 prioritaires », précise l’Agence. Tous ces polluants sont classés cancérogènes, mutagènes, et/ou toxiques pour la reproduction par la réglementation européenne et/ou le Centre international de recherche sur le cancer, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé.

Lire aussi : La pollution de l’air intérieur tue et coûte cher à la France

Parmi ces 31 substances, 21 ont d’ores et déjà fait l’objet d’une proposition par l’Anses de concentrations limites d’intérêt (CLI), dont l’objectif est de prévenir la survenue d’effets sanitaires lors d’une exposition à long terme. Ces valeurs limites doivent faciliter l’adoption de mesures par les décideurs.

« Substitution de ces substances »

En conclusion de son avis, l’Anses souligne la « nécessité de limiter l’exposition de la population à ces substances ». L’agence préconise à terme de les interdire « dans l’objectif d’éviter la mise sur le marché de tout produit d’ameublement pouvant induire une exposition à ces polluants, quelle qu’en soit la concentration ».

« Dans un souci de santé publique, la priorité doit être d’engager des actions de substitution de ces substances, notamment pour celles qui sont cancérogènes certains », insiste Guillaume Boulanger de l’unité d’évaluation des risques liés à l’air de l’Anses, précisant qu’« en parallèle » les travaux sur l’étiquetage doivent avancer. D’autant que la signalisation peut jouer un rôle incitateur auprès des industriels, selon le scientifique : « Dans le secteur des produits de construction et décoration, l’étiquetage, sur fond de compétitivité, a eu un effet d’entraînement, poussant les entreprises à supprimer les substances les plus polluantes. »