François Hollande lors d'une visite à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière à Paris le 6 avril 2016. | JEAN CLAUDE COUTAUSSE/FRENCHPOLITICS POUR "LE MONDE"

Un président expliquant son action sous la forme d’un dialogue direct avec des Français, dans l’espoir de rebondir avant la fin de son mandat : tel est le tableau, pas tout à fait inédit, que l’émission « Dialogue citoyen » devrait offrir, jeudi 14 avril, sur France 2. Quatre « témoins » ont été sélectionnés pour échanger avec le chef de l’Etat, dans un dispositif qui prévoit aussi la présence de trois journalistes : David Pujadas, Karim Rissouli et Léa Salamé.

« La volonté initiale de l’Elysée, c’était que le président soit face à des Français », explique un journaliste de la chaîne. « C’est un classique », sourit un autre. Depuis l’émission fondatrice « Ça nous intéresse, monsieur le Président », conçue par Jacques Pilhan pour François Mitterrand en 1985, tous les présidents se sont prêtés à l’exercice. Cette intention a croisé celle de France Télévisions d’introduire davantage de « citoyens » dans ses émissions politiques – le directeur exécutif chargé de l’information, Michel Field, admet qu’il s’agit d’une de ses « marottes ».

Les quatre témoins incarnent les thèmes retenus pour l’émission : le travail, le terrorisme et la crise démocratique. Anne-Laure Constanza est une chef d’entreprise qui a fondé Envie de fraises, une PME de vente de vêtements pour femmes enceintes. Electrice de Nicolas Sarkozy en 2012, elle estime que diriger une société donne « l’impression de courir un marathon avec dix kilos aux pieds ». Autre invitée, Véronique Roy est la mère d’un djihadiste converti, parti en Syrie et mort en janvier. Marwen Belkaid est un blogueur de gauche revendiqué et un soutien du mouvement Nuit debout. Un électeur du FN complétera le panel.

Accusations de pressions de l’Elysée

Ce casting a fait l’objet d’une polémique après que deux témoins initialement pressentis ont été écartés, une semaine avant l’émission : un éleveur de porcs breton, Nicolas Le Borgne, et une déléguée syndicale Force ouvrière (FO) du volailler Doux, Nadine Hourmant, habituée des passages à l’antenne.

M. Field a expliqué au Monde que le passage de six à quatre invités était lié au constat qu’« avoir moins de citoyens permettait d’avoir un vrai dialogue » et que le thème de la crise agricole, auquel ces deux témoins étaient rattachés, n’avait pas été retenu.

Mais Mme Hourmant a affaibli cette version, en expliquant qu’elle devait en fait parler de la loi travail – ce que Le Monde a pu vérifier. Des sources internes à France Télévisions reprochent à M. Field d’avoir cédé à des pressions de l’Elysée, ce qu’il dément. Sur Europe 1, une source élyséenne a affirmé : « A aucun moment, nous ne sommes intervenus dans la composition du panel pour interroger François Hollande. »

Michel Field contesté

Reste que l’Elysée a pu prendre connaissance des « grands équilibres » de l’émission, de son « squelette », des noms des invités ainsi que du public, pour « des raisons de sécurité », selon M. Field. Celui-ci affirme que la place laissée aux témoins a été au cœur de ses échanges avec l’Elysée et revendique avoir défendu un équilibre entre eux et les journalistes.

« En accord avec nous, ils ont réduit le temps de dialogue avec les Français pour que le président passe plus de temps à aborder l’actualité avec les journalistes », a assuré au Canard enchaîné le conseiller communication de l’Elysée, Gaspard Gantzer.

Cette polémique survient alors que les méthodes managériales de M. Field sont très contestées dans la rédaction. Les trois sociétés de journalistes (France 2, France 3 et Francetv Info) ont appelé à une assemblée générale, jeudi, qui pourrait discuter du principe d’une motion de défiance contre le directeur. Et fait redouter à certains un parasitage de l’émission.