Le premier ministre, Manuel Valls, a salué le rapport du député socialiste Christophe Sirugue. | ALAIN JOCARD / AFP

« Une sorte de revenu minimum d’existence. » C’est en ces mots que le député socialiste Christophe Sirugue a résumé sa proposition de fusion des minima sociaux dans une allocation unique, versée sous conditions de ressources à partir de 18 ans. D’un montant de 400 euros, elle serait complétée si le bénéficiaire est une personne âgée, handicapée ou en situation d’insertion professionnelle. Une proposition qui n’est pas sans rappeler le revenu universel de base. Le premier ministre a d’ailleurs dit vouloir ouvrir « un grand débat » sur le sujet.

  • Qu’est-ce que le revenu universel de base ?

Revenu de base, universel ou d’existence, le principe a plusieurs noms et une définition : « C’est une somme d’argent que chacun reçoit indépendamment de qui il est », explique l’économiste Samuel Bendahan. Enfants, étudiants, salariés, autoentrepreneur, chômeur ou retraité, tout le monde y a droit, sans condition ni contrepartie.

Une définition claire, mais qui ne précise pas le montant de cette « somme d’argent ». « C’est le problème avec ce concept. Il peut être perçu comme un revenu d’existence ou comme un complément de salaire », dit Samuel Bendahan. Or à chaque montant correspond une vision bien particulière du revenu universel.

  • Une définition et plusieurs visions

« C’est une vieille histoire écrite par des libéraux et des gens plus étatistes. Le concept a une double racine », raconte l’économiste Jacques Bichot. Les partisans du revenu universel ont donc des arguments et des objectifs différents.

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Protéger le travailleur et encourager l’initiative

Du côté de la vision « étatiste », le concept de revenu de base repose sur l’idée selon laquelle l’Etat providence doit assurer à tous ses membres un minimum vital. Dans cette conception, le montant du revenu doit donc être suffisant pour vivre, et par la même occasion, permettre l’émancipation des travailleurs. « C’est une façon de s’affranchir du pseudo-esclavagisme qu’est le travail », explique Samuel Bendahan. Assuré d’un revenu, le citoyen n’est plus dépendant du travail, et ainsi du patronat. Une façon de renverser les rapports de force.

Dans certains courants de pensée, le revenu universel a aussi pour objectif de reconnaître qu’on peut apporter à la société et créer de la valeur au-delà de l’entreprise. « Aujourd’hui, beaucoup de gens, avec le bénévolat par exemple, créent de la valeur sans avoir d’équivalent en termes d’argent. Le revenu universel est une incitation à l’initiative personnelle », développe Samuel Bendahan.

Réduire l’intervention de l’Etat et libéraliser le travail

Pour d’autres partisans du revenu universel, l’objectif est de simplifier au maximum le système d’aide social et de réduire l’intervention de l’Etat. Dans cette vision, l’allocation versée vient remplacer toutes les autres systèmes de redistribution, des retraites à l’assurance maladie.

Avec une aide unique, moins de fonctionnaires pour gérer le système social, et moins d’étatisme. Une fois l’allocation en poche, charge à chacun de se tourner vers des organismes privés pour assurer sa protection.

Autre argument des libéraux, la libéralisation du marché du travail. Si chacun reçoit une allocation mensuelle lui permettant de survivre, plus besoin d’outils comme le smic pour sécuriser les travailleurs. Enfin, puisqu’il est versé aux travailleurs comme aux chômeurs, le revenu de base inciterait au travail.

S’adapter au marché du travail

Au-delà des clivages idéologiques, l’évolution du marché du travail fait grossir les rangs des partisans du revenu universel. Dans un rapport sur les mutations du travail à l’heure du numérique, publié en janvier, le Conseil national du numérique (CNNum) proposait d’évaluer le bien-fondé du revenu universel.

Partant du constat que le développement du numérique fera disparaître des emplois intermédiaires et qu’avec l’automatisation, il n’y aura pas assez de travail pour tout le monde, le CNNum jugeait « absolument nécessaire de se poser la question aujourd’hui pour y répondre demain ».

L’« uberisation » donne également plus de poids aux arguments des pour. Le revenu universel serait une façon de s’adapter à une société où le salariat ne serait plus la norme. Une façon d’assurer une protection sociale qui n’est plus garantie par les cotisations patronales, et d’inciter à l’entreprenariat.

  • Comment le financer ?

« Si on choisit la vision libérale, on peut financer le dispositif par la suppression de toutes les autres aides », explique Jacques Bichot. Problème, « une prestation ne peut pas remplacer tout ce qui existe. S’il y a des aides différenciées, c’est qu’il y a des objectifs différents, chacune a son intérêt propre ».

« C’est enlever aux plus précaires pour donner à tous », renchérit Samuel Bendehan. Et sans réellement donner à chacun assez pour vivre, puisque les citoyens devront assumer le coût du démantèlement de la protection sociale.

« A l’inverse, conclut l’économiste, si on ne supprime pas les autres aides, où trouver l’argent pour verser 800 euros par mois à chaque citoyen ? C’est impossible. »

Le revenu universel, est-ce une bonne idée ?
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