L'amphithéâtre Cujas de la faculté de droit de l'université Toulouse-I Capitole. | UTC1

A l’université, le contrôle continu intégral, sans possibilité de rattrapage, est-il repoussé aux calendes grecques avant même d’avoir été expérimenté ? C’est ce qu’a laissé entendre le secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche, Thierry Mandon. Le 22 avril, il annonçait à Educpros renoncer à une expérimentation du contrôle continu intégral, qui éliminerait le filet de sécurité d’une épreuve de rattrapage. Une déclaration qui a suscité « l’énervement » de Jean-Loup Salzmann, président de la conférence des présidents d’université (CPU), qui demande au gouvernement une ligne politique et de la constance.

Le rattrapage est un droit depuis un arrêté dit « Bayrou » de 1997. Pourtant, depuis la réforme licence-master-doctorat (LMD), les ministres successifs poussent pour la généralisation du contrôle continu. Un dispositif auquel les présidents d’université adhèrent dès lors qu’il n’est pas cumulatif. Contrôle continu ou examens finaux, il faudrait choisir selon la CPU.

Pas de suppression de rattrapage à la rentrée

« Pour des raisons de moyens financiers, des questions logistiques, nous ne pouvons pas maintenir un système de contrôle sur toute une année et parallèlement mobiliser l’université pendant un mois pour l’organisation d’examen », affirme au Monde.fr M. Salzmann. L’intérêt de l’évaluation continue est partagé par le Syndicat national de l’enseignement supérieur, qui souligne dans un communiqué qu’elle « permet de repérer le plus rapidement possible une lacune de l’étudiant, une démarche inappropriée, et d’y porter un remède avant que ne s’installe la spirale de l’échec ».

Mais la suppression des épreuves de rattrapage n’est pas d’actualité, selon le ministère. Thierry Mandon promet, pour les prochains jours, un « test de cadrage » qui « détaillera les modalités de mise en place du contrôle continu intégral. Dans un an, une première évaluation aura lieu. Nous regarderons à ce moment-là les résultats pour en tirer les conséquences sur l’organisation de l’université. (…) Il est donc difficile d’imaginer toute suppression des rattrapages dès l’année 2016-2017 », conclut le secrétaire d’état, renvoyant une décision définitive au prochain quinquennat.

« Clientélisme » du gouvernement

Une décision « incompréhensible » pour Jean-Loup Salzmann, qui s’interroge sur les raisons « du changement de position » du secrétaire d’Etat. Même incrédulité du côté de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), syndicat étudiant favorable à la mise en place du contrôle : « Thierry Mandon s’est engagé plusieurs fois à créer un cadre expérimental pour le contrôle continu. Le système permet un enseignement progressif et permet, contrairement à une idée reçue, aux étudiants de se rattraper plusieurs fois : en cas d’échec dans l’acquisition d’une compétence, le contrôle continu permet une seconde chance, même une troisième au long de l’année universitaire », estime son président, Alexandre Leroy.

Selon M. Leroy, la décision du ministère ne répond pas à une logique pédagogique mais à du « clientélisme » alors que « se joue sur les campus une bataille électorale ». En effet, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), principal syndicat rival de la FAGE, a fait de longue date le maintien d’une session de rattrapage l’une de ses priorités. « Si nous sommes favorables au contrôle continu, il ne doit pas s’accompagner d’un démantèlement du droit étudiant sous prétexte d’innovation pédagogique », défend Martin Bontemps, son vice-président. En laissant à un autre gouvernement la décision de mettre fin aux sessions de rattrapage, l’exécutif offre une petite victoire politique à l’UNEF.

Pourtant, un rapport de l’année universitaire 2013-2014 du comité de suivi de la licence et de la licence professionnelle (CSL-LP) soulignait déjà que le contrôle continu permettait d’« obtenir des résultats plus satisfaisants pour les étudiants », « une augmentation de titulaires de mention » et « une baisse du taux d’échec en première année ».

« A ne vouloir froisser personne le gouvernement fait le choix de ne rien faire », regrette Alexandre Leroy.