Rosario Valke. #EnMémoireBruxelles | D.R.

Son prénom, il le devait à un petit Italien qui fréquentait l’école de sa mère et s’était pris d’amitié pour elle. Rosario Valcke, né en 1957, est mort à l’aéroport de Zaventem, le 22 mars. L’aéroport était devenu son refuge, depuis qu’il avait perdu son emploi de « clarkiste » (conducteur de chariots élévateurs) et son logement. Il y dormait la nuit, puis regagnait le village de Zaventem où vit sa mère, Nicole Hamel, 79 ans. Presque tous les jours, sur le coup de midi, il la rejoignait au New Carré, un snack-bar posé entre l’église Saint-Martin et le parc bordé d’un étang qui fait la fierté de la localité.

C’est là, pour arrondir sa maigre retraite, que Nicole Hamel a travaillé pendant 17 ans après avoir passé sa vie chez Belgavia, à préparer des repas pour les passagers de la Sabena. L’après-midi, Rosario faisait la tournée des bistrots de Zaventem, en « bon vivant » que décrivent tous ceux avec qui, au café Cité, il partageait une tournée de bières, jouait aux cartes et parlait football.

Plus de travail, plus de toit, pas de permis de conduire, pas vraiment de vie amoureuse, même si on lui connaissait une petite amie à Malines, où il se rendait en bus, son unique moyen de locomotion. La vie de « Rosse », comme le surnommaient ses copains, était dure, mais ça ne l’empêchait pas de faire rire son monde en imitantMicky Curry, le batteur de Bryan Adams, ou en chantant les tubes de Simple Minds. « Sa première chanson, quand il était encore tout petit, c’était ’J’entends siffler le train’, de Richard Anthony. Il la reconnaissait à la première note et se mettait à susurrer “et z’entends sniffer le chien”, raconte, émue, sa maman. Nicole Hamel loue un petit logement social où il n’y a, explique-t-elle, qu’une chambre. « Ma retraite ne me permettait pas d’en prendre un plus grand pour loger Rosario », murmure-t-elle, un voile de regret dans les yeux.

Le matin de l’attentat, elle ne s’est pas inquiétée. « Quand un voisin m’a expliqué que toutes les sirènes que nous entendions passer sous nos fenêtres, c’était à cause d’une bombe qui avait explosé à l’aéroport, à 8 heures, je me suis dit que Rosario ne risquait rien puisqu’il devait se rendre très tôt à un entretien d’embauche dont il attendait beaucoup ». Les jours passent et toujours rien. « A partir du vendredi, je me suis réellement inquiétée. Et le mardi suivant, j’ai entendu sonner. J’ai entr’ouvert ma porte. On m’a mis une carte de policier sous le nez. J’avais compris”.

Depuis, Nicole Hamel passe ses journées au New Carré, entourée d’amies. « Je n’arrive pas à pleurer mais je vois Rosario partout, à chaque arrêt de bus, derrière la vitrine des cafés où il aimait boire un verre. Partout ». Rosario Valcke, à qui une rude existence n’aura jamais enlevé la bonne humeur et la gentillesse « qu’il avait de naissance », repose au cimetière de Zaventem, le village qu’il n’a jamais quitté. Le cimetière où l’ont accompagné plusieurs centaines de personnes, le jour d’un enterrement rendu possible par la générosité d’un entrepreneur de pompes funèbres et d’amis.

Jean-Claude Matgen (La Libre Belgique)