La ministre française de l'écologie, Ségolène Royal avec le ministre de l'environnement de Côte d'Ivoire, Remi Allah Kouadio dans le parc national du Banco à Abidjan, le 26 février 2016. | AFP

Ségolène Royal, la présidente de la COP 21 (21e conférence de la convention des Nations unies sur le climat), a fait de l’Afrique sa priorité. Et des femmes africaines en particulier car les aider est pour la ministre française de l’écologie, une façon à la fois juste et efficace de lutter contre le changement climatique.

De retour de Nations unies, où le 22 avril, 175 pays ont signé l’accord de Paris sur le climat, elle annonce qu’elle présentera une liste de projets prioritaires pour mettre en œuvre l’initiative africaine sur les énergies renouvelables lors de l’assemblée générale du Pnue (programme des Nations unies pour l’environnement), fin mai à Nairobi. Un prix pour récompenser les « héroïnes africaines du climat », baptisé Wangari Maathai, du nom de l’écologiste kényane et Nobel de la paix sera aussi lancé.

Vous affirmez que les femmes sont « la solution » pour lutter contre le réchauffement, qu’entendez-vous par là ?

En Afrique, les femmes sont les premières victimes du réchauffement. Ce sont elles, qui parcourent des kilomètres pour aller chercher du bois, puiser de l’eau toujours plus loin. Des experts ont calculé qu’elles passent chaque année plus de 40 milliards d’heures à ces tâches harassantes. Si nous leur donnons accès à d’autres formes d’énergie, nous ferons reculer la déforestation. Si nous multiplions les petites pompes solaires, nous permettrons aux agricultrices de produire davantage grâce à l’irrigation.

L’agriculture et la déforestation sont la première cause des émissions de gaz à effet de serre sur le continent. Le rôle des femmes a été reconnu dans le préambule de l’accord de Paris. Il faut donner à cette reconnaissance une traduction concrète. En Afrique, l’avenir du climat est entre les mains des femmes. C’est pour cela qu’en tant que présidente de la COP 21, je souhaite que tous les pays fassent une place spécifique aux femmes dans leurs engagements nationaux.

Comment ?

J’ai préparé un courrier pour tous les pays afin d’attirer leur attention sur cette question. Mon souhait est aussi que les bailleurs aient cette priorité à l’esprit dans l’affectation des 10 milliards de dollars qu’ils ont promis à l’Afrique. C’est ce que fera la France dans le cadre de l’initiative pour les énergies renouvelables adoptée lors de la COP 21.

« Les Africains me l’ont demandé. Ma parole va permettre de cautionner cette initiative. » Ségolène Royal

La moitié des ressources qui seront consacrées à des systèmes de production d’énergie décentralisée notamment dans le solaire devront cibler des groupements de femmes. Le fait de cibler prioritairement les femmes va déclencher des mobilisations. Je crois beaucoup à cette approche que j’ai expérimenté dans ma région de Poitou-Charentes. Dans le cadre du programme Désir d’entreprendre, nous avions mené des projets de coopération en matière d’énergies renouvelables avec la région de Fatick au Sénégal et cela avait donné de très bons résultats.

Les présidents africains vous suivent ?

Ils me le demandent car ils savent que la question des femmes est clé.

Vous évoquez la promesse de 10 milliards de dollars mais la France n’est pas seule contributrice. Votre ambition suppose que les autres bailleurs partagent votre vision, qu’en est-il ?

Mon objectif en tant que présidente est de montrer qu’après la signature de l’accord de Paris, les choses vont vite. Il faut démarrer pour donner de l’espoir aux Africains. Il en va aussi de notre crédibilité. Pour cela, je veux pouvoir proposer une liste de projets prioritaires sur lesquels les financements pourront être mobilisés. J’ai demandé à l’ensemble des bailleurs, bilatéraux et multilatéraux, qui ont promis leur soutien à l’Initiative africaine sur les énergies renouvelables de me faire des propositions. Dans les pays africains que j’ai visités au cours des derniers mois, les gouvernements m’ont exposé leurs priorités. Enfin à Paris, j’ai reçu tous les ambassadeurs africains en leur demandant de me faire remonter les attentes de leur gouvernement. Il y a des projets qui attendent depuis plus de quinze ans.

Quand cette liste de projets sera-t-elle prête ?

Nous serons en mesure de la présenter lors de l’assemblée du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) fin mai à Nairobi. Cette liste aura été validée par les pays africains pour être sûr qu’elle correspond à leurs attentes. Elle ne va pas sortir de mon chapeau.

Hormis ces projets qui concerneront de grandes infrastructures, je souhaite soutenir d’autres idées qui permettront de donner accès à l’énergie à de plus petites échelles comme : une école, un toit solaire pour éclairer les salles de classe. Même chose pour les dispensaires de santé, qui doivent avoir de l’électricité pour garantir la conservation des médicaments. Enfin dans le domaine agricole, il faut promouvoir des petites pompes solaires qui vont permettre d’appuyer des systèmes d’irrigation. Ces priorités peuvent donner lieu à des appels à projets massifs qui permettront de faire baisser les prix. Il y a urgence. Ces pays ne peuvent créer de l’activité et des emplois sans accès à l’énergie. Aujourd’hui la croissance démographique sur le continent est plus rapide que le rythme d’installation de nouvelles capacités énergétiques : concrètement cela signifie que si nous n’agissons pas rapidement, l’accès à l’électricité va reculer en Afrique.

Etes-vous sûre de ne pas froisser les Africains qui travaillent aussi dans le cadre de l’Union africaine à la mise en œuvre de cette initiative sur les énergies renouvelables ?

Je travaille avec les Africains. Ils me l’ont demandé. Ma parole va permettre de cautionner cette initiative. Je ne suis pas partie prenante. Je n’ai aucun intérêt à avantager tel ou tel pays. J’écoute tout le monde et il faut faire en sorte que tous les pays soient servis mais on ne peut pas attendre que des projets soient mûrs partout pour démarrer.