Les séismes des 14 et 16 avril dans l’île de Kyushu (sud-ouest du Japon), qui ont fait 42 morts et plus de 1 000 blessés selon le bilan provisoire, suscitent des interrogations dans la communauté des sismologues japonais. Le 18 avril, l’agence japonaise de météorologie avait comptabilisé plus de cinq cents répliques dans la région, une activité jugée inhabituelle qui pourrait être due à une sorte de réaction en chaîne.

L’hypothèse part du constat que le premier séisme, de magnitude 6,5 (6,2 selon l’USGS, l’agence américaine chargée de la surveillance de l’activité sismique) a eu lieu dans le département de Kumamoto, et le second, de magnitude 7,3 (7 selon l’USGS) dans celui d’Oita, à une centaine de kilomètres au nord-est.

L’épicentre du premier se situait dans la partie nord de la faille de Hinagu, là où elle rejoint celle de Futagawa. « Il peut y avoir eu une rupture dans la partie nord de la faille de Hinagu, estime Hiroshi Sato, de l’Institut de recherche sur les séismes de l’université de Tokyo, qui pourrait en avoir provoqué une dans celle de Futagawa ». Ce mouvement aurait déclenché le tremblement de terre du 16 avril, dont l’épicentre était dans le nord de cette faille.

Les images des habitants pris au piège après la série de séismes au Japon

« Quand un puissant séisme survient, ajoute Atsumaya Okada, spécialiste de géomorphologie à l’université de Kyoto, il provoque parfois des secousses dans d’autres zones. Comme l’activité sismique s’intensifie dans les régions de Kumamoto et d’Oita, il semble qu’elles se stimulent réciproquement. »

Crainte du grand séisme de la fosse de Nankai

Les experts de l’agence de météorologie jugent que les secousses se répartissent dans trois zones distinctes : Kumamoto, la région du mont Aso (nord de Kumamoto), qui est entré brièvement en éruption samedi, et le centre d’Oita.

De quoi se poser des questions pour l’avenir, car les failles concernées sont liées à la ligne tectonique médiane du Japon, qui s’étend du Kyushu au département Nagano, dans le centre de l’archipel, en passant par l’île de Shikoku.

De ce fait, certains sismologues redoutent une « remontée » de l’activité sismique le long de cette ligne. « Le dernier séisme pourrait provoquer des secousses dans le détroit de Bungo, estime ainsi Yoshinobu Tsuji, de l’Institut de recherche sur les bâtiments, qui sépare le Kyushu de l’île de Shikoku. »

Cette hypothèse ravive également les craintes du redouté grand séisme de la fosse du Nankai, qui correspond à la zone de subduction entre les plaques de la mer des Philippines et de l’Eurasie, le long de la côte est du Japon. La possibilité que l’activité dans le Kyushu provoque un tremblement de terre dans cette zone « reste minime », estime Takashi Furumura, de l’université de Tokyo. Mais, rappelle le chercheur, « comme il n’y a pas eu de puissant séisme dans la fosse de Nankai depuis environ soixante-dix ans, il pourrait y en avoir un dans un avenir proche ».

La centrale de Sendai maintenue en activité

Outre les craintes de nouvelle catastrophe, les séismes du Kyushu ravivent les débats autour du nucléaire. S’appuyant sur l’avis de l’autorité japonaise de régulation du nucléaire, l’ARN, le gouvernement a décidé de maintenir en fonctionnement la centrale Sendai, dans le département de Kagoshima (sud de Kumamoto) dont les deux réacteurs sont les seuls en fonction dans l’archipel. D’après le ministre de l’environnement Tamayo Marukawa, l’accélération sismique maximale enregistrée au sol de la centrale les 14 et 16 avril n’a pas dépassé 12,6 gal. Or les normes en vigueur fixent à 620 gal la limite pour arrêter un réacteur.

« Les secousses enregistrées restent suffisamment basses », juge le porte-parole du gouvernement Yoshihide Suga. Le parti communiste appelle à l’arrêt de la centrale, de manière préventive. Un éventuel accident compliquerait les questions d’évacuation dans une région aux capacités de transports aujourd’hui fortement perturbées.