Le modèle de sous-marin Shortfin Barracuda Block 1A, créé par DCNS, remplacera les actuels sous-marins australiens. | HANDOUT / REUTERS

Après l’annonce par l’Australie du choix du groupe industriel français DCNS pour la construction de douze sous-marins, mardi 26 avril, François Hollande a salué sur Twitter « un choix historique ». Plusieurs questions se posent sur un accord déjà qualifié de « contrat du siècle ».

  • DCNS, qu’est-ce qu’est ?

Le groupe industriel DCNS, spécialisé dans l’industrie navale militaire, est notamment détenu par l’Etat (32 % des parts) et par la société Thales (35 %). L’action de cette dernière a d’ailleurs pris plus de 2 % mardi à la Bourse de Paris.

Jusqu’en 2007, DCNS était la DCN, pour Direction des constructions navales, elle-même héritière des arsenaux français et de la Direction des constructions et armes navales (DCAN). En pleine mutation, le contrat avec l’Australie était primordial pour l’avenir de DCNS. Surtout que son rival allemand TKMS était également en lice.

  • Le contrat est-il vraiment signé entre l’Australie et DCNS ?

Aucun contrat n’est signé pour le moment entre l’Australie et le groupe industriel français. Mais à la suite de l’annonce faite par le premier ministre Malcolm Turnbull, l’Australie et DCNS vont entrer dans des négociations exclusives en vue de sa signature.

Les discussions devraient s’achever au début de l’année 2017. Et la mise en service du premier sous-marin n’est prévue que pour 2027. Sur Europe 1, mardi matin, le ministre de la défense français, Jean-Yves Le Drian, a annoncé qu’il se rendra en Australie dans quelques jours « pour établir la feuille de route. (…) Il va y avoir la mise au point du contrat définitif dans les semaines qui viennent », a-t-il poursuivi.

  • Un contrat de 8 milliards ou de 34 milliards d’euros ?

Le budget de ce programme militaire est le plus important contrat de défense passé par l’Australie. Il est estimé à 34,3 milliards d’euros et comprend la conception, les transferts de technologie, la production, le système et la maintenance pendant vingt-cinq ans.

S’il est signé, le contrat prévoit également une enveloppe globale sur cinquante ans pour les infrastructures, la maintenance et la formation des équipages. Les douze sous-marins remplaceront la flotte actuelle des six ­submersibles de classe Collins. Selon M. Turnbull, l’Australie pourra compter à partir de 2027 sur les sous-marins de nouvelle génération « les plus sophistiqués du monde ».

Mais si le contrat est estimé à 34,3 milliards d’euros, la part revenant aux industriels français est estimée à 8 milliards d’euros. « Une partie de ces sommes sera investie en Australie puisque l’Australie souhaite, et on le comprend, assurer sa souveraineté sécuritaire et industrielle. Mais il y a aussi une partie significative qui reviendra en France », a précisé M. Le Drian.

  • Combien d’emplois sont concernés en France ?

Le président de la République François Hollande et le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, le 19 avril 2016. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Avec ce futur contrat, le ministre de la défense a estimé, sur Europe 1, que « ce sera des milliers d’emplois en France. C’est un contrat de très longue durée. (…) Nous sommes mariés avec l’Australie pour cinquante ans ».

Concrètement, en France, le contrat mobilisera plus de 4 000 personnes pendant six ans chez DCNS et ses 200 sous-traitants, principalement sur les sites de Cherbourg, Nantes et Lorient. Difficile pourtant de dire, à ce stade, combien de ces emplois seront créés pour l’occasion.

Si le marché est remporté par une entreprise française, la construction des sous-marins se fera toutefois en Australie, à Adélaïde, la capitale de l’Australie-Méridionale, Etat qui connaît le plus fort taux de chômage du pays (7,7 % en février). Ce contrat permettra également la création de 2 900 emplois en Australie.

Canberra cherchait en effet à obtenir des assurances qu’une grande partie du processus de fabrication serait réalisée en Australie de façon à maximiser la participation et l’emploi de l’industrie australienne. Et ce à quelques mois d’élections législatives anticipées prévues en juillet.

  • Quels étaient les concurrents de DCNS ?

Alors que le processus de sélection a été lancé en février 2015, le groupe DCNS a longtemps été considéré comme un simple outsider. Le consortium japonais, emmené par Mitsubishi Heavy Industries, était parti favori, talonné par l’allemand TKMS. Mais plusieurs éléments ont permis aux Français de l’emporter sur le fil.

Les Allemands, qui proposaient aussi de construire les sous-marins en Australie, avaient pour handicap de ne jamais avoir conçu de bâtiments de la classe des 4 000 tonnes demandée par l’Australie, soit près du double de la taille des bâtiments qu’ils produisent actuellement. Quant aux Japonais, les doutes portaient sur leur capacité à réaliser, hors de leur pays, de tels bâtiments.

L’Australie souhaitait également conclure un partenariat dans la durée, ce que la France peut garantir, ayant son propre programme de sous-marins garanti sur les soixante-dix prochaines années. La recommandation du panel chargé d’étudier les offres était « sans équivoque », a déclaré M. Turnbull.

  • Pourquoi l’Australie renouvelle sa flotte de sous-marins ?

Ces douze sous-marins nucléaires devront remplacer les six sous-marins conventionnels qui datent des années 1990 et sont censés ne plus être utilisés à partir de 2026. Pour justifier ce doublement, Malcolm Turnbull a mis en avant « l’environnement maritime compliqué » dans la région, avec en particulier la montée en puissance de la Chine.

Pékin mène en effet en mer de Chine méridionale d’énormes opérations de remblaiement d’îlots, transformant des récifs coralliens en ports, pistes d’atterrissage et infrastructures diverses.