Rafael Nadal au tournoi d'Indian Wells, le 16 mars 2016. | Harry How / AFP

« Faut-il sauver le soldat Nadal ? », nous demandions-nous ici même il y a un an, alors que le tennisman espagnol n’était plus que l’ombre de lui-même. Peut-on n’être plus que l’ombre de l’ombre de soi-même ? Au moment où débute, avec le tournoi de Monte-Carlo, la saison sur terre battue, on pourrait reprendre le titre et publier à peu près le même article que l’an passé. Avec cette nuance : pour « Rafa », le début de 2016 ressemble au début de 2015, mais en moins bien.

L’an passé, le Majorquin se présentait sur la terre battue de Monte-Carlo avec un bilan de quinze victoires et cinq défaites, un quart de finale à l’Open d’Australie, et le tournoi de Buenos Aires (Argentine) en poche. Avant son entrée en lice, demain, face au Britannique Aljaz Bedene (no 60 mondial), Nadal, actuellement classé 5e, totalise douze succès et six revers, une élimination au premier tour de l’Open d’Australie, et aucun tournoi remporté. Sa finale à Doha (Qatar, fin janvier) et sa demi-finale à Indian Wells (Etats-Unis, fin mars), toutes deux perdues face à Novak Djokovic, sont les seuls résultats qu’il ait améliorés d’un an sur l’autre – il avait respectivement fait premier tour et quarts de finale en 2015.

 > Les résultats complets de Nadal en 2016

Le Japonais Kei Nishikori possède cette année la particularité d’être l’unique joueur du top 40 à s’être incliné (en quarts de finale du tournoi californien) face à Rafael Nadal, qui a lui-même chuté face à des joueurs, hormis Djokovic par deux fois, d’un calibre pas tout à fait menaçant en temps normal : Fernando Verdasco (alors no 45, en Australie), Pablo Cuevas (alors no 45 aussi, à Rio), Damir Dzumhur (no 94) – sur abandon, son premier depuis 2010, dans la fournaise de Miami – et Dominic Thiem (no 19, à Buenos Aires), que l’Espagnol retrouvera sans doute dès jeudi s’il écarte au préalable Aljaz Bedene.

« Je tente de surmonter l’anxiété »

Ce dernier a d’ailleurs bien compris que les astres étaient peut-être en train de s’aligner de manière favorable pour lui : « Je ne suis pas le favori, mais j’ai une chance, a expliqué Bedene. Il n’y a jamais de bon moment pour jouer quelqu’un comme lui, mais si je pouvais en choisir un, ce serait maintenant. » Maintenant, au bout d’un premier quart de saison 2016 qu’il est permis de qualifier de piteux pour l’Espagnol, dans la foulée de sa fin d’annus horribilis 2015 : élimination au second tour à Wimbledon (Dustin Brown), et au troisième à l’US Open (Fabio Fognoni). Le dernier tournoi remporté par « Rafa » est celui, mineur, de Hambourg, le 2 août dernier. Son dernier tournoi du Grand Chelem : Roland-Garros 2014.

Nadal, dont on a, en ce début d’année, surtout retenu les amabilités échangées avec Roselyne Bachelot au mois de mars, n’a pas l’air de s’alarmer de ses résultats médiocres, convaincu qu’il semble être, malgré tout, de la qualité de ses performances : « Je tente de surmonter l’anxiété causée par mes résultats en 2015. Aujourd’hui je suis en pleine forme et je suis prêt pour ma surface préférée de la saison. Je joue bien, je suis content de ce que je fais. » Souhaitons-lui de se montrer aussi habile sur la terre battue monégasque raquette en main que balle de tennis au pied :

« Les sensations sont bien meilleures que l’année dernière, malgré la défaite au premier tour en Australie, qui est certainement la plus dure à encaisser, explique encore Nadal. J’ai atteint les demies à Indian Wells et, à Miami, je me sentais en contrôle avant mon coup de chaleur. Je suis bien plus calme sur le court qu’en 2015, je prends plus de plaisir. Si j’arrive à évoluer au même niveau tennistique et mental qu’à Indian Wells sur une surface qui me convient comme la terre battue, alors j’espère réaliser de grands tournois. »

Porte-drapeau espagnol à Rio ?

Le double vainqueur de Roland-Garros (1993, 1994) Sergi Bruguera, interrogé par L’Equipe, ne se fait pas plus de souci que ça pour son compatriote : « Il n’y a que ceux qui ne connaissent rien au tennis qui peuvent croire qu’il ne peut pas redevenir un monstre sur terre. » A un peu plus d’un mois du tournoi parisien qu’il tâchera de conquérir pour la dixième fois (22 mai-5 juin), Rafael Nadal compte sur ceux de Monte-Carlo, puis Barcelone, Madrid et Rome pour consolider son coup de raquette et son mental, plus que pour grimper au classement afin d’éviter les aléas du tirage au sort à Paris – actuellement 5e, il risque de devoir affronter Djokovic dès les quarts, là où le Serbe l’avait stoppé l’an dernier.

» Le classement ATP

« Que je sois 4 ou 5 ne change rien dans mon approche, affirme-t-il. On peut gagner Roland-Garros sans être protégé. De toute façon, logiquement, je ne devrais pas parvenir à rejoindre les joueurs qui sont devant moi, donc c’est pas la peine que je me pose cette question, je me concentre sur mes sensations. »

Passées celles de Roland-Garros puis de Wimbledon (27 juin-10 juillet), Nadal pourrait en vivre une intense, quelques semaines plus tard, lors de Jeux olympiques de Rio : « Le sport espagnol lui doit beaucoup, je pense qu’il devrait être le porte-drapeau, surtout vu la façon dont il a été traité [référence à « l’affaire Bachelot »], a expliqué à la fin de mars Alejandro Blanco, président du comité olympique espagnol. Il mérite de ressentir que le sport espagnol tient à lui. Nadal est une référence. Il avait été choisi comme porte-drapeau pour Londres [blessé, il avait dû renoncer aux Jeux], il devrait être choisi à nouveau pour Rio. »

Rafael Nadal tenant la tête de Rafael Nadal, à Indian Wells, le 9 mars 2016. | JULIAN FINNEY / AFP