Au pied de la cathédrale de Strasbourg, dans la célèbre boutique de La Cloche à fromage, un petit groupe d’Américains dégustent un munster, spécialité fromagère de la région. Leur visite guidée les conduira ensuite au Bon Vivant pour goûter une tarte flambée à la winstub. A l’origine de ces Food and City Tours, Virginie Holm, une guide conférencière indépendante. Elle a lancé l’an dernier ces visites mêlant découverte culturelle et gastronomique. Un concept (90 euros pour trois heures et demie de visite) qui lui a valu le prix de l’Initiative touristique Alsace en 2015.

A Paris, c’est Paris by Mouth ou encore Secret Food Tour Paris qui occupent le créneau. Quant à l’entreprise Eating Europe Tour, créée par l’Américain Kenny Dunn en 2011, elle propose des tours gastronomiques à Londres, Amsterdam, Rome et Prague : « 55 % de ma clientèle vient des Etats-Unis, 20 % d’Australie et 10 % de Grande-Bretagne », précise-t-il. Autant de formules alliant tourisme et bonne chère qui remportent un succès grandissant. « A l’heure de la mondialisation, la gastronomie reste un marqueur identitaire fort », constate Virginie Holm pour expliquer son succès.

« Le touriste cultivé veut montrer qu’il a le palais affûté et qu’il ne fait pas que bronzer idiot. » Saskia Cousin, sociologue du tourisme

Ses clients sont notamment des Anglo-Saxons, même si des Français viennent aussi découvrir Strasbourg par le palais. La nourriture, symbole d’authenticité à l’ère du tourisme de masse ? « C’est elle qui distingue le “vrai” voyageur, amateur d’art et de traditions, du “faux”, acheteur d’objets d’aéroport et de folklore artificiel », explique Saskia Cousin, sociologue du tourisme à l’université Paris-Descartes. Une tendance confortée par l’étude Tourisme de luxe et gastronomie de luxe : une nouvelle Sainte Alliance sur fond de patrimoines ? parue en 2014, qui soulignait la volonté des consommateurs d’approfondir leur connaissance et leur compréhension des autres à travers, notamment, la gastronomie.

Chez Olive & Cookie, une adresse du Twilight de Pijp Tour à Amsterdam. | Jan-Kees Steenman

Pour le voyageur, ces expériences qui sollicitent les sens paraissent plus personnelles, mais n’offrent qu’« une version sophistiquée du tourisme de masse », nuance Herbert Castéran, responsable du management du tourisme à l’école de management de Strasbourg. « Même si elle joue sur une dimension personnelle, la formule sera déclinée à de nombreuses reprises », poursuit-il. Elle crée par ailleurs un distinguo entre les touristes. « Le touriste cultivé veut montrer qu’il a le palais affûté et qu’il ne fait pas que bronzer idiot, souligne Saskia Cousin. Mais le goût du Marais et du Quartier latin à près de 95 euros, ce n’est pas alternatif, c’est simplement élitiste. » Curiosité, snobisme, soif d’authenticité… Quels qu’en soient les ressorts, c’est « un phénomène émergent », affirme Herbert Castéran. Le tourisme de bouche a, semble-t-il, de belles heures devant lui.

Par Delphine Jung

Taste of Marais (Paris), 3 heures, 95 €. http://parisbymouth.com

Montmartre food tour (Paris), 3 heures, 89 €. www.secretfoodtours.com

Best of Alsace (Strasbourg), 3h30, 90 €. www.foodandcitytours.com

Taste of Testaccio Food Tour (Rome), 4 heures, 75 €. www.eatingitalyfoodtours.com

Twilight Soho food Tour (Londres), 4 heures, 83 €. www.eatinglondontours.co.uk